Solitude.

Jesus Romanov

Il y a cette personne derrière, celle qui est toujours derrière. Parfois je me dis qu'en faisant demi tour j'arriverais à la semer, qu'elle pourrait poursuivre son chemin sans même me remarquer.

Mais non.

Rien à faire, elle me suit encore. J'ai cette ombre collée au dos depuis longtemps, trop longtemps. elle m'empêche de dormir, ça fait des nuits que je la vois depuis la fenêtre de ma chambre. Elle reste assise sur ce banc, impassible. Mais si jamais je m'assoupissais, resterait-elle sur ce banc? S'approcherait-elle encore un peu plus de moi?
Ingurgitant une énième tasse de café, cette simple idée me fît frémir.

Combien de temps encore le café suffirait-il?

Je ne vous cacherais pas que parfois je m'assoupissait quelques minutes, généralement dans les transports en communs, en mouvement, entouré de gens. Tout au fond personne n'oserait venir me perturber. Mais lorsque je me retrouvais seul dans la rue pour rentrer chez moi, dans cette ruelle où personne d'autre que moi ne passait, elle revenait, derrière moi. J'entendais ses pas, toujours à distance suffisante, juste assez pour que je puisse sentir son poids sur mes épaules. C'est comme si devant elle, les façades palissaient, les oiseaux s'arrêtaient de chanter, les fleurs fanaient et la nuit s'assombrissait.

Plus le manque de sommeil s'accumulait, plus les idées que je pensais mettre en œuvre pour lutter contre ce parasite semblaient ridiculement stupides. Comme vivre dans une nacelle de montgolfière. Au moins je pourrais fermer l'œil sans craintes.

Je n'avais plus de travail depuis deux semaines déjà. J'ai été renvoyé pour avoir éclaté un écran au sol par mégarde. Son reflet y est apparu, j'ai eu peur.

"Vous êtes viré".

Comme ça, simplement. Qu'importe, je possédais déjà de quoi survivre, et peut-être même de quoi lutter.

Mon appartement était soigneusement barricadé, on venait de m'installer ma nouvelle porte et mes nouvelles fenêtres. j'avais fait condamner l'accès à la cheminée, les volets étaient fermés, tout était sécurisé.

Je resterais ici le temps qu'il faudra pour qu'elle se lasse et m'oublie, j'ai suffisamment de provisions, tout va bien se passer et peut-être même que ce soir, je dormirais.

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