Comment se vautrer en beauté

breinmilliner

Suite de mes aventures éditoriales dans "Sortir de sa grotte", comment une lectrice passionnée finit addicte à l'écriture.

Ma passion de l'écriture est née très jeune de mon engouement pour la lecture.

A six ans, j'entre au cours préparatoire, le calcul ne m'attire pas, mais alors pas du tout. Gamine discrète, rêveuse, qui ne provoque guère l'intérêt de son entourage, je m'acharne sur l'apprentissage de la lecture (que voulez-vous, il faut bien s'occuper...). Le tout premier livre qui obtient mes faveurs, je m'en souviens encore : « Le club des cinq et la boussole » d'Enid Blyton, la version complète, pas celle d'aujourd'hui, parait-il édulcorée ? Petite fille surtout volontaire quand il s'agit de choisir un livre, « Oui-oui » plus conforme à ma tranche d'âge, ne m'attire pas malgré sa bouille sympathique.

Vers dix ans, j'écris sur des cahiers de petites histoires, récits dont je ne me rappelle pas grand chose. Tout cela termine deux ans plus tard dans une inondation, au cours d'un déménagement. Un orage violent, l'eau dévale les escaliers extérieurs menant à la cave et imbibe tous les cartons entreposés là. Le contenu de l'un d'eux : mes livres préférés, mes dessins, les fameux cahiers et autres trésors, irrécupérables, échoueront à la décharge. Chagrin.. Surtout pour les livres. L'un d'eux « La princesse sans nom » de Paul-Jacques Bonzon, avec ses superbes illustrations (celles de la première édition) et sa belle histoire, occupait le haut de mon classement. Forcément, une histoire de princesse, dont les petites filles d'aujourd'hui sont toujours victimes. Bien que mes rédactions surprennent parfois mes professeurs, voilà qui met en veille mes velléités créatives, mais pas mon appétit dévorant pour les livres. Mes goûts, très hétéroclites m'ouvrent bien des univers, pas toujours adaptés à mon âge je l'avoue, mais très instructifs.

Les années passent. Empruntons le TGV (le tu-grandis-vite), histoire de gagner le quai de l'âge adulte. Le besoin virulent d'écrire se réveille après ma contribution au taux de natalité, qui me libère de l'instinct de procréation. Je fais mes premières armes sur un « space-opera », toujours en cours à cette heure. L'exploration sur des distances interstellaires exige du temps et ne va pas à la vitesse de la lumière qui veut ! Outils : support papier et stylo-bille car je ne possède pas encore de pc. Aujourd'hui, la technologie facilite bien les choses. Cependant, l'exercice de reprendre feuille et crayon apporte de nouvelles perspectives et oblige à plus de recul que la « frappe au kilomètre » qui s'assimile à un processus quasi-automatique. Tentez-le, vous serez très surpris de vos hésitations et de la manière, très différente, dont la pensée s'organise.

L'idée de mon tout premier roman surgit de la simple observation d'une haie grouillante de vie à la lisière du jardin... La nature est une source d'inspiration inépuisable mais il en existe d'autres : rester attentif à son environnement, quel qu'il soit, procure d'innombrables sujets d'étude et fournit tous ces détails qui soutiennent un récit. Revenons à ce projet de roman qui sera orienté jeunesse et fantasy. Une période sans emploi permet de m'atteler à sa rédaction et de rester zen malgré tout. Mon fils aîné (douze ans) commence à s'intéresser à la chose et lit les premiers chapitres. Retenir l'attention d'un garçon de cet âge relève de l'exploit et lorsqu'il en redemande, je tombe des nues, avec un léger doute : ne serait-il pas en train de me balader pour obtenir ou cacher quelque chose ? Odieux soupçon de manipulation... Qui n'a pas eu de gosse de cet âge, ne peut comprendre à quel point le pré-ado (et non pas prédateur de parents naïfs) est déjà rusé... Non je n'ai pas dit sournois, ne poussez pas !

Tous les soirs, il rentre du collège, affirme avoir fait ses devoirs (ce que je vérifie en douce pour ne pas vexer mon bêta-testeur) et pique mon portable. A l'époque il ne risque pas de surfer à tout va, notre connexion internet 52k, la préhistoire, est bien trop faible et les pages mettent un temps fou à s'afficher. Aujourd'hui ce serait une autre histoire, j'aurais plus que des doutes quant à sa soudaine passion... et sans aucune honte, je couperais la Wi-fi, pour supprimer toutes sources de tentation et distraction pendant le temps de lecture. Le voilà donc qui lit mon travail quotidien et il est exigeant l'animal ! Gare, si je n'ai pas écrit au moins dizaine de pages, j'ai droit à une moue chagrine et un « t'as rien fait aujourd'hui ? ». Ce n'est pas comme si la maison s'entretenait toute seule... les repas se préparaient sans effort... mes recherches d'emploi s'établissaient par simple génération spontanée, sans parler des entretiens que je parviens à décrocher... Pourquoi ne suis-je pas née avec le don d'ubiquité, franchement, quelle injustice...

Mais le voir se passionner pour mes protagonistes (auxquels lui et son frère peuvent s'identifier sans effort), sourire à leur déboire, s'immerger dans l'étrange univers que j'ai créé, quelle satisfaction ! Quand vous venez de perdre votre boulot et que vous n'êtes pas au mieux de votre  "self-esteem" professionnelle, le regard d'un gosse amusé par ce que vous écrivez est un baume apaisant. Surtout après une visite à l'ANPE (l'ancien nom du Pôle-Emploi, comme vous le savez). Les quelques adolescents qui liront le roman auront une réaction franche et immédiate : « La suite, c'est quand ? ». Boostée par leur enthousiasme, il ne me faudra que quelques mois pour achever cette première partie et entamer la seconde réclamée par un public restreint mais très demandeur.

A me remémorer cette période, je sais que ce livre entre dans ma catégorie « œuvre de jeunesse ». Mon style, mon écriture, manquaient de maturité, de fluidité, mais ils semblaient très bien correspondre à leur cible, pour ce que je peux en juger. Cependant attention, une histoire même très mal écrite emballera quand même « son » public. Pour vous en convaincre, allez lire sur des plate-formes de publication libre (cf l'article "Expérience de publication libre"  Boycott de Wattpad). Des textes bourrés de fautes, à la grammaire aléatoire, à l'histoire bien peu aboutie, parviennent à passionner un « jeune » lectorat dont les critères d'appréciation sont loin de correspondre à ceux d'un individu féru de littérature, et encore moins à ceux d'un professionnel de l'édition. Mon livre sans être parfait, est, il me semble, loin de ce type d' « écrits » (un frisson de doute me parcourt l'échine tout à coup...). Lorsque s'achèvera ce voyage au bout de ma « grotte », je publierai quelques chapitres, histoire de vous permettre de juger et commenter la « chose ». Vous pourrez trancher mes doutes, pas mon échine !

Prochainement, je vous raconterai, qu'une fois posé le point final de son histoire, la suite, préparer le futur de sa création, est un véritable combat. Et si elle demande beaucoup d'énergie et d'enthousiasme, cette bataille, exige de surtout conserver une parfaite lucidité ! Conseil qui m'aurait été très précieux à cette époque pour m'éviter une belle bourde.

Brein Milliner

Publié sur : https://despointssurlesi.wordpress.com/2015/07/17/comment-se-vautrer-en-beaute/



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