Sortir un éditeur de son chapeau...

breinmilliner

"Chapeau" pour faire joli, la toile rappelait trop l'araignée ... Suite de mon odyssée éditoriale... amusez-vous bien, parce que mettre en mot ses échec pour en rire, c'est un plaisir à partager !

«  Il faut te faire publier ! » Affirmation péremptoire au combien présomptueuse. Nos proches, amis sincères, envieux... innocents le plus souvent dans leur admiration bonne-enfant, machiavéliques peut-être, nous poussent dans une direction qui mériterait plus que la simple envie d'un ego prêt à déclarer la guerre à toute forme d'anonymat. Et pourtant quelle tranquillité d'être un illustre inconnu (enfin il paraît, personnellement mon expérience est identique à la vôtre). Bon d'accord, si vous demandez aux espérances de votre compte en banque... Non, surtout ne lui demandez pas, son raisonnement n'est pas sain.

«  Il faut te faire publier ! »Cette phase est assenée, sans arrière pensée, par des proches. Amusés par mon histoire, un brin admiratif devant ma capacité à écrire plus de deux-cent pages dans un français correct. Amusante cette histoire, pleine de rebondissements, elle révèle une imagination ébouriffée qui en étonne plus d'un. Trop conscients de ma discrétion naturelle, véritable frein à toute frénésie ambitieuse, ils m'encouragent gentiment, enfin, la plupart. Les remarques plus prudentes se retrouvent reléguées à l'arrière-plan. Je poursuis un mouvement amorcé dès les premiers mots frappés sur mon clavier. Pourquoi écrivons-nous ? Cessons de nous mentir, avant tout pour être lu !

En 2004, Harry Potter règne déjà en maître. Mais dans mon histoire point de magie, sinon celle de la Nature, et ses plus humbles créatures sont mises à l'honneur. Tout l'assaisonnement indispensable est là pour retenir l'attention d'une population adolescente très versatile. Et puis si une petite dizaine d'individus a pu apprécier la chose, pourquoi pas les autres ?

Mauvais calcul, quelles entreprises lancent un produit sans faire une sérieuse étude de marché... Celles qui déposent le bilan ! Mais me voilà immergée dans l'aventure. J'investis dans une petite imprimante histoire d'imprimer des manuscrits propres. La modeste machine crache les feuillets A4, pas aussi promptement qu'un lama à la figure du Capitaine Haddock. Moi, je scrute le net à la recherche de précieuses adresses. Un reliquat de bon sens me fait préférer les Maisons d'édition avec une véritable Section Jeunesse.

De grands noms sortent. Trop grands. Qu'à cela ne tienne ! Les manuscrits prennent le chemin de la poste accompagnés d'un synopsis, d'une fiche de présentation de l'auteur de l'outrage (oui vous avez bien lu, outrage et non ouvrage, pas de coquille, c'est plus drôle !), et ingrédient indispensable, parfumés d'une bonne dose d'optimisme. Les semaines passent. Attente interminable pour l'écrivaillon anxieux de savoir à quelle sauce sera mangé son plat de résistance... Mais de sauce, si point trop n'en faut, point du tout il y aura. Les premières lettres types arrivent. Leurs similitudes ont parait-il tué dans l'œuf bien des vocations. L'enthousiasme retombe, aussi flagada qu'un soufflé lorsque la porte du four s'ouvre au plus mauvais moment de la cuisson. (miam, un soufflé au fromage, ça fond au palais... ).

Des refus, aux similitudes navrantes, sans commentaire associé. Et cette phrase qui semble migrer de l'un à l'autre de ces feuillets aux entêtes réputés.. « ne correspond pas à notre ligne éditoriale... ». Un éditeur avec une section jeunesse qui écrit ça ? Stupéfaction ! Mon manuscrit est donc d'une telle nullité que personne ne me le dise ? Une grande maison aura la délicatesse, ou l'indélicatesse, de me retourner mon pavé sans que j'ai à délier les cordons de ma modeste bourse. Ne soyez pas surpris, nous sommes en 2004, l'élégance n'est pas morte. Enfin pas encore. Cependant, gros bémol, sur cet exemplaire, pas une annotation, pas une page cornée, froissée. J'aurais rêvé qu'elles soient maltraitées, chiffonnées... ont-elle seulement été tournées ces pages ?

Que faire ? poursuivre ma quête, soutenir l'activité des postes et télécommunication par mes envois coûteux? Peut-être aurais-je dû poursuivre jusqu'à découvrir même la plus modeste des maisons d'éditions à compte d'éditeur... Mais peu familière du milieu, j'hésite, je tergiverse et je délibère. Je continue mon exploration via le net avec ma connexion 52k calquée sur l'asthmatique qui paie la facture. Et malgré la lenteur stressante des pages qui défilent au ralenti, digne d'un archéologue dégageant des ruines antiques à la petite cuillère, je tombe nez à nez avec « The Editor » ! Dommage que ce jour funeste, ma connexion n'ait pas rendu l'âme, qu'Edf, pardon ERDF n'ait pas procédé à des coupures sauvages, et plus efficace encore, qu'un semi-remorque ou la tempête du siècle n'aient pas renversé les poteaux électriques sur quinze kilomètres autour de ma maison.

« The Editor », je l'appellerai ainsi, histoire de ne pas faire de publicité dans un sens où dans l'autre.

La Société est nouvelle, le concept novateur, moderne pour l'époque, surtout à mes yeux peu avertis. Edition à compte d'éditeur annoncée, là, noir sur blanc ! Fichier électronique et édition papier. Visible, lisible, facile à acquérir... Tous les arguments qui réduisent un cerveau lambda en éponge  absorbant du tout et du n'importe quoi, à fantasmer à outrance. Le site, pour l'époque, est bien construit, accessible et les promesses si alléchantes. Et, bonheur, inutile de solliciter la poste, vous êtes invités très cordialement à envoyer votre roman par voie électronique, tous les manuscrits sont étudiés... bla, bla, bla.

Bien sur, aujourd'hui, une telle offre suscite chez moi de nombreuses questions et une profonde méfiance. D'ailleurs, je suis devenue une vraie pro pour démonter ce genre de proposition, et même des arguments bien plus vicieux. Forcément, quand vous vous faites avoir une fois et confiez votre « bébé » à une personne inapte à en prendre soin, vous acquérez un instinct particulier pour flairer ce qui ne sent pas bon.

Les intentions de « The Editor » étaient-elles malintentionnés dès le départ ? Pompe à fric pour écrivains naïfs ou bien Maison ouverte à tous, prête à s'investir pour mettre les « perles » en avant et leur trouver un vrai projet éditorial ? La vérité était peut-être entre les deux : faire de l'argent avec des pseudo-auteurs juste soucieux de diffuser leur ouvrage dans un cercle restreint avec une publication à la demande et puis, au sein de cette masse, découvrir de vrais talents. Mais le discours a surfé entre deux eaux et la réputation de cette maison s'est construite sur le mécontentement du plus grand nombre, ses méthodes ont été dénoncées, l'absence d'accompagnement soulignée. Difficile dès lors de se refaire une virginité... Peut-être victime de son succès, de la manne représentée par tous ces manuscrits vomis par le net ? Cet éditeur s'est-il  fourvoyé dans l'argent facile ? L'appât du gain pervertit les meilleures intentions... si intentions louables il y eut un jour.

Après un peu plus d'une décennie, et malgré les événements plus récents, je conserve des doutes  :

Le milieu (édition classique) verrait d'un mauvais œil un auteur issu de cette « écurie ».

Aucun auteur reconnu n'a jamais admis être passé par là. Des poulains aujourd'hui chevaux de trait, oui, ils sont nombreux ! Les bêtes de concours, je les cherche encore (Si vous en êtes, vous pouvez m'écrire en catimini, je resterai une vraie tombe... pure curiosité de ma part).

D'un autre côté, je ne donne pas le vrai nom de cette maison, donc je ne jette la pierre à personne.

Oui mais voilà, comme toujours, ces réflexions viennent plus tard et... beaucoup trop tard. Et voilà comment, je me suis embarquée dans une véritable galère éditoriale. Dans le prochain épisode, je vous narrai (joli verbe...) comment j'ai sollicité « The Editor », les détails de mon contrat d'édition, la réception du BAT, et surtout mes premières désillusions. Mais quand le vin est tiré... il faut le boire...

Brein Milliner.

publié sur : https://despointssurlesi.wordpress.com/category/sortir-de-sa-grotte/

Signaler ce texte