Sous l'oreiller la plage

coob

Ce texte a été écrit dans le cadre du club d'écriture Extraction-Désenfumage #11. Le sujet donné était le suivant : SPIN-OFF Choisissez un personnage secondaire d'un texte de ED #10 et racontez son histoire.
J'ai donc choisi un personnage du texte La Morsure du Python de Mr Bazinga, consultable sur notre Tumblr.  (extractiondesenfumage.tumblr.com/)

 Pour ceux qui n'auraient pas le temps d'aller le lire, voici un court résumé :
A La Nouvelle-Orléans, le détective Steve Dahomey et sa  très généreuse partenaire Scarlett Johns enquêtent sur une série de meurtres commis à l'aide d'un mystérieux Colt Python. Steve se laisse envoûter par le Colt maléfique et l'échange contre son arme de service. Avec, il ne peut résister à l'envie de tuer : ses deux enfants, sa femme, puis lui-même.


SOUS L'OREILLER LA PLAGE

La chaleur et les mojitos ont eu raison de mon attention. Les Turpitudes de Steve Dahomey m'a glissé des mains, je le rattrape avant qu'il ne tombe dans le sable mouillé. C'est pas que ce soit de la grande littérature, le pauvre bougre. Je n'avais aucune intention de l'emmener mais il était dans le sac avec le fric.

Quand j'y pense, quel loser ! Découvrir après toutes ces années de vie commune qu'il tenait un journal de ses multiples impuissances … Il mettait toujours trois heures à s'endormir avec ses questions philosophiques à la con. Et il finissait inévitablement par rallumer pour aller chercher son cahier. Il me racontait que c'était des notes sur ses enquêtes en cours.

Au moins, il a raison sur un point quand il dit que «  sa femme (...) fait preuve d'intelligence et ronfle comme un petit cochon à côté de lui. » Je ris de sa comparaison. « Petite cochonne » serait plus approprié, je vous prie de me croire. Qu'est-ce qu'on a pu s'envoyer en l'air tous les soirs pendant qu'il était au bar !

Je ne saurais pas dire pourquoi j'ai accepté de l'épouser, j'avais vingt ans. Mes parents avaient hâte de se débarrasser de moi. Les siens aussi sûrement, vu ses capacités. Bref, pour une raison ou une autre, on n'a pas résisté. Les deux mômes sont arrivés comme des cheveux sur la soupe, vraiment par hasard. Il a insisté pour leur donner le nom de ses parents - Sandy et Brian, franchement, ça aurait dû me mettre la puce à l'oreille. Mais bon, tout le monde autour de nous semblait avoir la même vie inepte taillée dans l'ennui massif, alors pourquoi pas, après tout ? Je l'ai suivi à la Nouvelle-Orléans, on a acheté un pavillon en banlieue. Le dimanche, on taillait la pelouse et on buvait de la limonade sur la terrasse en regardant le soleil se coucher. Le rêve américain, quoi. L'exaltation en moins.

Et puis il y a dix ans, ma vie a été bouleversée en un clin d'oeil. Littéralement. J'ai découvert la chair, la sueur, l'incandescence du désir. Pour autant, je n'ai jamais vraiment rêvé de me débarrasser de Steve. Il n'était pas gênant, un peu comme un fantôme familier. C'était un trouillard de première, un de ces pauvres hères qui croient tout ce que dit la télé. Il économisait en vue de l'armageddon qu'elle lui promettait. Il planquait tout sous une latte du plancher, comme dans les mauvais films. Parfois, je caressais l'idée qu'un jour j'en profiterais, mais vraiment comme ça, pour rire.

Quand il a commencé à enquêter sur le Colt vaudou, j'ai tout de suite su que cette histoire le retournerait définitivement. Il ne demandait qu'à péter un plomb. Le truc est un peu parti en vrille quand il a flingué les mômes mais bon, c'est mieux comme ça, après tout. Ils étaient aussi limités que lui. Toujours en train de massacrer mon massif de fleurs. 

Le journaliste qui a couvert le meurtre de notre famille a facilement gobé l'histoire de ma mort "alors que je tentais de m'enfuir". Il n'écoutait que la moitié du récit, trop préoccupé par le décolleté de l'officier de service ce jour-là. C'est elle aussi qui a supervisé les obsèques organisées à la va-vite à cause de la chaleur.

Ensuite, il suffisait de récupérer les cent mille dollars planqués sous le plancher, les faux passeports prévus par Steve, et de prendre le premier avion pour la liberté.

Basique, en somme, bien qu'inopiné.

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On va se plaire, ici. On l'a bien mérité finalement.

Scarlett sort de l'eau, plus sexy qu'une James bond girl, elle s'ébroue et éclate de rire. Elle n'a même pas pris le temps d'enlever son chemisier blanc avant de plonger, elle l'a juste déboutonné et il colle à sa peau de façon très suggestive. Elle s'approche de moi, son ventre est doré comme un petit pain qui sort du four, mouillé, palpitant. Elle m'enfourche avant que j'aie le temps de me redresser sur le transat, et m'embrasse à pleine bouche. Elle a un goût de menthe pilée, de citron vert. Ses doigts s'enfoncent dans mes cheveux, elle me dévore en gémissant.

Puis elle pose son sourire extatique sur mes yeux et se met à ronronner.

(L'idée était de faire un grand pied de nez aux gars du club, qui sont tous très très enthousiasmés par le personnage de Scarlett :-D)

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