Souvenirs intimes

Hervé Lénervé

Souvenirs d’enfance interdit aux enfants.

Avant, quand j'étais petit enfant... bien sûr que si, je le fus, c'est vexant à la fin... ma mère était sourde et muette et manchote aussi, mais ça, on s'en fout pour l'anecdote. Donc, pour les berceuses le soir, n'y en avais pas, que dalle, nada !

Mais grâce à tonton Denis qui m'en avait appris une, je pouvais me la chanter seul le soir, dans mon grand lit vide et froid quand le jour fut fourbue.

Mais un jour, où je répétais ma berceuse à tue-tête, me croyant seul à la maison avec ma mère, peut-être, la sourde, on s'en fout, ça compte pas, je pris une taloche de mon père derrière la tête, qui malheureusement n'était pas sourd, lui. Donc, la taloche sournoise par derrière, le lâche, me coupa le sifflet. Il était rentré plus tôt à cause d'un incident au chantier par la négligence d'une jambe qui traînait sous une charge. Et comme mon père n'était même pas cocu, sur quelle jambe, croyez-vous, qu'elle soit tombée la charge de la palette de parpaings ? Oui, bingo ! La sienne et même pas la mauvaise, celle qui boitait de famille, non, la bonne celle qui marchait bien. Quand on n'a pas de chance dans la vie, on ferait mieux de s'euthanasier à la naissance.

Tout ceci pour dire, que la taloche de mon père, la vision stressante d'un père qui gueule en gigotant, l'ambiance malsaine que même un enfant peut ressentir, fit que mon cerveau refoula, à jamais, ma berceuse.

Perdue. Je ne me souviens plus que de la première phrase.

« Le curé de Camaret a les couilles qui pendent.... »

Après, plus rien, le vide intersidérant. C'est dommage, car elle marchait bien pour s'endormir.

Mais quel farceur ce tonton Denis !

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