• Les Mots •
Sandra Von Keller
Les plus grands écrivains demeurent dans les plus vieilles bibliothèques, ce silencieux cimetière où chacun peut louer une tombe.
Écrire n'est pas seulement un acte ou un fait culturel.
Écrire n'est pas seulement un étalement de pensées ou un cri du coeur.
Et encore moins de simples lettres qui se forment à l'aide d'une plume sur le papier.
Écrire ne revient pas seulement à un but esthétique tel de jolis mots ou de jolies lettres calligraphiques.
Écrire c'est donner vie à notre jumelle et laisser la parole à notre âme. Derrière l'écran. Sur du papier...
L'écriture est une "réalité fictive".
Un voyage à son paroxysme dans l'Autre Dimension. Un pouvoir intense qui estompe toute tension. Un univers inconnu et indéfini. Quelques écrits épistolaires. Un livre Ancien. Un Échappatoire ou bien une formule thérapeutique...
Tant d'empreintes diversifiées.
Écrire est synonyme de vie et de liberté. Elle purge notre mauvaise herbe. Retranscrit nos non-dits. Rassasie notre envie. Remplace nos rêves à l'évasion. L'écriture n'est tout autre que le reflet de notre miroir. La traversée est souvent éprouvante car le plus complexe est de passer à travers celui-ci...
Mais nous pouvons toujours écrire avec nos tripes. Au plus profond des viscères... Ne voyez-vous donc pas la vie ?
Écrire, c'est aussi savoir qui nous sommes. C'est la petite potion magique qui peut soigner quelques-uns de nos maux. Au fil des siècles, l'écriture tisse sa toile et laisse à chacun prendre les fils. Quel triste sort pour celui qui ne sait ni lire ni écrire. L'analphabète ne peut donc guère exploiter moult diversités. Que leurs âmes doivent être emprisonnées ! Écrire... Écrire...
Encore et toujours à en suer tel un athlète. Écrire ou donner vie. Accoucher les mots. Tout petits. Ils deviennent grands avec le temps. La plume s'éduque elle aussi.
Elle s'apprivoise et demande de l'énergie lorsque les mots se veulent sensibles et vibrants. Il ne suffit pas de les jeter, de les cracher comme de la vulgaire bile purgatoire. Ils demandent aussi à être soigneusement maniés.
Plus vous vous ferez brusque et impatient plus les mots se voudront prisonniers dans votre intérieur. Ils se tordront comme pour vous punir. Et se déformeront jusqu'au point de mourir.
Votre mauvaise herbe n'en sera que plus entretenue et votre plume sera bien difficile à retrouver. L'instantané ne peut pas toujours être de la partie. Il est parfois nécessaire de devoir tourner autour du pot...
Et ne laissez surtout pas s'accumuler trop d'inexprimés, ne vous contentez pas de vos pensées, elles ne sont pas éternelles.
Alors, n'ayez pas peur d'exposer vos mots sous le plus grand des projecteurs. S'ils s'expriment d'une certaine facilité dans l'ombre, ils aiment davantage la lumière. Pourquoi les cacher ?
Il fût un temps où vous auriez été obligé de taire votre pudeur et de les peindre sur les murs...
Alors, ne mettez jamais vos mots en doute. Ne rejetez jamais la faute sur eux. Ils ne sont pas traitres et ne dégénèrent pas. Ils sont tout simplement sous votre contrôle.
Avec un peu d'entretien et de bonne volonté, ils ne perdront pas de leurs couleurs ni de leur forces. Au contraire, ils se revêtiront alors de leurs plus beaux atouts comme pour vous récompenser et vous apaiser.
Continuez à les semer et laissez les pousser instinctivement... Comme un jardin. Et si vous ne parvenez toujours pas à vous exprimer cela ne signifie pas que vous ne savez pas écrire.
Il y a peut-être un barrage en vous qui bloque la circulation. Et si vos mots se retrouvent emmêlés, munissez vous d'un peigne fin et défaisez donc les noeuds. Ou alors recrachez tout ce que vous êtes. Jouez avec les limites. Fouillez dans vos plus grands secrets. Pensez aux influences romancées ou abstraites.
Regardez en vous ce que vous souhaitez vraiment.
N'ayez pas peur de piocher à l'intérieur. Ressortez les vieux démons s'il le faut, mais ne déguisez surtout pas vos mots. Maquiller le vide ne fera que boucher un peu plus les artères.
Banal à mourir ou faussement harmonieux. Peu importe. Cela viendra. Dans le silence et l'inspiration, ils finiront par apparaître, je vous le promet. Et au diable les Calculs Littéraires, les Alexandrins et les Proses à l'excès ! A quoi bon s'imposer de multiples descriptions hasardeuses...
Il n y a pas de symétrie dans le monde des mots. La littérature n'est absolument pas mathématique. Elle est instinctive et ne se calcule pas. Elle se maîtrise. Et si au- delà des trois stades de l'acharnement ( Insistance-Persistance-Souffrance ) tout est toujours aussi blanc et sans offrande. Claquez-vous la tête contre les murs et exprimer vos stigmates en une piteuse litanie ! L'écriture s'accouple à merveille avec la douleur.
Quelle relation incestueuse... Mais les mots ne se limitent pas à ce simple réceptacle. C'est beaucoup trop réducteur. Bien qu'ils s'accouchent plus facilement et intensément dans la souffrance et qu'elle est la source principale des plus grands. Elle ne se résume pas qu'à cela. Et encore moins à la poésie et aux choses mièvres.
Elle est aussi révélatrice, insolite, ineffablement indicible...
Et n'oubliez pas que dans le plus profond des accablements peut se cacher une certaine quête d'énergie.
Les mots aux visages de poupées se transforment alors en puretés maniables, ils s'offrent et deviennent dociles.
L'écriture est une thérapie, mais elle n'échappe pas à l'Enfer. Elle apaise les brûlures, mais elle n'a pas le pouvoir de l'eau sur les flammes.
La tête en vrac et les idées confuses ? Il ne faut pas avoir peur d'écrire sans trop savoir où aller, c'est le début d'un peaufinage jouissif. Et si les mots flottent dans les airs, quel bonheur de pouvoir les attraper... Et si les mots s'alourdissent, c'est l'orgasme assuré. Rien de nuisible je vous assure. Et si ça fait mal tant pis. Sortez-les et faites donc abstraction de tout.
Avalanche de mots ? C'est le désordre ? L'agitation ?
Excisez-vous. C'est un exorcisme hors du commun.
Comme une buée qui sort du ventre et qui se colle aux parois de votre crâne. Et puis il y a la Guerre des Mots. Les ingrats qui se bousculent et qui chamboulent tout. Prenez donc les lettres du bout des doigts. Mangez-les. Vomissez-les. Purgez-vous s'il le faut. Et la bataille s'achèvera dans l'encre.
Il y a les mots timides qui n'osent se manifester. La page reste blanche bien qu'elle se voudrait convaincante. Il y a les mots précieux. Ceux qu'on retrouve sur une page jaunie par le temps.
Il y a les passionnés qui écrivent à l'encre de Chine sur du papier à grain. Il y a les névrosés révoltés qui se vident avec leur sang. Il y a les amnésiques qui cultivent leurs carnets...
Chacun exploite l'écriture à sa façon.
Laissez donc la porte ouverte à votre inconscience. Elle ne fera que vous surprendre et vous servir...
Franchissez les barrières de la censure et vous sentirez alors l'encre couler dans vos veines. N'ayez pas peur de vivre à travers eux mais faites attention à la névrose maladive.
Qu'elle ne vous emporte pas trop ou vous pourrez y laisser un peu de votre peau.
Lorsque les nerfs éclatent en quelques phrases, elles peuvent connaître l'effet dévastatrice d'une bombe atomique. Hiroshima littéraire... Explorer notre intérieur est presque similaire à une profonde descente dans les abîmes...
Quelque peu effrayant, mais tellement enrichissant de faire toujours un peu plus connaissance avec nos fantômes qui sommeillent en nous...
Les mots ne sont que des petits esprits errants et vagabonds. Il faut creuser. Les déterrer. Pour recevoir dans nos paumes ouvertes, leurs plus belles résurrections.
Les mots sont des invités qui frappent parfois à notre porte. Des orphelins attendant l'amour de notre plume turbulente... Des blessures internes qui peuvent nous offrir bien des vertiges par tant de pesanteur mais quelques points de suture voluptueux.
De majestueuses effluves de nos ivresses extasiées. Comme un déluge effervescent. Ils sont les maîtres somnambules de nos fastidieuses insomnies.
Les citadelles édifices de nos ombres ensevelies. Les solitudes pantelantes d'un désert glacé où se meurt les comètes englouties. Les gargouilles de notre mémoire chancelante. Les plus grands mascarets de nos souvenirs les plus disgracieux.
Ces funèbres cortèges où se constellent de féroces soubresauts nuptiaux. Écrire c'est tout simplement dépasser toutes les frontières sans pour autant être un clandestin minotaure et exilé.
Vous savez... J'aimerais inventer des mots. Ceux qui n'existent pas ou ceux qui n'existent plus. J'aimerai écrire l'impossible. Avoir ce pouvoir de l'indicible. Je voudrais qu'ils demeurent avec véhémence. J'aimerai combler l'inexistence.
Dépasser l'intensité et l'innommable. Que le vide ne soit plus. J'aimerai frôler le miraculeux. J'aimerais surprendre en touchant au plus profond des viscères. Comme un violent coup de sabre dans la chair.
J'aimerais que le silence se consume lorsque mes mots se font boire. Je voudrais frotter les mots comme si le feu pouvait en jaillir... Je voudrais les caresser pour que ceux qui les lisent ressentent une étreinte inégalée.
Un contact tactile. Allant au-delà d'un simple frisson parcourant l'échine. Je voudrais offrir des yeux à chacune de mes lettres pour qu'elles vous regardent dans l'ombre de vos émois.
Je voudrais que votre inconscience chuchote à travers elles, afin que je puisse contempler vos rêves pour vous protéger de la nuit...
Je voudrais qu'elles soient aussi ferventes qu'un fond sonore pour tuer un silence oppressant. Je voudrais savoir décrire le Néant avec le plus grand des acharnements.
J'aimerais tisser mes lettres comme une araignée tisse sa toile [ . . . ] La mienne ne sera pas de fils mais d'âmes. Je voudrais que mes mots soient aussi brûlants qu'un coulis de braises égaré d'un volcan. J'aimerais toujours écrire en un premier jet comme un vif tranchage de gorge. Mais j'aimerais surtout [ . . . ]
M'évanouir dans le lyrisme. L'orage qui rugit sur les côtes ou le silence qui s'impose. Le vent qui secoue les branches ou fait claquer la barrière du voisin. La pluie fracassante ou la musique qui murmure. Les grincements de la girouette sur le toit.
Loin de tout. Complètement perdue dans je ne sais quels abîmes. Plus vivante que jamais ou morte au complet. Tel est ma Source d'inspiration. Il est des maux qui ressuscite et ramène à la vie. Je crois en la renaissance après des siècles et des siècles d'agonie. Écrire retarde mes rêves ou à l'effet inverse m'offre le sommeil tant désiré. Je me veux solitaire dans ces précieux instants éphémères. J'écris pour ressentir une certaine chaleur alors que mon intérieur se fait des plus glacials.
J'écris pour retrouver d'anciennes couleurs et odeurs. Ceux de mon enfance. Je suis en quête éternelle de tous ces sens que chacun perd au fil du temps.
J'écris pour fuir le vacarme incessant de mes petites voix qui parlent toutes en même temps. J'écris pour ressentir encore plus fort la musique qui me traverse, afin qu'elle me pénètre. S'insinue doucement en quelques éclats. Et je m'y accroche.
J'interroge le silence et j'invite mes démons à venir me titiller les entrailles. Car je suis de celles qui extériorise les mots comme on sortirait un couteau du ventre tout en remuant dans la plaie comme pour faire remonter à la surface une faille révélatrice...
Impérativement. Je me dois de tomber à l'intérieur de mon corps. Je crains toujours que la chute soit décevante. Noire. Infiniment noire. Glacée de silences obscurs.
Dans le silence. Comme un vide totale. Rien ne doit exister autour de mes synapses. Rien ne doit entraver l'instant. Il faut que je sente et ressente que je suis seule avec eux. Il faut que je me déconnecte de toute réalité. Le silence me recroqueville parfois. Il ne m'est pas toujours facile d'errer en celui-ci.
Mais je m'exerce à l'apprivoiser car mes mots naissent dans la nuit. Quelque-chose meurt et naît en moi dans ces instants-là. Je me retrouve alors entre la vie et la mort ou plutôt entre le sommeil et l'éveil. Littéralement somnambule. Mais il se passe parfois des choses terribles dans mon être.
Je suis de celles qui préfèrent écrire à la manière d'un chignon gracieusement négligé plutôt qu'un carnaval fracassant. Les mots sont mes enfants et je regrette de les avoir rejetés il fût un temps. Maintenant, il pleut des mots sur ma fenêtre. Des litres et des litres de liquide que je récolterai sans doute dans un petit flacon afin de les conserver avant qu'ils ne sèchent et ne disparaissent.
Ma plume se veut parfois écoeurante, crue, violente, dévastée voir sanglante... Je ne sais pourquoi elle se veut assassine. Sans doute veut-elle révéler ce que je ne peux percevoir. L'enfer qui est dans ma tête... Probablement.
Quoi qu'il en soit, je ne brusquerai rien. Je le sais, au fond, l'écriture est bel et bien salvatrice. Et tant que mon esprit fleurira, les mots ne se faneront pas. Lorsque l'ineffable demeure et palpite dans mon ventre. Je n'ai qu'une seule crainte. Qu'elle s'engloutisse et fasse envoler mon état de grâce.
Tout est trouble. Ils demeurent. Irréversiblement.
Le bonheur ne s'écrit pas...
En effet, c'est un texte intéressant, qui doit en toucher plus d'un je pense...
· Il y a plus de 11 ans ·Les mots, grand remède aux maux.
Bravo en tout cas, tu as bien su décrire ça.
clouds6
Je te remercie. En effet, je vais corriger ça.
· Il y a plus de 11 ans ·Edit : Voilà, j'ai fait ce que j'ai pu. Ce n'est pas facile sans système d'aperçu... :/ J'espère que ça ira. C'est un vieux texte, et je ne suis pas vraiment satisfaite du début mais il va en s'arrangeant.
Sandra Von Keller
texte intéressant, que je n'ai pas lu jusqu'au bout hélas à cause du manque de paragraphes pour aérer
· Il y a plus de 11 ans ·arthur-roubignolle