Sur le sentier de mes racines
Florence Boisseau
Une vie lisse et sereine caractérisait mon existence depuis une quinzaine d’années. Mes débuts n’avaient pourtant pas été faciles. Ayant perdu mes parents très jeune d’un accident de voiture, je m’étais retrouvé très seul et démuni, trimballé de famille d’accueil en famille d’accueil, sans racines pour me retenir, ne trouvant le salut que dans ma faculté à m’adapter sans m’attacher.
La construction d’une famille à moi était venue combler mes manques affectifs et effacer ma solitude.
Il faisait bon ce soir-là en cette fin d’été et je savourais la fraîcheur de l’air, lorsque la voix douce de ma jolie blonde chuchota à mon oreille :
- On est bien ensemble, n’est-ce-pas ?
- Oui, répondis-je dans murmure de béatitude.
- Que dirais-tu de faire un petit voyage après les fêtes de Toussaint, tous les deux en amoureux ?
Julie adorait les plans minutes, les vacances inédites, l’excitation de l’insolite, le changement, bref tout ce qui brisait sa routine habituelle et moi je m’évertuais souvent à lui expliquer que, de mon côté, tout changement non mûrement réfléchi me rendait frileux.
- Arrête de rêver tout haut ! Tu sais bien qu’on ne peut pas partir en novembre à cause de mon boulot, j’ai toujours un travail fou.
- Tu pourrais faire une exception pour une fois et demander à te faire remplacer au Cabinet. Nous n’avons pas pris de vacances tous les deux depuis des années !
- Je n’ai aucune envie de m’absenter alors que mes collègues vont travailler à « faire charrette » comme on dit dans le métier d’architecte. Et puis… tu sais que je fuis tout ce qui n’est pas programmé à l’avance.
Julie sourit :
- Ah cela, je le sais, ta partition de vie est déjà écrite : le tennis le samedi après-midi, le film sur Canal + le dimanche soir, le bouquet de roses à chaque anniversaire de mariage et une montre Rolex à 50 ans ! Te voilà englué dans un conformisme bourgeois et étriqué !
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Quelques jours après cette discussion, je reçus un coup de téléphone d’un avocat que je ne connaissais pas. Il avait besoin de me voir rapidement et me fixa un rendez-vous dans la semaine-même.
Le jour dit je pénétrai dans le bureau de l’avocat, très perplexe. Pourquoi ne m’avait-il pas contacté au Cabinet ? C’est alors que je vis, discrètement adossé contre un meuble, un jeune garçon de 17 ans environ. Mon regard rencontra le sien et je fus pris d’un curieux frisson sans me l’expliquer. L’avocat me fit assoir et me dit sans ambages :
- Ce jeune homme s’appelle Luc et c’est… votre fils !
- Quoi ? Que dites-vous ?
Je manquai tomber de mon fauteuil et je sentis mon cœur sauter un battement. Si c’était une blague, je la trouvai de fort mauvais goût.
L’avocat m’expliqua que Luc demandait un test de paternité. Voyant mon air ahuri, il s’empressa de préciser :
- Votre… fils a besoin d’argent pour financer ses études car sa mère a de très petits revenus et elle lui a donné vos coordonnées.
J’étais en train de cauchemarder, c’est sûr, j’allais me réveiller de cette mauvaise farce et me retrouver auprès de ma Julie, à l’écouter rêver de projets de vacances au soleil, à deux ou même avec nos deux enfants si elle le souhaitait !
Je ne pouvais nier la ressemblance de ce garçon avec moi ni le geste instinctif qu’il avait de se toucher les cheveux. Je sortis de ce premier entretien complètement désorienté. Le plus dur pour moi fut d’annoncer la nouvelle à ma famille, mais la réaction de ma femme fut exemplaire. Le test fut positif et j’appris petit à petit à faire connaissance avec Luc, mon fils né d’une liaison d’un soir. Il nous fallait à tous, trouver de nouveaux repères, Luc allait faire désormais partie de la famille, à son rythme, à notre rythme.
Et c’est comme cela que je reçus ma paternité inconnue en plein visage, un jour d’été bien mûr. Moi qui n’aimais pas la nouveauté, j’étais servi !
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