Swedish Blues

Lorsque l'on passe d'un confortable pavillon de 120 m2 à un appartement de 3 pièces sans garage qui fait tout compté (ou tout déduit, cé kom on aime) 57 m2 sous comble, loi Carrez y compris, on est soudain cruellement confronté à un problème d'espace, c'est humain et physique par la même occasion. Sans parler des livres de ma chérie, il nous a fallu caser ma collection de 800 CD audio, ma collection farouchement gardée de 33T et de ma collection curieusement grandissante de DVD mais aussi celle très prometteuse de Blu-Ray. Ma collec', c'est toute ma misérable culture. Côté chambre, même problématique pour nos gardes robes respectives !? C'est pas ma chérie qui a le plus de fringues, … Je le crois pas !!!

C'est ainsi que comme tout couple moderne qui se respecte, (jeunes ou moins jeunes) nous nous sommes tournés vers la solution de facilité et vers la fameuse enseigne suédoise que tout le monde connait aujourd'hui, à savoir le grand suédois bleu Ikéa. Car, comme chacun le sait bien, « si tu ne roules pas sur l'or et que dans ton logis c'est l'embarras, … Ikéa est là ! ».

Voilà une enseigne qui a su se forger une solide réputation de vendeur de mobilier et d'accessoires de ménage et de déco à pas cher. Je vous épargnerai l'historique de la marque et la bio de son fondateur. Cela a déjà été fait maintes fois, et puis les pigeons que nous sommes et qui vont de toute manière user d'une manière ou d'une autre leur carte bleue dans les antres de ces « usines marchandes », s'en tapent un p'tit peu, … Si, kanmême un p'tit peu !

Aujourd'hui, le premier reflex du bon client Ikéa est de se rendre sur son site Internet, au demeurant fort bien fait pour y trouver son bonheur. On se rend alors vite compte que notre géant camelot, sait aussi vendre des canapés à 2500 ou 3000 €. Souffrant comme beaucoup de monde d'un rétrécissement des cordons de la bourse, nous nous dirigeons rapidement vers un produit phare du moment (car il est fort à parier qu'il n'y sera plus dans six mois) à savoir la gamme d'étagères « Expédit » pour en faire bibliothèque et même rangement pour vêtements. Agrémentant le tout de quelques boites en osier tressé par d'habiles petites mains de l'autre bout de la planète. La préparation de la liste d'achats, d'autres plus familiers parleront de panier, sur le Net, ne pose aucun problème et l'établissement de celle-ci est même d'une facilité et d'une rapidité déconcertante. Nous savons même dans quelle allée et à quelle place nous trouverons la marchandise disponible dans notre magasin local ! Inutile de penser à se faire livrer, car une livraison à domicile est facturée pour un minimum  de  ~ 60 € (Oui, ça calme !) Cela dépend bien sur du poids des colis et de la distance à parcourir.

Heureux de pouvoir acquérir une simili bibliothèque, une presqu'armoire à linge et de jolis paniers en osier qui vont avec, pour moins de 400 neuros, nous décidons donc d'aller chercher les précieux biens. Le mâle de la portée, à savoir moi-même, se chargera donc de retirer la marchandise sur le terrain avec les moyens du bord. A savoir, une berline 5 portes presque réformée, à banquettes arrières rabattables (et heureusement) …

And now i got a new bibliothèque, but …

Aucun problème pour se garer sur ce spacieux parking à l'échelle du bâtiment imposant de cette enseigne qui a prévu large, car j'y suis allé un soir de semaine. Rien qu'avec la collection de Caddys qui squattent le long des portes d'entrées on se dit que le mec il a prévu le coup ! Tu risques pas d'avoir besoin d'apporter ta brouette, y a large de la marge !

Je ne vous le cache pas, je n'ai jamais aimé ce magasin construit sur l'ancien site de grands abattoirs et j'ai en y entrant à chaque fois cette même impression qui me glace un peu le sang … question de sensibilité me direz vous ! J'essaye tout de même de rester le plus objectif possible en rédigeant ce texte qui ne vise en rien la qualité des produits. Produits qui sont tout à fait corrects, tant par leur design que par leur qualité cartoonesque. J'essaye de donner mon impression face à la ‘géantitude' de ces enseignes qui ont visiblement un gros appétit de vente tout en utilisant des techniques sur lesquelles nous sommes en droit de nous interroger.

Je me dirige donc de manière très approximative vers ce que l'on pourrait appeler le retrait des marchandises. Un jeune homme de couleur nordiquement antagoniste, m'indique très poliment et avec un énorme et clinquant sourire, que je suis en train de me diriger vers des locaux techniques et privés et que l'entrée du magasin se situait de l'autre côté de l'imposante cage d'escalier en béton gris. Il est revenu le temps des cathédrales, j'vous l'dis !!!

Je trouve assez facilement les colis dans lesquels sont emballés les précieuses étagères grâce à un fléchage plutôt efficace. Ces colis sont en fait de grosses boites  en carton, monolithiques et lisses. Inutile de dire que si comme moi tu n'as pas des bras de deux mètres de long, il est fortement recommandé de venir à deux. Il était indiqué sur la commande que pour trouver nos paniers en osier, il fallait s'adresser à un vendeur. A défaut de vendeur, car il n'y en avait pas, je me dirige vers une borne où se situent deux paires de postes informatiques. Par le biais d'un écran tactile, j'affine ma recherche pour trouver les précieux paniers qui sont bien sur pliés en quatre dans un emballage cartonné très bien étudié et disposés dans le rayon adéquat. Une fois les articles chargés sur mon chariot de compétition, je me dirige enfin, dans un état d'angoisse et d'agoraphobie que j'ai rarement connu, vers le site des caisses. Site qui s'apparente de loin à un terminal d'aéroport où quelques hôtesses plus ou moins souriantes font leur dur labeur selon l'humeur du jour.

En me dirigeant vers la sortie, je me rends compte que l'enseigne commercialise aussi des produits alimentaires du cru, qu'il y a un snack, etc. Je me dis qu'il faut être barjot pour manger dans un endroit pareil et de surcroit, avoir de l'appétit, mais bon, cela n'engage que moi :o) C'est déjà assez pénible çacomme, on ne va pas encore en plus, emmener des souvenirs dans les toilettes de sa maison !

La sortie du magasin, enfin, s'apparente pour moi aux dernières images de la fin alternative de « Blade Runner » de Ridley Scott ! Malgré le crépuscule wagnérien de ce milieu d'hiver de fin du monde, … Dieu que c'est bon de sortir de cet amas de béton bardé de tôles bleues d'où surplombe en enseigne jaune, Ra, le nom du dieu suédois du mobilier en carton.

Les derniers obstacles du relief bitumineux de l'immense parking font sautiller une dernière fois mes cartons monolithiques sur l'immense chariot. C'est avec un soulagement non dissimulé que j'arrive à ma voiture déjà d'un autre âge pour me rendre compte rapidement que la taille du coffre de ma berline japonaise fabriquée aux royaumes unis il y a quelques années déjà, correspondait, à quelques microns près à la taille de mes colis suédois. Un homme d'un certain âge, probablement retraité et sorti de nulle part, me propose son aide pour charger les deux plus gros colis dans mon véhicule nippon (ni mauvais), ce qui me réconcilie provisoirement avec l'humanité et sa mégalomanie commerciale débordante pour le reste de la journée.

Il ne me reste plus alors qu'à transporter cette belle marchandise brute à mains nues vers mon trois pièces, situé au deuxième étage sans ascenseur. Au total quatre colis que même un poulpe aurait du mal à manipuler seul ! Ma chérie et bien sur mise à contribution car ma force physique d'ouvrier des espaces verts, trouve elle aussi ses limites en fin de journée.

Arrive enfin le week end ! Dimanche qui est le jour du dieu Ikéa bien sur, puisque c'est là que le commun des mortels monte ses étagères sur quelques mètres carrés de plancher flottant. Bien entendu, un plan détaillé est fourni ainsi qu'un outillage minimaliste. Le montage, avec un minimum de rigueur, est à la portée de tous pour peu qu'il sache lire un plan. Une fois le tout monté et mis en place on est bien sur fier de son labeur et c'est lorsque l'on se rend compte qu'il est déjà 21 heure en cette sainte et rare journée, que l'on se dit qu'il y a quand même probablement quelque part dans le monde au moins un suédois qui se fout un peu de notre gueule ! Si, quand même un p'tit peu !

En conclusion, je dirais que certes la marque Ikéa est une enseigne intéressante pour la diversité et le design de ses produits. Que certaines gammes de produits, comme la décoration, les ustensiles de cuisine, de rangement etc sont relativement originaux et bon marché. Lorsque l'on se dirige vers les produits phares en matière de mobilier, l'on achète certes à bon marché des produits neufs. Mais il ne faut pas oublier que d'une, ces meubles sont pour la plupart en carton ou presque, que ces produits ne sont que très rarement suivis et qu'ils disparaissent rapidement des nouveaux catalogues. Mais que surtout, leur transport jusqu'à chez vous, leur montage complet et leur installation sont entièrement à votre charge ! Je n'ose même pas vous parler de bilan carbone et Kronenbourg … :o)

Je vous recommande d'ailleurs fortement de vous informer de l'encombrement et du poids des colis avant d'envisager un achat, et le cas échéant de vous équiper d'un véhicule adéquat pour le retrait de votre marchandise. La taille des colis dépassant rapidement la capacité d'une berline de base.

Ce genre d'enseigne servant surtout de garde fou à ces enseignes qui n'hésiteraient pas à nous vendre un canapé en cuir véritable pour cinq fois sa valeur, justifierait déjà presque son existence. Lol !

Et oui, Ikéa, c'est un peu comme le Nutella, on l'aime sur le moment pour ses promesses et puis l'instant d'après on le déteste simplement, pour ce qu'il est. C'est un peu la base de notre société de consommation construite sur des fondations en carton qui supportent l'insupportable. Un insupportable qui aujourd'hui heureusement, pèse de moins en moins lourd.

Du vent, du bluff, des mots …

NOTE DE L'AUTEUR : Je sais, c'est long et chiant à lire, de plus ce texte qui n'a aucun intérêt n'intéresse donc personne par définition. Vous avez donc beaucoup de mérite de l'avoir lu ! Merci :o)

Bien à vous.