Take shelter

daniel-m

Histoire d’une parano ordinaire …


Un film de Jeff Nichols, jeune réalisateur américain qui monte et qui aime montrer une Amérique populaire et ordinaire à travers des films atypiques et décalés. J'ai choisi ce film au hasard de ma médiathèque comme d'autres choisiraient un nouveau chocolat au rayon de leur supermarché, par simple curiosité convulsive, mais aussi sur les conseils avisés de ma fille ainée qui avait adoré ce film à ses dires. Nous devons à Jeff Nichols des films comme, « Mud » ou plus récemment « Midnight spécial ».

 

Synopsis...

 

Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs.

 

Curtis LaForche mène une vie paisible avec sa femme et sa fille quand il devient sujet à de violents cauchemars. La menace d'une tornade l'obsède. Des visions apocalyptiques envahissent peu à peu son esprit. Son comportement inexplicable fragilise son couple et provoque l'incompréhension de ses proches. Rien ne peut en effet vaincre la terreur qui l'habite...  (allociné)

 

 

Le film est particulier, la famille est ordinaire, le contexte est extraordinaire et le tout est américain. Curtis est petit à petit pris de cauchemars, puis ses cauchemars l'obsèdent. L'obsession prend ensuite une ampleur qui questionne sa femme et sa fille. Curtis est hanté par la vision d'une tornade majeure, une catastrophe naturelle sans précédent qui menace sa famille et ses biens. Curtis commence alors à aménager et renforcer l'abri anti tornade dans son jardin avec une frénésie inquiétante …. Il devient schizophrène, sujet à des hallucinations et décide même de consulter.

 

Difficile de « parler » de ce film inclassable pour de nombreuses raisons. L'idée et le scénario sont tout aussi abracadabrantesques qu'effroyablement réalistes. D'où déjà le reflexe de saluer cette idée originale et très moderne de ce scénario hors du commun. L'on est admiratif devant les liens qui semblent indestructibles de cette famille très ordinaire, face à ce qui semble être la maladie mentale qui gagne petit à petit ce père de famille. Le réalisateur et scénariste insiste à la fois sur des vieilles valeurs traditionnelles comme la famille et en même temps sur les nouvelles menaces écologiques de notre époque. Dénonce une certaine Amérique que l'on n'a pas l'habitude de voir. Des services administratifs tout aussi bancals qu'en France, des manques de moyens évidents et des boulots tout aussi fragiles que chez nous. L'action reste cependant très confuse tout au long du film et j'avoue que le spectateur que je suis s'est senti un peu largué pendant un long moment. En fait, on a du mal à comprendre où tout cela veut en venir … L'unique light motif incroyablement insistant étant la force de ce couple que rien ne semble pouvoir ébranler et qui élève, parallèlement à cette situation de plus en plus difficile, avec beaucoup d'attention et d'amour, sa petite fille apparemment sourde et muette.

 

Pas grand chose d'autre à dire sur l'intrigue et ce n'est au final pas le but, je ne vous en dirai donc pas plus :o) D'ailleurs, l'on apprend rien en fait, avant les trois dernières minutes de la fin du film, si ce n'est que la santé mentale de l'homme est fragile et ce à peu près tout autant que l'est l'équilibre écologique de notre planète. Mais là encore une fois, ce n'est pas la substantifique moelle du film. Le plus surprenant et peut être la seule chose la plus troublante, est cette vision de la famille parfaite, un peu lisse mais prête à affronter les pires des catastrophes et ce en refusant toute violence, comme si la famille et ses valeurs, l'amour à l'état brut, étaient les seules barrières contre le pire à venir.

 

Je n'ai pu m'empêcher de comparer « take shelter » au film « Signes » de Night shyamalan paru en 2002. Un film sur nos prémonitions ou émotions inexpliquées qui peuvent devenir de simples préoccupations de nos existences, ou des obsessions qui vont transformer nos vies. Comme si « la bonne conduite » était instinctivement notre salut. Nous faisons parfois des choses que nous ne nous expliquons pas pour des raisons tout aussi inexpliquées. Entre tocs inavouables ou instincts de survies infondés sur le moment, … mais peut être qu'un jour … à partir de quel moment peut-on parler de folie ? La limite n'est jamais tracée. Ce mix entre thriller psychologique et apologie du « conservationnisme » tendance Amish dans un monde perdu d'avance est sincèrement troublant. Entre valeurs fondamentales de la civilisation et colère de la nature, … le sujet et la moralité restent flous.

 

Take Shelter (« abrite-toi » en français) est un film complexe sur un sujet qui ne l'est pas moins. En fait, il n'y a pas vraiment de sujet, mais une succession d'événements, parfois banales, parfois bancals, parfois irréels, parfois illogiques qui trouvent leur explication dans les tout derniers instants du film. Si mes quelques élucubrations plus-haut vous ont semblé confuses, elles sont à l'image du film. J'avoue que j'ai du consulter certains avis et analyses, pour conforter le mien et avant d'écrire ces lignes, tant ce film sans être complexe ou ambigu, semble suivre des chemins détournés de toute logique scénaristique. Cela dit, l'on ne pourra que souligner le talent et l'intelligence de cette histoire tout autant que celle du réalisateur, sur une prémonition qui est parfois plus effrayante que réaliste … Quoique.

 

On soulignera pour finir, le jeu des deux acteurs principaux, Jessica Chastain et Michael Shannon qui sont bluffants ! Un film pas vraiment drôle, avec une autre Amérique, une autre histoire, une autre façon de voir les choses, une autre façon de nous les présenter. L'intrigue n'apparaît qu'après le mot fin, au spectateur de trouver une réponse, une interprétation à tout cela. Une vraie réussite et incontestablement un nouveau cinéma qui a, à défaut de divertir, celui de chatouiller nos neurones léthargiques !

 

 

 

Michael Shannon est Curtis LaForche

 

Jessica Chastain est Samantha LaForche

 

Tova Stewart est Hannah LaForche

 

Shea Whigham est Dewart

 

Katy Mixon est Nat

 

Kathy Baker est Sarah

 

Ray McKinnon est Kyle

 

Lisa Gay Hamilton  est Kendra

 

 

Moralité : Il faut toujours se fier à ses intuitions …

 

 

Merci de vos lectures.

  • j' ai pas vu ce film mais il m' inspire déja

    · Il y a presque 6 ans ·
    Mcgoohanallnightlongcrop1

    prisonnier

  • J'ai vu ce film et je suis contente de lire ton point de vue éclairé car je ne m'étais pas tout expliqué. J'étais restée sur ma faim, ne sachant pas trop ce qu'il fallait en penser et j'avoue que ta chronique m'apporte des réponses. Merci donc, et bravo pour ton article !

    · Il y a presque 6 ans ·
    Coquelicots

    Sy Lou

    • Merci. Je crois qu'en fait, ce film ne laisse que des questions et c'est ce qui est bien au final. J'aime à penser qu'il symbolise toutes ces choses dont nous sommes intimement convaincus mais que nous enfouissons au fond de nous. Un peu comme des autruches qui enfoncent leur tête dans le sable.

      · Il y a presque 6 ans ·
      Gaston

      daniel-m

  • Comme d'habitude je trouve vos chroniques cinématographiques fortes intéressantes.
    Je crois que j'ai vu Signes.

    Si vous avez le temps, et si vous le souhaitez évidemment, j'aimerais connaître votre point de vue sur le film Midnight express.
    Ce film m'a bouleversé au point que je l'ai vu trois fois.
    J'ai même la cassette audio de la bande musicale du film. Elle est enfermé dans un carton qui prend l'eau.

    Bonne journée à vous.

    · Il y a presque 6 ans ·
    40405 (2)

    Lady Etaine Eire

    • Merci pour la lecture et le commentaire tout d'abord. Je crois que j'ai vu Midnight express en salle lors de sa sortie et j'ai gardé en mémoire cette violence de la vengeance de la victime sur son tortionnaire. Il faudrait que je le revois d'ailleurs. La musique de G. Moroder (compositeur en vogue de l'époque) je l'avais en K7 également et même si j'ai pu numériser et récupérer un max de trucs, celle ci est passée à la trappe. Mais peu importe, ce qui est bien avec le cinéma, c'est que cela laisse des traces, même des petites :o)

      · Il y a presque 6 ans ·
      Gaston

      daniel-m

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