Tasse de thé et solitude

Nina Jéhanno

   Je suis seule. Seule face à ma tasse de thé, que je fixe presque de manière obsessionnelle. La nuit commence à tomber. Autour de moi, tout devient obscur. Mais cette obscurité ne m'effraie pas, au contraire, elle m'apaise, telle une mère apaise son enfant lorsqu'il se réveille d'un cauchemar.

Malgré la pénombre de la pièce dans laquelle je songe, je distingue encore aisément la discrète vapeur qui s'échappe de ma tasse encore pleine. Elle s'échappe comme s'échappent les pensées de mon esprit à minuit.

Je suis seule, mais consciente que nous passons notre vie à l'être. Nous naissons seuls et nous mourrons seuls.

Je plonge dans ma rêverie solitaire, au risque de m'y perdre.


   Je prends la décision d'allumer la lampe de mon bureau. La lumière m'éblouit amèrement. Mais il me semble plus prudent de s'habituer à la lumière plutôt qu'à l'obscurité, même si cela peut s'avérer quelques fois pénible. La lumière éclaire l'esprit, pendant que l'obscurité l'endort, voire l'achève.

Je prends ma tasse de thé, et l'approche de ma bouche. J'hume les arômes de cannelle, de gingembre et d'agrume. Je bois une gorgée, puis deux, puis trois, et délicatement, je repose cette tasse, en observant que j'y ai laissé une trace de rouge à lèvre. Cela me fait sourire. Je prends toujours plaisir à sourire.


   Je suis seule, seule face à cette tasse de thé, à présent marquée par mes lèvres, marquée par mes empreintes. Cette tasse de thé n'est rien d'autre que la métaphore de ma solitude. Cette solitude qui accompagne l'homme du matin au soir, de sa naissance à sa mort.

Je suis seule, seule face à ma solitude caressée par mon souffle. La solitude permet quelques fois de s'entendre mieux penser. Mais il n'en demeure pas moins que j'ai profondément besoin d'autrui pour penser, pour construire ma pensée, et la partager.


   Je suis seule, seule face à cette tasse de thé, seule face à la solitude, seule face à l'humanité, seule face à ma pensée, seule face à moi-même, seule face à tout un tas de choses.


   Je suis seule, mais cela ne m'effraie pas.

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