TAXI DRIVER
mysterieuse
Voilà bien trop longtemps que Eve n'était pas retournée sur Paris. De ses années étudiantes, elle en gardait une grande nostalgie. Le temps s'était écoulé doucement. Une vie s'était installée au quotidien avec mari et enfants, une vie agréable sans heurt, ni facétie… Bien trop équilibrée à son goût ! Pour cette raison et bien d'autres, Eve ne manquait jamais une occasion pour se refondre dans la vie trépidante parisienne.
Lorsque Laura, animée par la même nostalgie l'avait conviée à son anniversaire avec une partie de leur promotion, elle avait jugé le temps de réflexion, inutile, et avait répondu présente sans la moindre hésitation !
En ce samedi soir peu conventionnel, elle se retrouvait donc à boire des canettes de bières, à fumer des cigarettes roulées comme au bon vieux temps. La quarantaine venait de sonner à la porte. Et pourtant, la jeunesse était toujours à portée de cœur. Une dizaine de filles de la promotion 2000, étaient présentes. La diversité féminine tant physique que sociale offrait un panel des plus extravagants.
Laura était toujours parisienne, sans famille, ni mari, ni enfant, un amant de temps en temps et une vie professionnelle trépidante. Eve avait eu du mal à reconnaitre Caroline. Elle, si délurée, étudiante portait petit col Claudine, jupe plissée et chaussures à pompons. Elle vivait dans les Yvelines, avait épousé un médecin, n'avait pas moins que quatre enfants dont elle accablait l'assistance de leur virtuosité à ceci ou à cela !
« Caro, tu nous saoules avec tes conneries, nous ne sommes pas là pour établir un code de bonne conduite. Bois un coup chéri, lui avait hardiment dit Laura ! Putain, tu fais chier avec tes conneries ! »
Laura n'avait rien perdu de son caractère bien trempé ni de sa gouaille. Mais elle n'avait plus, sur Caro, le même impact amusant que par le passé. Caroline s'était refermée aussitôt sur elle-même. Puis prétextant le départ, tôt le lendemain matin, de deux de ses enfants en stage d'une quelconque discipline, elle avait quitté l'assistance.
Valentine, elle, préférait à présent, les filles aux garçons. Elle vivait en couple avec une chef d'entreprise. Elles s'étaient rencontrées lors d'une manifestation contre les détracteurs de la loi Taubira.Depuis elle ne s'étaient plus quittées. Ni la différence d'âge, ni le clivage social n'avait eu raison de leur attirance. Elles envisageaient même aujourd'hui d'avoir un enfant ensembles.
La plus brillante d'entre elles, Alexandra, Alex pour les intimes, avait fini, accablée par la pression parentale, par envoyer tout bouler. Elle avait largué les amarres pour vivre ici ou là de petits boulots, et surtout participer, à sa manière à l'aide humanitaire aux pays du tiers Monde
La société avait évolué, entre les vestiges des post soixante- huitard, sous les slogans « Jouissez sans entrave » ou encore « Il est interdit d'interdire » et la spirale récessioniste d'une crise économique ! Il y avait encore tant à faire, à inventer Tout naturellement les pôles d'intérêt se diversifiaient autour de cette mutation sociale
La soirée agrémentée de grandes discussions politiques, de diversions musicales et autres culturelles, avait égrené, petit à petit, le nombre de plus en plus restreint des amies réunies pour le quarantième birthday.
Ne restait plus guère aux alentours des 2 heures trente du mat, que les plus coriaces et les plus proches échangeant des souvenirs tendres ou plus salaces des soirées imprégnées d'alcool et d'insouciance.
Laura, toujours curieuse, et la plus désinhibée de toutes, se lançait dans un jeu débile étudiant, action ou vérité. Eve n'avait rien à dévoiler. Elle comptait bien garder ses secrets les plus intimes, ses dérapages sensuels ou plus érotiques.
« Allez Eve, raconte-nous une histoire croustillante. Allez, clap …Action ou vérité !
-Tu m'emmerdes Laura, tu es toujours à vouloir fouiller dans la vie des gens. Mais puisque tu y tiens ! Pas besoin de jeu débile ! Vous vous rappelez les filles, ce fameux matin des partiels où je suis arrivée en retard les yeux cernés et le teint chiffonné…vous vous en rappelez ? Vous m'avez accablée de questions. J'ai inventé une histoire banale, un réveil en panne après une nuit sans sommeil. Bien ce matin-là je suis venue en taxi…et pour cause !
-La suite, vite, tu nous fais languir ! S'exclame Laura ! C'est vrai ce jour-là tu avais une mine d'outre-tombe ! ça se dit ça ? Enfin tu vois !
-C'était un mardi soir, je me souviens très bien, un mardi qui avait commencé très banalement. Un apéro avec vous, quelques bières, quelques clopes, autour de discussions étudiantes sur fond musical sonore
-Merci pour le banal ! Ça fait plaisir !
-Laura ! Shut up ! Bref après avoir refait le monde, vers 3 heures du matin, j'ai décidé qu'il était temps de rentrer. J'ai joué les princesses pour une fois, j'ai hélé un taxi ! Bref je monte à bord d'une grosse berline et m'installe confortablement ! Et là le retro complice, me renvoie un regard que je ne suis pas prête d'oublier. Il semblait me sourire, je répondais par le même sourire. Je ne sais si j'avais trop bu, ni même s'il m'a jeté un sort, mais une envie irrésistible de faire l'amour m'a transformée. L'habitacle de la voiture est soudain devenu un lieu intimiste chargé d'émotion et de musique. A la manière dont le chauffeur me dévisageait dans le rétro, j'ai rapidement compris qu'il avait capté mon trouble ! J'y décelais aussi de l'interrogation ! Elle va où la jeune fille ? me demandait-il ! Confuse je lui donnais mon adresse !
Durant le trajet je cherchais vainement à me concentrer sur le paysage nocturne des quais parisiens ! Etrangement cette envie tenace de baiser se renforçait au fur et à mesure du trajet. Je fermais les yeux tentant une immersion dans un autre univers, sans grand succès non plus. J'entrouvrais mes paupières. Le reflet de son regard capturait toujours le mien.
-Putain, tu me fais flipper Eve ! Il est dangereux ton taxi driver. Il te mate au lieu de regarder la route !
-Evidemment, tu as l'art de détruire les ambiances ! Tu veux la suite ou pas ?
-Laura, tu veux bien la fermer un peu ! Eve va finir par se lasser de tes commentaires, s'énervait Valentine. Moi elle me plait bien son histoire avec un taxi driver !
Laura bougonnait, Alexandra l'apaisait …Eve poursuivait !
« La course s'arrêtait enfin ! Un véritable supplice ! J'ai encore dans ma tête le bruit de papier froissé des feuilles mortes balayées en rafales, et pourtant, nous n'étions pas en hiver ! C'est étrange non ? Enfin, le fait est que, une fois dans la rue, je réglais ma course, et je me dirigeais vers la porte de mon immeuble ! J'entendais le moteur du véhicule tourner à bas régime. Pourquoi ne démarrait-il pas ? Instinctivement, je retournais vers la berline. Le chauffeur fumait une cigarette, toutes vitres ouvertes !
Je m'entends encore lui murmurer
« Vous voulez monter prendre un verre ? »
Il affichait d'abord une soudaine incrédulité face à mon invitation, rapidement rattrapée par sa réponse, « oui pourquoi pas »
Je crois avoir ressenti une sorte de vertige. Etait-ce du plaisir ou de la peur ? Aujourd'hui encore je ne sais à quelle émotion l'apparenter. Je n'étais pas responsable de ce qui se passait et pourtant j'en étais l'instigatrice, je ne l'avais pas voulu, mais je devais l'assumer ! C'était un instant particulier, celui où, pour la première fois, je devais me confronter à ma nouvelle image qui n'avait rien à voir avec celle que j'étais.
-Pourquoi te justifier Eve ? As-tu honte de ce désir spontané, ? questionnait Alex
-Non, honte non. Mais je me souviens exactement de cette émotion comme si c'était hier. Vingt ans ont passé et ce souvenir reste intact. Bref, Le vertige s'est vite transformé en panique lorsque j'ai songé aux cinq étages sans ascenseur, à mes petits vingt mètres carrés d'étudiante bordélique, mon canapé-lit encore en vrac de la nuit passée, ma mini kitchenette encombré du déjeuner du matin ! J'ai omis de vous dire que mon taxi driver avait au moins quinze ans de plus que moi ! C'est un détail qui a son importance quand on est jeune étudiante ! Mais mon autre moi a vite oublié tout cela. Après un bref instant d'hésitation ou quelques longues minutes, je me suis décidée à l'embrasser. Le simple contact de ses lèvres douces et sensuelles a décuplé mon désir. Il m'a envahie par vagues successives et progressives. Chaque étage gravi avait son lot d'émotions sensuelles. Il récoltait derrière moi, les vestiges de mon effeuillage. Ici un petit pull, là un débardeur. Ce petit jeu avait plutôt l'air de l'amuser. Son sourire enjôleur s'est fait plus carnassier lorsque j'ai fait rouler ma petite culotte jusqu'à mes chevilles. Il s'est alors agenouillé à mes pieds, a récupéré les quelques grammes de dentelles de mes délits, pendant que je glissais la clé dans la serrure. La gâche a cédé. Il a juste dit charmant ! Je ne saurais jamais s'il parlait de mon attitude indécente ou de mon nid douillet !
Lorsque je lui ai enlevé sa chemise, il a affiché une certaine timidité, face à cette jeune étudiante délurée. Mais le désir l'a vite rattrapéL'amour est simple comme l'amour, il ne pense ni ne réfléchit, et si on raisonne avant d'aimer, vous savez bien qu'on aimera jamais. ! Nous avons fait l'amour en silence dans la complicité de la pénombre et de l'incongruité de la situation .
Comment vous décrire ces moments. Tout n'était qu'intensité, générosité sans frilosité. Le hasard seul était responsable de ce rendez-vous dont nous n'avions ni l'un, ni l'autre envie de rompre le charme. Une liberté totale s'est installée entre nous, la liberté de la rencontre de nos désirs et de nos corps. Nous avons fait l'amour toute la nuit et fini par nous endormir dans les bras l'un de l'autre alors que le jour se levait !
Voilà comment je suis arrivée en taxi à la fac le jour des partiels. Au réveil, nous avons rapidement bu un café.
Nous avons échangé quelques mots …
Je me rappelle lui avoir dit « Tu es très beau ».
« Tu as pris le bon taxi, non ? m'a-t-il répondu dans un rire complice
Puis je lui ai demandé de me déposer à la fac, sans même lui demander son prénom. Lorsqu'il m'a déposé, nous nous sommes salués rapidement, sans même se donner un baiser. Puis j'ai regardé son taxi tourner au coin de la rue sans songer à relever le numéro de sa plaque.
A quoi bon ! C'était une parenthèse enchantée ! Et puis il y a vingt ans je n'avais pas de portable, et Facebook n'avait pas encore vu le jour. Le charme désuet du siècle dernier !
« Et c'est tout, tu ne l'as pas revu ?
-Non ! Mais en rentrant le soir même, j'ai trouvé, posée sur mon paillasson, une rose rouge sans indice ! J'en ai conclus que c'était mon gentleman taxi driver ! J'ai fait d'autres rencontres d'un soir, mais pourtant il reste un des plus beaux souvenirs de cette période d'insouciance ! Aujourd'hui encore, quand je prends le taxi, la nuit dans Paris, mon cœur s'emballe au moment d'ouvrir la portière.
-Eve, et si c'était lui derrière le volant ? Le destin a voulu cette rencontre, il pourrait à nouveau vous réunir !
- Oui Alex, je dois avouer que je ne sais pas comment finirait la nuit ! Je garde toujours en moi la magie de ces instants ! »
Eve s'excusait et rejoignait sa chambre ! A demain les filles !
Je l'aime bien cette histoire charmante comme le dit Louve :-)
· Il y a plus de 7 ans ·Maud Garnier
le charme de l'insouciance et de la jeunesse Maud
· Il y a plus de 7 ans ·mysterieuse
Une histoire vraiment charmante et c 'est vrai que l'amour est simple, il ne faut surtout pas le laisser passer même s'il ne dure qu'une nuit ou que quelques instants... Bravo mystérieuse !
· Il y a plus de 7 ans ·Louve
Oh je suis ravie de vous avoir séduite avec mon histoire .C'est plus léger et plus dans l'air du temps
· Il y a plus de 7 ans ·mysterieuse
une histoire à faire regretter de ne pas avoir choisi le métier de taxi parisien !
· Il y a plus de 7 ans ·chaleur
oui évidemment vu sous cet angle ;)
· Il y a plus de 7 ans ·mysterieuse