Taxidermie rêvée

cle

Elle empaillait ses songes. Elle faisait ça joliment, avec une minutie d'orfèvre, ciselant dans une matière brumeuse des formes inédites. Son but était simple: se construire une contrée onirique pour ses vieux jours. Des rêves dorés aux cauchemars suffocants: tout y passait. Par crainte d'en être démunie un jour.

Alors qu'elles étaient plates, en à peine deux tristes dimensions, elle s'emparait de ces enveloppes creuses pour les emplir de sa solide imagination. Elle puisait dans un magma mousseux, souvent sucré, poisseux et filandreux, de quoi gonfler ces poches amorphes, leur donner une allure folle -aux sens propre et figuré.

Ses doigts souvent restaient collés, gluants. Elle les léchait et sa langue devenait un drôle d'arc-en-ciel.

Elle entassait ainsi une fantastique arche de Noé dans un grenier à la poussière argent. Un effrayant musée, tenu par un inconscient fertile et chamarré. Des diables, des armes tenaient compagnie à des arbres extraordinaires, des oiseaux polychromes et même parfois, oui, des humains.

Sa taxidermie d'un autre genre lui permettait de survivre dans un monde qu'elle trouvait trop figé, voire empaillé. Surtout le cœur des gens: de la paille humide que plus rien n'enflammait. Alors que ses rêves, eux, étaient à deux -petits- doigts de l’auto-combustion.

Ce fut d'ailleurs un immense feu d'artifice qui s'offrit aux regards las des autres lorsqu'elle s'enferma dans le grenier avec un briquet. BigBang! Un prodigieux bouquet d'étincelles.

Certaines palpitent encore sur le tapis velouté de nos nuits.

Signaler ce texte