Teddy (#1)

maddie-perkins

Tu prends un corps, tu en imagines un second, tu obtiens l’histoire qui va suivre. Le lieu, l’espace — un ascenseur, et une carcasse qui déroule le temps. 1, 2, 3, etcetera.

Regarde-le, il grimpe dans la cage, la grotte métallique emprunte d’arceaux lumineux qui l’enserre tandis qu’il chute. Et la machine s’arrête, brutalement, lui le souffle coupé, le regard hagard et l’âme en peine et c’est risible. Non je ne dirais pas pourquoi, mais sache seulement que ça l’est. Ca l’est. Beaucoup.

Il me faut un nom, un nom idiot, un nom qui fasse l’affaire. Le plus idiot, le plus difficile à trouver. Alors, alors, disons, appelons-le Carl, et pas celui qu’emmura Rockwell.

Carl — qui est Carl ? Carl est beau, Carl a vingt-cinq ans, et vit de son cul qu’il vend sur le marché au prix du plutonium. Carl est brun, Carl a les yeux verts, Carl se joue des autres et rêvent de monter sur les planches du théâtre d’à côté. Carl a de grandes aspirations lorsqu’il n’est pas préoccupé par les visions célestes qu’offre le mélange frappeur crack-marijuana. Visions de mort. Visions divines. Visions sublimes. Ô ma douce ! Ma douce ! dira-t-il sous les effluves de Marie et de Jeanne, les jumelles terribles qui s’assemblent pour le faire chanter. Nous avons le nom, nous avons l’âge. Saut à la ligne.

Dans l’ascenseur, pris au piège de l’enfer c’est les autres, Carl respire à petites doses. L’homme face à lui il ne le connaît pas. Leurs visages se contemplent, leurs traits se ressemblent, le silence se contorsionne. HA HA HA HAHA. Tous deux ils ont envie de rire, de l’infortune, du bruit mort-né et de l’absence de mouvement, dans un montre qui subit la panne sèche. Que dire à cet étranger qui vit constamment avec vous ? — voisin, si proche que le ridicule n’en est que plus apparent.

Ils s’assoient parterre, les bras autour des genoux et les cuisses contre le ventre. Ils attendent. Aucun ne parle. Rien, rien, et rien et — tic-tac-tic-tac-tic…

Carl sourit parce que intérieurement, il la reconnaît cette bouche, ces lèvres pleines et humides qui crient pour qu’on les croque. Il l’a déjà vu cet air aguicheur, cette posture révélatrice, ce blouson en cuir et ce jeans qui se plait à martyriser l’entrejambe. Il connaît ce regard, plein de questions et d’envies  déviantes qui s’expriment lors des nuits barbituriques. Et lorsque l’autre fume, lorsqu’il allume sa cigarette, Carl contemple cette langue fine et rose qui vient expulser quelques miettes de tabac. Les doigts mouillés, l’autre s’abandonne dans sa chevelure aphrodisiaque où les corneilles bercent leurs petits. Et Carl entend les oiseaux —  presque — il entend les bruissements du nid de l’automne et les douces dryades s’ébattre somnolentes. A cet instant, tout en lui se dilate. Et je vois ça d’ici : les âmes sensibles crieront au scandale ! Et les faussaires trouveront cela trop éclairé ! Mais moi je ris, et le redis — tout en lui se dilate, tout, tout, tout, tout, absolument tout.

« Qu’est-ce que tu imagines ? » et « Pose-moi ce regard, pose ce regard quelque part. »

Carl rit, il déplie les jambes. Ses dents frottent sa langue à chaque fois qu’il le fait. C’est un tic, une habitude. Un psychiatre parlerait de tic, moi je vous parlerais d’habitude. Et bla-bla-bla peu importe, mais à moi ça m’importe beaucoup. Carl est un elfe, un elfe séducteur qui dévore les jeunes éphèbes, l’ogre d’un siècle absurde qui désire à la fois Hansel et Gretel. Et comprenez la chose comme il vous plaira. Le sens, le sens est désuet, le vague absorbe en ce qu’il convoque d’étranges images qui, curieusement, apaisent. Ne pas chercher à comprendre le tout — la capacité négative — embrasser l’inconnu qui lui baise le non-sens.

« Tu vas encore aller te saloper dans les rues »

« C’est toi qui le demande » dit Carl.

L’autre rit.

  • Y a une glace dans l'ascenseur ?

    · Il y a plus de 8 ans ·
    Louve blanche

    Louve

  • C'est normal, j'aime embrouiller mes lecteurs, c'est probablement mon côté sadique qui ressort (non j'déconne, je suis une fille sympa). Plus sérieusement, oui, il y aura une suite (c'est une nouvelle 'Nouvelle' que j'ai commencé, mais c'est un peu compliqué parce que j'ai beaucoup d'autres choses en préparation donc je vais probablement mettre un peu de temps pour la poursuivre).

    Merci beaucoup, tes compliments me touchent énormément Octobell.

    · Il y a plus de 11 ans ·
    1505012013 p1050104 500

    maddie-perkins

  • Tu as une écriture qui est vraiment terrible !! Et j'adore la manière dont tu as construit ton texte ! Encore une fois, tu arrives à nous captiver, et que ce soit Carl ou "l'autre", ils sont intéressants. Bon... après j'ai pas tout compris où tu veux nous emmener.. mais s'il y a un #1, je suppose qu'il y aura un #2 etc ^^

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Logo bord liques petit 195

    octobell

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