Tenir

aile68

Laisser mon lit à l'amie qui vient me voir pour quelques jours, parler toute la nuit, tenir avec des tisanes et des cafés, c'est sûr on a pris de l'âge, nos rêves ne sont plus les mêmes, elle c'est la mer qui la fait tenir, moi ma foi, c'est chaque jour, le plaisir de me réveiller le matin et de commencer ma journée avec ses petits rituels et habitudes, ranger, laver, nettoyer, avoir une maison, ma maison, mon toit. Attendre le courrier comme on attend le messie, que c'est triste mon Dieu, des nouvelles d'un là-bas, d'un ailleurs méconnu, mais est-ce bien cela qui me fait tenir?

Tenir, ne pas laisser tomber, résister, pédaler dans les nuages (non, ce n'est pas de moi, j'aurais aimé), être dans sa bulle, dans ses images, dans ses anciens livres de lecture, ça va un moment... Ecouter les poètes d'aujourd'hui, ces chanteurs qu'on dit "indépendants", moi j'aime. Gestes absents, retenus, mains liées, défaire tout ça, faire tout éclater, retrouver les gens de la rue, ces enfants qui jouent, courent après les chats. Vivre d'un rien, d'une fleur sur le bitume, l'image est classique mais tellement belle! La garder bien au chaud, la faire grandir cette fleur telle une liane sur le trottoir, du lierre sur un mur végétalisé. Brûler de son feu intérieur, vêtu de sa veste préférée et un pull de vraie laine, pas du polyester, capter les feux des sirènes sur les quais, passer le pont et disparaître au loin.

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