The Way: Le chemin
james-eberhart
C'est un bien étrange événement qui le tira de son sommeil ce matin là. A peine réveillé, il écarta le store qui donne sur la rue. Le ciel avait pris des couleurs d'azur qui venaient faire contraste avec le vert des arbres du voisinage. En ce matin de Juin, un étrange balai de véhicules tentait irrémédiablement de se frayer un chemin à travers la rue. Des deux côtés, les voitures en stationnement avaient envahi la rue, c'était maintenant au tour des jardins d'être annexés. Quelques étudiants ça est là indiquaient aux conducteurs les dernières places disponibles sur les allées de garages, en échange d'une poignée de dollars. La foule quand à elle avait envahi les rues. Ils étaient nombreux à avoir revêtu la couleur rouge de l'équipe universitaire et à conquérir le Stadium voisin pour voir le match de football. Les barbecues fédérateurs était venu coloniser les trottoirs et les jardins, offrant des saveurs d'une modestie scandaleuse. De tout âges et de toutes origines le rouge semblait faire des adeptes. C'est un drôle de spectacle qui s'offrait là aux yeux de Jim.
C'est ainsi que les gens l'ont appelé : Jim. Un prénom étranger difficile à prononcer ou bien juste une volonté d'appartenir à la même famille… il ne sait pas vraiment mais cela importe peu à vrai dire, car cela n'est en rien un frein à son identité. Il sait qu'il a eu une autre vie avant et que désormais celle-ci est différente. Le sourire sur les lèvres et des rêves plein la tête Jim s'exclama « Another Day in America ! » Puis referma le store avant de se lever.
Doucement il descendit l'escalier en bois qui mène au rez de chaussé. La maison était silencieuse, le joyeux vacarme au dehors n'avait pas réveillé ses colocataires. Tous dormaient paisiblement. Tranquillement Jim partit faire sa toilette. En se rasant il pensa aux raisons qui l'avaient amené ici. La route avait été longue et hasardeuse, et Jim éprouvait une certaine fierté lorsqu'il repensait à son parcours. Sans doute, avait il lui aussi du courage et de la persévérance qui coulaient dans ses veines, comme ces milliers d'immigrants qui avaient peuplé le continent à travers les siècles, abandonnant tout ce qu'ils avaient pour des rêves de liberté et une vie meilleure.
Dans le calme qui le caractérise, Jim saisit les clés de sa voiture et sortit en silence. Il y a encore quelques mois il n'aurait jamais quitté la maison sans fermer la porte d'entrée, mais Jim savait qu'ici les choses sont différentes et qu'il devait s'adapter. De la même manière, il ne verrouillait jamais sa voiture, et puis à quoi bon ? C'était une vieille convertible dont la capote fermait mal. Cette voiture sportive de couleur argentée quelque peu maltraitée par le temps restait encore un symbole pour beaucoup de gens. Pour Jim aussi c'était un peu un symbole, son "Cheval sauvage'', c'était son rêve Américain.
Il démarra, et après s'être difficilement dégagé de la rue il regagna les grandes avenues de la ville. Il sentit un parfum de liberté planer lorsqu'il descendit ces rues fleuries bordant le lac. Sur son chemin il croisa de nombreux jogger qui s'entrainaient, des photographes venu capturer la beauté des lieux, des parents emmenant leurs enfants au parc, des anonymes savourant la fraicheur du matin… Les pêcheurs aussi étaient présents, rivalisant de techniques pour faire la prise de la journée. Dans cette partie de l'Amérique la pêche et la chasse son un mode de vie ancestral. Nombreux sont ceux qui s'identifie à cette culture Amérindienne. C'est une page d'histoire vivante, et sans doute Jim s'intéresserait il à ce lègue tôt ou tard. Mais depuis son arrivée, son intégration dans le pays et son travail ne lui avait guère laissé le temps pour des moments de calme et de découvertes. Aussi cette matinée avait une saveur particulière pour Jim.
Ce matin là, il décida de passer la journée hors de la ville. Cela faisait plusieurs mois qu'il voulait se rendre en ces lieux. Un ami lui en avait venté la beauté et le charme historique. Jim lui, était bien plus attiré par l'aspect mystérieux du lieu. L'endroit était situé à peine à une heure de la ville, si proche et pourtant cela semblait être à des milliers de kilomètres. Les forêts et les lacs avaient quitté le décor à peine plus d'un quart d'heure après avoir quitté la ville. Ils avaient laissé place à de vastes plaines désertiques, et la nature semblait avoir repris le pas sur les villages. L'endroit était désertique mais d'une immense richesse. La végétation avait changée et prenait désormais des couleurs et formes bien différentes. Des agaves et autres plantes succulentes avaient fait leur apparition et recouvraient la plaines créant de petites taches vertes aux milieux d'une étendue de sable et de roche d'un jaune pâle. Les collines riches en curiosités géologiques faisaient planer sur l'endroit une pointe d'étrange et venait renforcer le caractère mystérieux du lieu. Jim pensa un moment s'être trompé de route tant l'endroit semblait désert. Mais soudain il aperçu un panneau routier au loin. Se rapprochant peu à peu, il pu apercevoir que celui-ci annonçait l'entrée d'un parc. A peine avait il parcouru un kilomètre que ce dressait devant lui l'un des points d'entrée. Il arrêta alors la voiture et abaissa la vitre. Une Ranger était venu à sa rencontre. Brièvement elle lui présenta les lieux les plus importants du parc et lui remis un plan de celui-ci. Jim poursuivi alors sa route et arriva quelques kilomètres plus loin au bâtiment d'accueil des visiteurs.
Le bâtiment était sobre, et sa couleur ocre le faisait se confondre avec les roches environnantes. Il se décomposait en quatre cubes distincts tous connectés par un astucieux agencement. Étalé sur différents niveaux et à l'aplomb de la falaise le bâtiment semblait ne faire qu'un avec son environnement. Les murs étaient faits d'adobe et laissaient apparaitre au deux tiers du bâtiment des poutres de bois qui semblaient défier les âges. Quelques fenêtres maintenues par de puissants linteaux de bois venaient souligner le caractère atypique de l'habitation. Outre la proximité de la nature, le bâtiment étonnait par la présence de terrasses situé sur la partie supérieure. C'est une bien étonnante architecture qui se trouvait en ces lieux ancestraux.
A l'intérieur se trouvait un musée. D'une composition sobre, il retraçait l'histoire des peuples locaux ayant jadis peuplé les canyons. Présentant des artéfacts trouvés à différents endroits du site, les vitrines abordaient des scènes de vie quotidiennes, la chasse et la cueillette, la pêche et l'artisanat, la médecine et les croyances, la vie en communauté. Un héritage qui semblait avoir traversé les siècles. Jim fut impressionné de tant d'histoire en ces lieux inconnus. Tant de choses avaient été rassemblé pour reconstituer la vie des ces tribus, et pourtant ces gens restaient encore un mystère aujourd'hui. Nul ne savaient d'où ils venaient ni pourquoi ils s'étaient installé dans ces régions inhospitalières. Mais ils étaient parvenus à créer une véritable civilisation des centaines d'années avant même que l'Europe ne soupçonne l'existence de ces lieux. Jim s'attarda un peu sur les collections, avant de regagner l'extérieur.
A peine sortit du bâtiment, il eu l'impression de traverser le temps. Il se trouvait seul, face à la nature. En contrebas de la falaise, se présentait un étroit canyon à peine recouvert par la végétation. L'endroit était paisible. Jim avança un peu, et c'est alors qu'il l'aperçu. Juste là sous la falaise du canyon, se dressait un village. Dans ces villages, ces ''Pueblos'', des dizaines d'habitations se trouvaient là enchevêtrées les unes aux autres. Construites en pierres, les maisons arboraient des façades parfaitement rectilignes, qui venaient combler le relief de la falaise. Étalées sur différents niveaux, certaines maisons s'étendaient sur trois étages, soutenus par des rondins de bois dont les extrémités apparaissaient sur les façades. De larges ouvertures faisant office de porte et de fenêtre avaient été placées dans les murs, éclairant les logis situés le plus au fond de la falaise.
Jim descendit le petit chemin escarpé qui menait jusqu'au village. Il découvrait là une culture et une histoire, bien différente de la sienne. Il y a quelques huit cent ans, des hommes avaient créé ici une véritable communauté, ou chacun vivait en harmonie avec la nature. Au devant de ces habitations se trouvait des ''Kivas'', sorte de pièce de forme circulaire à moitié enterré. Seul une petite entrée apparaissait au niveau du sol, avec une échelle permettant de descendre. Dans ces lieux les habitants stockaient des marchandises, le fruit des récoltes de céréales, des légumes et autres denrées. Mais ces lieux servaient également de lieux de prières, et de rassemblement ou se rencontraient les membres de la communauté. Jim errait dans le village, d'habitation en habitation. Ce qu'il voyait le stupéfiait. Dans certaines maisons on pouvait apercevoir des symboles peints de couleur rouge, qui venaient décorer l'intérieur. Dans d'autres on apercevait sur les murs des résidus de suie des feux d'antan. Le temps semblait s'être arrêté. Sans doute les gens de la tribu ne tarderaient pas à revenir de la chasse. Jim n'en croyait pas ses yeux. Ce pays qui lui semblait si jeune auparavant, présentait maintenant un caractère bien différent. Avant de venir ici il n'aurait jamais imaginé une si grande richesse. Ce morceau d'histoire et de culture semblait avoir été caché en ces lieux comme pour le préserver. Sans doute d'autres de ces morceaux d'histoire étaient eux aussi disséminés ailleurs à travers le pays. Jim connaissait peu à vrai dire de l'histoire du pays, mais ce qu'il voyait lui donnait envie d'en savoir plus. Il voulait tout voir, chacun des lieux du site avait sont importance. Aussi son excitation fut grande lorsqu'il su qu'a quelques kilomètres, se trouvait des pétroglyphes contemporains des Pueblos. La distance lui importait peu, il savait qu'il devait y aller, qu'il devait voir, toucher, découvrir par lui-même cette culture. Fin décidé, il empoigna son sac à dos, et s'engagea sur la piste qui menait aux dessins.
La piste s'enfonçait à l'intérieur du canyon sur un passage étroit qui mesurait à peine plus d'un mètre. Au dessus s'élevait la falaise sur près de trente mètres, en contrebas un peu plus de cent mètres de vide s'étalaient sur une pente quasi verticale. La piste était longue et sinueuse, elle traversait par endroits des rochers laissant un passage d'à peine quelques centimètres. Évoluer sur la piste demandait une certaine agilité et une bonne endurance. Un chemin rude et hasardeux qui rappelait à Jim son chemin d'expatrié. Si le chemin était parsemé de difficulté, il y avait toutefois une certaine magie qui remplissait le lieu. La piste traversait une végétation plutôt dense qui aux détours du chemin laissait entre apercevoir le panorama. En contrebas du chemin, on trouvait une grande variété de genévrier et des sapins de Douglas qui venaient colorer de vert le fond du canyon. La rive opposée situé à environ cinq cent mètres offrait une vaste étendue à la flore pour se développer. Le tableau était grandiose. Jim s'arrêta quelques instants pour apprécier la beauté du paysage. Le silence régnait dans le canyon, on entendait seulement le bruit du vent contre les falaises. Jim s'assit sur un rocher et contempla la scène. Il pensa alors à ce chemin, ce long chemin hasardeux. Il pensa au courage et à la persévérance qu'il fallait pour réussir à parvenir jusqu'ici.
Après un moment de réflexion, Jim se leva, jeta un regard en arrière sur le chemin qu'il laissait derrière lui puis d'un pas décidé il se remit en route. Cela faisait près d'une heure que Jim parcourait la piste et le chemin se resserrait de plus en plus près de la falaise. Les passages dans la roche eux aussi se faisaient de plus en plus étroits et quelque peu risqué. Jim arriva bientôt face à un grand rocher qui lui barrait le passage. Il cru alors être arrivé au bout de la piste. Sans doute avait il manqué les pétroglyphes, sans doute devrait il revenir en arrière. Confus il ne savait pas s'il devait poursuivre ou revenir sur ses pas. Après quelques réflexions il décida de poursuivre et d'escalader le rocher. La tâche n'était pas aisée, mais il parvint toutefois sans trop de mal à passé outre cet obstacle et à continuer sont chemin. Il marcha encore quelques minutes, et c'est alors qu'il l'aperçu.
Elle était là, à quelques mètres de lui, cette fresque gravée dans la roche de la falaise. Depuis près de huit cent ans elle faisait face au canyon, dans cet endroit reculé qui l'avait préservé pendant dès siècles. Les dessins étaient nombreux, ils s'étendaient sur près de cinq mètres et s'élevait sur environ un mètre cinquante. Il y avait là des symboles étranges. Au milieu de ceux-ci on pouvait apercevoir des oiseaux et d'autres animaux. On y voyait différents personnages qui semblaient s'être regroupés comme pour raconté une histoire, sans doute une scène de la vie quotidienne. Jim resta bouche bée devant ce tableau. Un détail l'interpella. Partout au milieu de cette fresque on pouvait apercevoir des mains humaines. Ultime signature des artistes qui avaient jadis foulé ces terres. L'histoire des États-Unis prenait désormais une tout autre dimension pour Jim. L'histoire en ces lieux semblait avoir des bases bien plus anciennes et mystérieuses que celles qu'il connaissait. Il resta longtemps à contempler ces dessins, imaginant qu'elle pouvait en être la signification. Sans doute en apprendrait il plus dans les semaines à venir, au travers de ses recherches.
Le jour commençait à tomber sur le canyon et Jim devait se résigner à rentrer. Il se remit alors en route pour retourner vers le bâtiment d'accueil. Après une bonne heure de marche sur la piste il était revenu au parking des visiteurs. Quelque peu fatigué de cette longue randonnée il ne tarda pas à reprendre la route pour rentrer chez lui. Sur le chemin il repensa à ce morceau d'histoire qu'il venait de découvrir. Cette journée hors de la ville lui avait fait le plus grand bien et lui avait beaucoup appris sur l'histoire du pays. Il se sentait riche de cette expérience. Sans doute aurait il l'occasion d'en découvrir un peu plus sur le pays.
Il était tard ce soir là lorsque Jim rentra chez lui. Le calme était désormais revenu dans le quartier, l'université avait remporté son match, les voitures avaient quittées la rue. Jim franchi le pas de la porte lorsqu'il aperçu une lettre au sol. C'était une lettre du département d'immigration. Cela faisait un moment maintenant que Jim avait fait une demande d'extension pour son visa. Sans doute avait il reçu une réponse. Son cœur se mis à battre fort lorsqu'il prit la lettre entre ses mains. Il retint sont souffle un instant, puis déchira l'enveloppe. Rapidement il parcouru la lettre, sur celle-ci on pouvait y lire … admitted…