TOI, LUI, ET... MOI
Sylvie Benguigui
TOI, LUI, ET MOI
Il ne s'est rien passé, il était juste près de toi
Il ne t'a rien donné, que du vent, que du froid
A un moment donné, tu as cru qu'il allait
Se rapprocher de toi parce que tu l'espérais
Tu t'es prise à rêver de ses pas, de ses bras
De sa main dans la tienne et du son de sa voix
Mais ses pas s'éloignaient et ses bras se fermaient
Quant à sa main jamais il ne te la tendrait
Tu t'es prise à dormir en entendant son rire
Rêvant ton devenir qui serait son sourire
Mais son rire se moquait de tes toujours à jamais
Et quand il revenait toujours tu l'acceptais
Tout le monde le savait, tout le monde se disait
Que le temps passerait et que tu l'oublierais
Mais un an écoulé, le sablier cassé
Avait figé le temps et dérouté les gens
Et moi, je restais là, prêt à te consoler
Et moi j'savais déjà c'que voulait dire t'aimer
Tout le monde ressentait ce que tes yeux disaient
Quand tu le regardais pendant qu'il t'ignorait
Et plus le temps passait et moins tu l'oubliais
Pendant que toi, tu pleurais, lui te dédaignait
Alors de jour en jour, ce temps devenu lourd
Te contraignit à vivre et à devenir sourde
Sourde à ta soif de lui et à tes appétits
Muette également même s'il y avait la vie
Cette vie qu'il menait sans se soucier de toi
Ni du bruit de ton cœur, ni du cri de ta foi
Il sortait, il jouait, il tombait amoureux
De l'une ou de l'autre, peut-être même des deux.
Il souriait et vantait ses états amoureux
Peu importe pour quelle autre mais jamais pour tes yeux.
Au bout de deux années, ton petit cœur usé
T'avais laissé le temps de te moquer des gens
Et moi, toujours ici, près de toi, près de lui
Je m'demandais encore pourquoi j'étais ici
Parce que toi seule savait ou du moins pouvait croire
Qu'il n'y a que l'espoir qui permet de s'asseoir
Pour rêver de le voir et de le voir encore
Avant que tombe le soir et tant qu'il n'est pas mort
Ta vie, tes rires, tes chants, tu avait tout mis entre parenthèses
Sa vie, ses rires, ses chants, tout le reste n'était plus que foutaise.
Personne ne comprenait, certains te disaient folle
Certainement de lui, oui, c'était vraiment pas de bol !
L'amour non partagé est la pire des choses
Mais partagé ou pas, ça te faisait des choses.
Comment donc oublier les battements de ton cœur ?
Fallait-il accepter d'ignorer son odeur ?
Etait-ce donc interdit d'aimer à la folie ?
Pourquoi être bannie à jamais de son lit ?
Au bout de trois années, ton corps avait compté
Le nombre de baisers qu'il n't'avait pas donné.
Et moi, toujours présent avec mes p'tains de sentiments
J'comprenais pas pourquoi tu l'voulais pour amant
Il n'était pas méchant, il était même gentil
Mais jouer, pour lui, c'était vraiment l'sens de la vie
Ne plus croire à l'amour parce qu'il avait souffert
Lui donnait-il le droit de te regarder faire ?
Il était avenant un peu trop même peut-être
Et avait pris l'parti de croire que le paraître
N'a jamais aucune incidence même si l'on ment
Alors que l'mal empire pourtant avec le temps.
Et toi, tu le laissais faire, voulant toujours croire
Que cette histoire débile deviendrait votre histoire
Mais comme Camille Claudel la folie te guettait
Et c'était d'pire en pire dès que tu l'approchais
Ne plus le voir jamais c'était c'qui te sauverait
Pourtant tu l'as pas fait alors que tu l'savais.
Au terme de quatre années, ton âme avait compris
Que l'on n'a pas toujours ce qu'on veut dans la vie.
Et moi, toujours bêta, tel un quasimodo,
J'comptais plus tes mouchoirs, y en avait beaucoup trop.
Mais cette putain de rage que t'avais à l'vouloir
T'avais fait oublier ce qu'était un miroir
Et tu ne voyais pas l'image qu'il renvoyait
Quand tu passais devant et que tu l'ignorais.
Lentement, doucement, j'sentis ton cœur trembler
De ne pas avoir pu aimer à satiété
Doucement, lentement, je vis ton corps sombrer
Dans l'oubli de lui-même jusqu'à n'plus se laver
Et puis de plus en plus la folie t'envahit
Jusqu'à ne plus t'quitter et devenir ta vie.
La morale de l'histoire, c'est qu'y en a pas vraiment
Et que quand l'amour naît, on est bien trop content
D'avoir au moins une fois connu ce sentiment
Et de pas être mort bête ou même indifférent.
uand la cinquième année ne vit pas ton sourire
Tout l'monde avait compris qu'était arrivé l'pire.
Et moi, pauv'rigolo, j'suis resté là, les bras ballants
A m'demander pourquoi j'avais mis autant d'temps
A t'avouer mon amour duquel tu te moquais
Même si souvent, souvent, la vie nous rapprochait
Mais j'avais fait comme toi, j'avais pas voulu voir
Q'quand l'amour est pas là, faut arrêter d'y croire
Que quand l'autre nous aime pas, faut lui lâcher les basques
Parce qu'un jour ou l'autre, on finit par prendre des baffes.
Il a fallu six ans pour qu'je comprenne enfin
Que pas aimer à deux ça en devient malsain
Il m'a fallu un mois, c'était au mois de mai
Que j'ai fini par comprendre combien tu l'aimais.
Aujourd'hui, j'suis marié mais après des années
J'me dis qu'décidément ton amitié m'a manqué
Et que j'aurais dû prendre c'que tu voulais m'donner
Même si ce n'était pas c'que j'avais espéré.
Parce qu'on aurai pu être notre planche de salut
Moi la tienne, toi la mienne, si, si, on aurait pu
Mais on n'a pas su ou on ne l'a pas voulu
T'inquiètes pas quand même, j't'oublierai pas, ma petite Lulu.
© Sylvie Benguigui texte