Tombée du ciel

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TOMBEE DU CIEL

Qu’est-ce que je fais là !

Une carte routière ouverte sur les genoux, je suis volontairement inefficace pour suivre l’itinéraire fixé par Chéri-énervé. Je ne vois rien qu’une campagne triste et brumeuse, les panneaux sont rares et je ne cherche pas à les trouver. Une pensée trotte dans ma tête et si, par chance, on arrivait trop tard. Malheureusement, Chéri-efficace vient de s’engager sur le chemin qu’il cherchait depuis trente minutes.

 Qu’est-ce que je fais là !

En tenue et chaussures de sport, perchée sur une plateforme à 1,50 mètre du sol, je saute et me réceptionne en « roulé-boulé » sur un épais tapis. Les autres membres du groupe, dont Chéri-dynamique, semblent apprécier l’exercice. L’animateur plaisante tout en nous rappelant que cette préparation est essentielle à notre sécurité. Tout le monde rigole, je dois être la seule à entendre le message subliminal « sécurité donc danger potentiel ».

 Qu’est-ce que je fais là !

Un casque sur la tête, une sorte de sac de 15 kg sur le dos, je marche le plus lentement possible vers un avion ridiculement petit. Chéri-décidé me pousse un peu pour m’aider à monter dans l’appareil. L’animateur annonce que l’on sautera du plus lourd au plus léger. Je regarde autour de moi, il n’y a que des hommes dans la carlingue.

 Qu’est-ce que je fais là !

Le bruit des moteurs est assourdissant. J’ai l’impression que mon altimètre ne fonctionne pas. Chéri-agacé compare avec le sien et confirme que nous ne sommes qu’à 300 mètres. L’animateur explique que l’avion monte en spirale et qu’à chaque tour deux personnes sauteront. D’ailleurs, c’est le moment de commencer.

 Qu’est-ce que je fais là !

Nous ne sommes plus que deux candidats au saut « découverte du parachutisme ». Chéri-motivé a du sauter, je ne l’ai même pas vu. Le gars avant moi hésite tant à s’approcher de l’ouverture qu’il rate un tour et l’avion continue son ascension. S’il ne saute pas, moi non plus ! Merde, c’est mon tour. Je met mes jambes à l’extérieur et m’apprête à me jeter dans le vide comme on nous l’a appris. Je n’en ai pas le temps, je suis emportée par l’appel d’air.

 Qu’est-ce que je fais là !

Je vois le ventre de l’avion et le visage inquiet de l’animateur. Chéri-rassurant n’est même pas là alors que c’est lui qui m’a traînée dans cette « inoubliable expérience pleine de sensations merveilleuses ». Je dois me retourner vers le sol. C’est fait ! La voile s’est mal ouverte, je dois tirer sur les cordes. C’est fait ! Le contact radio me demande si je suis OK, je dois faire des ciseaux avec les jambes pour lui indiquer que je l’entends. C’est fait !

 Qu’est-ce que je fais là !

L’impression n’est pas désagréable mais je suis tellement obsédée par l’atterrissage que je ne profite pas de la descente ni du paysage. Je n’ai aucun repère d’altitude, je vois les arbres du dessus et les bâtiments semblent aplatis. Le sol se rapproche très vite. Je suis scrupuleusement les indications données par la radio. Tourne … repère le poteau… arrondis la voile… bravo. Chéri-radieu m’aide à rassembler la toile du parachute. Il parle, je n’entends pas. Un maigre sourire pour la photo-souvenir.

Voilà, c’est fait, je suis tombée du ciel, on peut rentrer à la maison.

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