Tout fout l'camp

Alain Balussou

pièce 3... de Nouvelles de Mars
Puisque je ne crains pas La Mort
comment aurais-je peur des morts ?
Dans le moment où la nuit cède
du noir au bleu, et qui précède
l'accablement où l'on bannit
par nécessité l'insomnie
je n'ai pas peur, bien au contraire
je les reçois comme des frères,
j'assure à l'aube, par millions,
de bons sentiments leur légion.

Ils sont les gens que j'ai connus,
les rugueux, les forts, les menues,
les gentils, vers moi ils avancent,
j'en compte plus qu'en survivance
et leurs yeux ne sont pas des puits,
gens que je n'avais pas vus depuis
l'enfance... mon Dieu ! quel pillage
a fait la mort en ce village,
d'artisans, ouvriers et bergers
français, étrangers hébergés


d'Italie, d'Espagne en danger,
partis sans pouvoir se venger,
nombre d'Aragon aux funèbres
marches des batailles de l'Ebre,
tant de visages ! quand tournoient
ceux-là de l'ex-Quartier Chinois.
Mil neuf cent soixante... un passage
où se perdit plus d'un village,
le mien resta sans ses parfums
et mal peuplé de mes défunts.

                      --------

Signaler ce texte