Toutes Comme Eve.

Il est midi. Le soleil frappe le monde de plein fouet. Les gens vont, les gens errent, et les gens ignorent pourquoi. Il est toujours midi.

- Ça fait du bien. La liberté. Merde, cette foutue liberté, tu la sens ?
- Ouais, bien sûr que je la sens, c'est une première !
- Dieu nous offre une seconde chance...
- Gardes ton christianisme pour toi, d'accord ? Pour ma part c'est la Société qui me donne une nouvelle chance. Et puis, tu parles d'une chance, qui voudra de deux ex-taulards comme nous ? PERSONNE. Alors Dieu t'as juste offert une nouvelle demi-vie.
- J'ai confiance, mon frère, j'ai confiance.

Les deux hommes marchaient sur la route reliant la prison d'état de Bismarck, Dakota du Nord, au reste de la ville. Ils venaient d'être libérés, l'un trop croyant avait assassiné un " hérétique " qui lui avait mal parlé, un soir de beuverie, le second trop peu croyant avait battu à mort un homme qui l'avait poussé à bout. Et les voilà sortis, libres, frais, à la recherche d'un destin, d'une vie à finir.

Et ils entamèrent le reste de leur existence dans une miteuse chambre d'hôtel, où il se posèrent comme deux déchés bannis, une bouteille de vin à leurs côtés. Sans beaucoup parler, ils passèrent l'après-midi à boire et à dormir. Le non-croyant se réveilla dans un murmure. Il jeta un regard troublé autour de la chambre et vit son compagnon prier Dieu, encore et encore.

- Tu n'as pas finis ? lui demanda-t-il.
- Non, je n'ai pas finis, Dieu mérite une prière de temps à autres. Tu devrais peut-être le remercier aussi.
- Comptes sur moi.

Il posa sa tête entre ses genoux, un mal de tête l'envahissant. Il agrippa une bouteille de vin bon marché qu'ils avaient acheté durant l'après-midi est bu le fond d'une traite.

- Amen. Dieu est Miséricordieux, ils nous offre une chance de vivre encore un peu.
- Pas Amen. Dieu nous offre la plus pourrie des vies : pauvres, malaimés, blasés, les ex-taulards ne sont rien, c'est bien ça qui me chagrine.
- J'ai confiance, mon frère, j'ai confiance.
- Ton Dieu c'est la Chance. Imagine, on serait tombé dans le Dakota du Sud et c'était fini, on serait déjà sur la chaise, grillés et fumants. Tout est une question de chance, pas de Dieu. La vie n'est qu'un jeu de hasard bien merdique, avec des règles trop compliquées pour certains d'entre nous.
- Je te laisse dire ce que tu veux, j'ai confiance.
- Dieu peut te faire tomber de l'argent du ciel ?
- J'ai confiance.
- Dieu peut t'offrir un travail ?
- J'ai confiance.
- Dieu peut t'offrir de le bouffe ?
- J'ai confiance.
- J'ai envie de baiser.
- Quoi ? La femme est péché ! Tu n'as pas lu l'histoire d'Adam et Ève ?
- Si mais elle m'inspire pas, une femme qui vient d'une côte, c'est pas assez réaliste pour moi.
- Dieu, pardonnez mon ami, il ne comprend pas ses péchés...
- Allez viens, j'ai envie de baiser, on va se trouver des filles...
- Écoutes, à la place d'aller chercher le démon, j'ai une idée.
- Laquelle ?
- J'ai... l'homme... l'hérétique, que j'ai tué... Avant de me faire enfermé, j'ai dépouiller sa maison de tout son argent, c'était un homme bien trop fortuné, il se devait de partager avec d'autres... Enfin, j'ai enterrer le butin quelque part, et on peut aller loué une voiture et il aller, on ferait moitié moitié.
- Et pourquoi tu ferais ça ?
- On est amis, non ?
- Si on veut.
- Alors ?
- D'accord ! Mais avant on va chercher des filles, j'ai vraiment trop envie.

L'homme attrapa son " ami " et l'entraina dans la rue froide et sombre de Bismarck. Il voguèrent de bars en rade, de bistrot en troquet, noyant leurs âmes déchues dans des verres trop nombreux, jusqu'à la rencontre finale, le point culminant de leur épopée nocturne. Au coin d'une rue, ils découvrirent un groupe de jeunes femmes inconscientes, moitié nue (ou moitié habillé, peu importe), un groupe de jeunes commerçantes, dont les corps étaient les marchandises de luxes. Elles leur jetèrent quelques sourires et quelques gloussements, les deux vagabonds répondirent à l'appel des sirènes.

- Bonsoir mesdames, commença le premier. Alors qui à envie de partir avec deux hommes riches comme Crésus ? Qui à envie de nous ?

Toutes levèrent les mains et le non-croyant en choisit une qui lui sembla souriante et honnête. Le second, resta interdit et méfiant : la femme n'est qu'une perversion, après tout.

- Allez mon pote, Dieu doit bien te permettre de t'amuser, et de profiter de la vie. Tu n'as qu'à dire que c'est pour procréer, c'est permis si je ne me trompe pas !
- D'accord... répondit le croyant, serrant son chapelet dans sa main. Alors je vais prendre celle qui attire le moins au péché. Il regarda attentivement et choisit une femme, si on pouvait appeler cela comme ça, grosse, laide, au sourire gigantesque et hideux.
- C'est parti pour une nuit de folie. On vous amène dans une chambre d'hôtel qu'on loue, bien sympa.

Quelques gloussements, et les quatre personne s'évanouirent dans la nuit.

Le lendemain, la chambre était vide de femmes. L'homme de ménages trouva juste deux hommes, nus, étendus sur le plancher, au milieu d'une flaque de sang. Les sirènes avait eut leurs proies mais n'avait trouvé aucun signe de richesse, aucun bijoux et aucune liasse de billets et s'étaient contentées d'une bouteille de vin. Le Dakota du Nord à beau être l'État où il y a le plus d'église par habitant, le Démon persiste et restera toujours. Ève leur a emboité le pas, les femmes suivront. Avides, elles suivront, et nous seront là, victimes désarmées face au chant des sirènes.