Tristesse contemporaine.

Edgar Fabar

Maintenant je vis les choses dans l'instant, même si c'est moins joli que dans l'instagram. Et je me débats avec ma tristesse contemporaine

Ça y est je suis seul. Je suis un peu bouleversé mais en même temps je suis content pour lui. Tant de jours passés à le choyer, à le caresser pour qu'il se sente aimé, à le regarder pour qu'il se sente important, ça devait arriver tôt ou tard. Lui, c'est Galaxy, mon téléphone, il a 2 ans et demi, c'est à dire 87 ans en « années téléphone ». Hier, il a décidé de partir, de prendre son envol, bref il s'est cassé quoi.. Il m'a dit texto : « ça samsung ici, je me casse car je suis free moi » Et moi j'ai pas tout compris... Pour tout vous dire, j'ai même trouvé ça un peu red, j'avais peur de m'ennuyer sans lui.. mais comme c'est un bon petit, il a du le sentir et juste avant de prendre le mode avion, il m'a laissé une carte SIM et m'a confié dans un dernier au-revoir « Apple-le de ma part tu verras il est trop lol, SIM ».

Vous me direz que c'est dans l'ordre des choses, que c'est le fameux cycle de la vie, qui au passage – je sais pas si vous l'avez remarqué - n'existe pas sur les machines à laver. Je suis allé vérifier. Après tout, ça aurait été drôlement malin d'aller planquer les réponses aux grands mystères de l'univers dans des objets bêtement quotidiens. Imaginez un peu : le cycle de la vie dans une Proline donc, mais aussi les plans de la comète sur Google Maps, la recette de la potion magique derrière une brick KNORR légumes du soleil ou encore le secret de la construction des pyramides au milieu d'une notice IKEA... ah mais pardon je sais, je suis désolé, ce que je vous raconte est complètement hors forfait.

Revenons plutôt au petit Galaxy qui ne répond plus désormais quand on l'appelle.. Ça fait un sacré vide tout de même.Tiens, quand je vis un truc sympa par exemple, aujourd'hui je suis comme un con parce que j'avais pris le REFLEX de prendre en photo tous ces moments-là.. alors, j'ai bien essayé de demander aux gens, à la plage, au restaurant, dans la rue.... de me prendre en photo avec leurs téléphones mais souvent ils font un drôle de smiley quand je leur pose la question, alors j'ai laissé tomber. Maintenant je vis les choses dans l'instant, même si c'est moins joli que dans l'instagram. Et je me débats avec ma tristesse contemporaine

Signaler ce texte