Trouble

lamevoyageuse

Enfant, les femmes et les hommes sur le petit écran apparaissaient, disparaissaient derrière les volutes de fumée. Oui ! Les débats télévisés rimaient avec enfumés, alcoolisés, enragés, engagés, passionnés. Les actrices troublantes et les acteurs troublés recouraient aux plaisirs décadents des alcools forts et du tabac.

Adolescente, identité et personnalité vacillantes se réfugiaient dans le geste rassurant et cent fois répété d’une cigarette allumée contre vents et marées. Combien d’avertissements, d’heures de colles s’étirant dans les après-midi perdus d’une salle de classe désertée ?

Femme, le plaisir de ces bouffées brûlantes et amères, chaudes et grises, est devenu tabou. Le glamour s’est éclipsé. La liberté a reculé. La santé est une prescription désormais sociale et politique, collective et budgétaire, tranchante comme un couperet.

Fumeuse, tu es désormais sous injonction de te faire soigner l’esprit de tes honteuses addictions. Tu es priée de t’éloigner de la civilisation si malgré tous les avertissements tu n’as pas renoncé à te griller, à te carboniser, à t’évaporer dans les plaisirs de la fumée.

Je désire n’avoir jamais éprouvé tant d’extase à sortir mon briquet.

Je désire sentir bon.

Je désire, oui, arrêter de fumer !

Souvent, je désire que l’obscur objet de mon désir cesse, lui, de me désirer.

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