Ultime face à face
cosmic-elo
C'est une journée ordinaire, une journée comme on en voit souvent, qui ressemble à hier et aux jours d'avant. Lola est une femme simple, dont le jean bootcut trop grand et le trench noir ébène la font passer inaperçue aux yeux du Monde. Ses longs cheveux flottent en rythme avec sa démarche assurée, elle foule le sol à grandes enjambées. Il faut dire que les halls d'immeuble la rendent irritable. Elle redoute tellement les regards posés sur elle, qu'elle accélère le pas jusqu'aux ascenseurs. Elle tapote frénétiquement le bouton qui indique son désir de monter. L'adrénaline monte aussi tant elle a hâte de quitter cette arène. L'attente a des allures d'éternité.
Rez-de-chaussée.
Elle entre enfin dans l'ascenseur et les portes se referment.
Soudain, elle fut envahie par une bouffée d'angoisse, sans même avoir le temps d'exprimer son soulagement.
Face à elle, se tenait son plus vieil ennemi.
Celui qui l'avait blessée durant toutes ces années, et qui l'avait toujours humiliée sans aucun détour. Il lui renvoyait une image détestable, une image qu'elle ne supportait plus. Il l'avait fait pleurer tellement de fois qu'elle pouvait encore sentir le goût salé de ses larmes au coin des lèvres. Devant lui, elle se sentait mise à nue, comme un oisillon vulnérable et frêle dont la mère aurait quitté le nid. Chaque seconde passée à ses côtés avait été dévastatrice, rien de cette relation n'avait été sain.
Et alors que l'angoisse devenait oppressante et qu'elle sentait sa gorge se serrer, elle eut un déclic. Combien d'années s'étaient écoulées dans la douleur du face à face ? Combien de larmes avaient glissées le long de ses joues, la laissant impuissante et vide d'estime ? Combien d'insultes avaient été lancées, combien de témoignages de haine ? C'était trop.
Cela ne pouvait plus durer. Il l'avait trop hantée. Et comme une résolution fraîchement pondue du nouvel an, elle se décida à être forte. Aujourd'hui, elle garderait la tête haute, aujourd'hui, elle ne reculerait devant rien pour reprendre sa liberté.
Ces derniers temps, elle s'était pourtant décidée à couper les ponts. Elle s'était arrangée pour ne plus le voir et avait tout fait pour l'éviter... mais au fond elle savait. Elle sentait que cette situation ne pouvait pas durer, que fuir ne pourrait être qu'une solution temporaire. Alors, pour la première fois, entre les quatre murs de cette boîte de ferraille dont la montée semblait interminable, elle fit face.
Un ultime face à face.
Cette fois, elle ne se défilerait pas. Ses yeux se remplissait de larmes pour la dernière fois. Elle inspira un grand coup, et expira d'un ton peu assuré qu'elle lui pardonnait tout. Oui, tout.
Que son seul souhait était de se réconcilier avec lui, peut-être même de l'aimer si elle en avait un jour la force.
“Je t'accepte tel que tu es.”
A peine sortis de sa bouche, ces mots lui firent tout drôle. Comme quand on dit “je t'aime” pour la première fois. Cette sensation étrange de vérité et de peur mêlés à l'incertitude. Elle souriait enfin. Elle sentait qu'elle avait franchi un cap, même si la route était encore longue.
Ce n'était pas une journée ordinaire, c'était le jour où elle avait décidé de faire la paix avec son ennemi de toujours. Son reflet du miroir. Celui qu'elle déformait sans le savoir.
Elle enterrait ces années de guerre, ces années d'insultes. Elle enterrait toutes les fois où elle pinçait sa chair qui débordait de ses sous-vêtements en faisant la moue, toutes les fois où elle se tenait devant son miroir en pleurant et toutes les fois où elle crachait son venin sur elle-même, où elle disait qu'elle se haïssait tant.
Non ce n'était pas une journée ordinaire. C'était le premier jour du reste d'une vie où elle avait décidé d'accepter son corps, avec ses qualités et surtout ses défauts. La fin d'une ère de conflits, la fin des douloureuses confrontations. Elle avait décidé de laisser au placard les insultes et les mines de dégoût. Il était temps d'apprendre à sourire à ce reflet, à pardonner ses imperfections, et d'apprendre à vivre en harmonie avec elle-même.
Et pour la première fois, dans une cage d'ascenseur entre deux étages, son reflet et elle ne formaient qu'un.
C'est beau et tu nous laisses dans cette beauté plus longtemps encore que dans d'autres nouvelles à chute. C'est encore plus beau quand c'est lent. Il y a quelques petites erreurs du genre " Combien de larmes avaient glissées " mais c'est juste une question de relecture je pense :)
· Il y a environ 10 ans ·Pierre Magne Comandu
Merci ^^' oui pourtant je relis, je relis mais je ne prends sûrement pas assez de recul :)
· Il y a environ 10 ans ·cosmic-elo
Très très bien écrit, superbe.
· Il y a environ 10 ans ·dreamcatcher
olala merci beaucoup beaucoup !
· Il y a environ 10 ans ·cosmic-elo