Ultime Prédateur

Corinne Ozenne éditions

Extrait d'un roman en gestation de Walter OZENNE

"Une fois, une seule j’ai commis une faute ici. J’avais baissé ma garde, j’avais été trop sûr de moi. Ce jour-là, des villageois m’ont vu.

C’était il y a plus de mille de vos ans. J’étais en train de dépecer un brigand qui terrorisait la région. D’un coup de griffe rageuse, je venais de lui arracher la tête. Je n’ai pas de pitié pour ceux qui maltraitent des innocents et qui tuent ou agressent par plaisir. La tête avait roulé le long du chemin. Pendant son trajet chaotique, elle avait éclaboussé de sang tous les environs. On pouvait suivre la trace de son passage au sol. D’ailleurs, j’avais le fin pelage de mon bras trempé de ce sang. Il fallait que je me nettoie avant de pouvoir reprendre apparence humaine. J’étais agenouillé au bord d’un ruisseau dans lequel je venais de précipiter le bougre pour tenter de le faire disparaître le temps de couvrir ma fuite et pour qu’un pauvre villageois ne soit pas accusé de cette mort quelque peu violente. La justice n’était pas très évoluée en ce temps-là, la moindre suspicion suffisait à vous déclarer coupable. Et chez vous, un coupable, c’était un mort en sursis !

J’ai entendu un bruit derrière moi, un crissement de gravier sur le chemin. En relevant la tête, je les ai vus dans un éclat de lune. Ils étaient trois. Trois jeunes humains. Ils m’avaient vu, la terreur que leur regard affichait ne laissait aucun doute là-dessus. Des innocents. Je les ai laissé partir, ils ne méritaient pas de mourir pour ça. Bien entendu, de retour au village ils ont raconté ce qu’ils avaient vu. Ils ont tout raconté sur la bête immonde qui était au bord de la rivière. Même ce qu’ils n’avaient pas vu : les humains ont une fâcheuse tendance à envelopper de détails les choses qui au départ sont pourtant simples.

Alors, depuis ce jour, je suis connu dans votre monde sous le nom de Šaytān, le messager accusateur. Depuis vous m’avez attribué tous les noms : Lucifer, Satan, démon et bien d’autres encore. On m’a même affublé du surnom de « la grande faucheuse ». J’ai été irrité pendant longtemps par celui-là. Je n’ai rien d’une anorexique encapée comme je le vois régulièrement dans vos livres. L’auteur de cette représentation n’a pas eu le temps de corriger le tir. Mais j’ai vu dans les yeux qu’il avait juste avant de trépasser qu’il avait compris son erreur."

Signaler ce texte