ULTIMES PRECAUTIONS (fin)

franek

Avec fébrilité et angoisse je déchire sans délicatesse le papier gommé au dos de l’enveloppe, mes mains tremblent, la sueur ruisselle sur mon front, mon palpitant tambourine dans ma poitrine, mon cervelet tourne en fromage blanc comme le teint de mon visage, les guibolles flageolent, un rictus déforme ma face de rat pris au piège , mes doigts  gourds déplient sans grâce le papier qui vibre devant mes quinquets embués de  larmes  de trouille, je n’arrive même plus à lire !! Une grande inspiration et le calme revient, les lettres cessent de danser le rock et passent amoureusement au slow langoureux et je peux enfin déchiffrer le missile de la missive, si le logo, la présentation, le grain du papier, l’encre et la police (que viennent faire les flics dans cette histoire) restent les mêmes, le texte est totalement autre, bien que toujours aussi sibyllin : « Désolé pour le dérangement, erreur sur la personne vous n’êtes pas concerné, reprenez le cours normal de votre pauvre vie et à la prochaine ! ».

                        Alors quoi, tout ce bazar pour rien, mais il se fout de ma gueule ce correspondant anonyme,  il se paye ma tête pour pas un rond,  c’est à ce moment que mon esprit d’à-propos  ligué avec les esprits critique et d’analyse s’installe dans ma conscience et me susurre dans les méandres de mon cerveau dérangé par cette histoire à coucher dehors avec une clef d’hôtel dans la poche, l’incroyable vérité suivante : je suis la victime d’une erreur de l’au-delà, d’une homonomie, moi le mécréant décrié, l’athée notoire ostentatoire, l’impie sans pitié, le bouffe curé sans cure dents, un dieu s’adresse à bibi pour me prévenir aimablement de ma mort, énorme, il n’existe pas ce mec, c’est du bluff mais là il y un fait … Je suis toujours vivant !!!

             

Ultimes précautions    (texte complet)

Voilà, c’est fait, le grand jour est arrivé : je viens de recevoir une convocation dont l’en tête est indéchiffrable et difficilement identifiable, la signature illisible. Je dois donc prendre mes dispositions pour assurer le bon déroulement de ce programme inconnu, un bond en avant dans ma vie. L’énoncé des réjouissances est alléchant : il y aura beaucoup de monde, toute la famille sera là, même les cousins éloignés et rarement vus, mes copains et collègues de travail et de retraite sont conviés à la manifestation, selon les termes de l’épitre je serai la vedette de la fête !!!

L’imminence de l’événement est proche, il ne reste que peu de temps pour me préparer et m’organiser. Dois-je mettre un costard et une chemise immaculée ou en jean baskets? Aucune précision pour guider mon choix, sera-ce en plein air ou dans une salle décorée avec soins pour l’occasion ? Je n’en sais rien, que faire ?

Je suis dans le brouillard le plus absolu, effervescent, sur les dents, je tourne en rond et ça tourne dans ma pauvre tête, un volant fou qui vire volte en tous sens, impatient et curieux je cherche à savoir qui? Pourquoi et comment? Mais, malgré ma  méfiance je ne parviens pas à obtenir de réponses qui me satisfassent : une bonne attention de mes amis ?, une blague des mêmes ? Je reprends la missive en main et examine le papier sur toutes les coutures, hélas, il reste muet à mes investigations comme s’il se moquait de moi, un vélin médiocre sans filagramme comme ils en existent des milliers, il ne porte aucune adresse d’expéditeur ni de référence : le mystère reste entier et je me retrouve dans le noir complet. La sagacité prise en défaut, je me creuse la cervelle, déjà qu’elle est comme le fromage d’une région alpine, la tâche est aisée mais le résultat négatif.

Myope telle une chaufferette, je me munis d’une loupe afin d’observer plus spécialement le logo en haut à gauche, un gribouillis d’encre noire, une suite de points posés apparemment sans raison, n’importe comment, un dessin de môme de cinq ans et encore j’en connais de plus doués. Euréka !!! Un éclair traverse mon esprit en éveil et la révélation : il faut joindre les points en partant du plus petit au plus gros, simple mais fallait y penser !!!

Colossale méprise  deux heures de boulot pour des clous, fallait commencer par le plus gros pour finir par le plus petit, mais c’est la même chose on a le même résultat, taratata, je ne vais pas me faire avoir. J’observe la courbe obtenue, pas très causant le gribouillage, abscons et mystérieux. Je tourne la feuille dans tous les sens, surtout les interdits en général ils sont uniques  et je ne trouve qu’un gribouillis, une bouillie de points  mais est-ce mon imagination ou l’effet loupe, les lignes semblent former un mot et puis une suite de mots en un mot une phrase. Il me semble pouvoir lire les termes : « tilt- fin de partie-rdv final-Game Over » !!! 

Message intrigant et inquiétant, encore un coup des amis pour mon départ en retraite, pourtant le pot traditionnel a été versé au gosier des soiffards  en bonne et due forme avec moult amuses gueule et tapes dans le dos. Bon, ces braves collègues veulent-ils me remercier d’enfin laisser le plancher libre et surement certains très heureux de voir dégager le chef un peu casse couille et tatillon mais bof après tout pourquoi ne pas accepter de leur faire ce plaisir. Le problème est comment leurs répondre toutes les coordonnées  sont illisibles, donc par la bande je tente d’en savoir plus mais nada, que dalle personne n’est au courant ou alors j’ai affaire à une sacrée meute d’hypocrites et de mauvaise foi ou foie (certains ont même la rate atteinte).Impossible de connaitre la date et le lieu. Secret d’état, impossible de soudoyer même le plus bavard abreuvé en abondance et cajolé aux louanges enjôleuses, incorruptibles ou ignorant. A nouveau le doute s’immisce en moi comme un virus malin et sournois : je doute donc je ne m’abstiens pas !!! Je repars à zéro je veux savoir le fin mot de cette aventure.

Déjà deux semaine que dure ce manège et ce matin une enveloppe identique réveille mon instinct de chasseur, la truffe au vent les oreilles aux aguets, les yeux exorbités, tous les sens en alerte rouge, je reprends la piste comme le clébard sauf que la queue reste sage. Mon meilleur ami soumis à la question ne sait rien et je finis par le croire, alors quoi ? C’est quoi ce bazar !!! J’ose ouvrir cette missive en espérant avoir la solution, une simple feuille avec les mêmes signes cabalistiques et une petite phrase sibylline : « c’est pour bientôt, prépares-toi et penses à sauver ton âme ». 

Ceci commence à sentir la blague macabre de mauvais goût, un plaisantin malveillant, un fou !!! Voilà un fou qui me prend pour cible. Je rassemble mes esprits, ils sont là à ma porte, attentifs et prêts à me donner un petit coup de mains pour y voir un peu plus clair. C’est l’esprit de contradiction qui gentiment m’oriente  vers une idée aussi sotte que grenue, il me dit dans le creux de l’oreille (une portugaise en forme de belon) : « et si ce n’était pas une blague, simplement un avertissement sur le destin ? ». Vrai on peut l’envisager et le dévisager comme ça, ceci devient même de plus en plus évident au fur et à mesure de la pénétration de cette idée taraudant les limbes et les lobes de ma cervelle. Mais alors que dois-je faire ? Préparer mon âme, mais je m’en fous de cette abstraction béatifiant et bêtifiante, non je dois ME préparer  et envisager MA  disparition, si cela est la réalité : que vais-je faire ? (citation de Bécaud). L’autre esprit, celui expédiant les affaires courantes me suggère en aparté de profiter un max des derniers moments, une nouba d’enfer (non pas l’enfer pas le bon moment) une java du tonnerre de dieu, (eh, pas de provoc inutile), proposition à étudier sérieusement après tout pourquoi pas ?

L’esprit pratique intervient alors et s’impose : « avant toute chose, il est nécessaire, indispensable de rédiger, toi qui écrit sans arrêt, ton testament ». Oh, un test amant je prends tout de suite un ticket, je m’inscris sur la liste d’attente !!!  L’esprit emmerdeur entre dans la danse : « arrêtes de déconner –oui, lui me tutoie- sois au moins sérieux  une fois dans ta vie à il ne reste peu de temps à ce qu’il parait »

            Bon je vais les mettre sur papelard mes dernières volontés, c’est une première, d’habitude on ne me demande jamais mon avis.

           

            Voici mes  dernières volontés, depuis le temps que j’exécute celles des autres, patron, flic, percepteur, femmes (oui au féminin pluriel), c’est à mon tour de faire valoir les miennes et à vous de les réaliser.

-Aujourd’hui, jour de la fête des macchabées, en possession de toutes mes facultés  tant mentales que physiques, mais pas les intellectuelles que j’ai lamentablement égarées à l’université du temps mort, je couche sur le papier mes désirs post mortem et confie cette tâche à ce con sorti d’Assas, notaire grassouillet que l’avidité du gain a fini par me rendre sympathique.

-Que ma bière soit fraîche et portée par les amants de ma compagne, ils sont assez nombreux pour se relayer jusqu’au cimetière (environ 2 bornes) et le poids (ne pesant que 70kgs) ne leur paraissent léger, ils peuvent bien me rendre ce service  car je les ai supporté  beaucoup trop longtemps, eux ils en auront pour une petite heure. Je signale que j’exige de partir la tête en avant, donc faites gaffe de  tourner la boite du bon côté.

-je ne veux pas de larme, ni pleur ni neurone chagrin de chapelet, mais pour chaque participant à la cérémonie quelques gouttes d’Armagnac dans un vers de poésie à déguster assis sur son prose. Encore moins de fleur, ni couronne surtout aucune tête couronnée, ni d’images pieuses, seulement les dix connes ? (icones ?) émises par le banques des rances (euh, de France ?), le résultat de la quête sera remis aux poètes nécessiteux ou dans le besoin, c’est-à-dire dans la merde pour éviter les confusions et chicaneries mesquines au moment de partager le magot.

-Un ultime détail auquel je suis très attaché, que les présents chantent à tue-tête le De Profundis des carabins de médecine et au plaisir des dieux dans la version de Madame Colette Renard,  pas de dislong à ma gloire, à mon mérite, à mes qualités humaines, etc.…etc. Je ne suis qu’un mec normalement ordinaire, ordinairement normal !!!

-Pour terminer cette liste, pas de pierre, béton, marbre ou granit sur le bide, mon bonheur sera un gazon sauvage avec de pâquerettes que je pourrai effeuiller avec les succubes  que le diable m’enverra pour mon enfer. J’en ai eu trop souvent lourd sur la patate sans en remettre un poids en rab !!!

Je mets mon brouillon dans une belle enveloppe et ne connaissant pas l’expéditeur de mes alertes, j’adresse mes ultimes mais néanmoins premières volontés au ciel qui transmettra à qui de droit, et à la fortune du hasard et du bol(le pot n’étant pas libre)….

                        Oh, stupeur bleue et hallucination, par retours du facteur, je viens de recevoir une réponse :

                        Avec fébrilité et angoisse je déchire sans délicatesse le papier gommé au dos de l’enveloppe, mes mains tremblent, la sueur ruisselle sur mon front, mon palpitant tambourine dans ma poitrine, mon cervelet tourne en fromage blanc comme le teint de mon visage, les guibolles flageolent, un rictus déforme ma face de rat pris au piège , mes doigts  gourds déplient sans grâce le papier qui vibre devant mes quinquets embués de  larmes  de trouille, je n’arrive même plus à lire !! Une grande inspiration et le calme revient, les lettres cessent de danser le rock et passent amoureusement au slow langoureux et je peux enfin déchiffrer le missile de la missive, si le logo, la présentation, le grain du papier, l’encre et la police (que viennent faire les flics dans cette histoire) restent les mêmes, le texte est totalement autre, bien que toujours aussi sibyllin : « Désolé pour le dérangement, erreur sur la personne vous n’êtes pas concerné, reprenez le cours normal de votre pauvre vie et à la prochaine ! ».

                        Alors quoi, tout ce bazar pour rien, mais il se fout de ma gueule ce correspondant anonyme,  il se paye ma tête pour pas un rond,  c’est à ce moment que mon esprit d’à-propos  ligué avec les esprits critique et d’analyse s’installe dans ma conscience et me susurre dans les méandres de mon cerveau dérangé par cette histoire à coucher dehors avec une clef d’hôtel dans la poche, l’incroyable vérité suivante : je suis la victime d’une erreur de l’au-delà, d’une homonomie, moi le mécréant décrié, l’athée notoire ostentatoire, l’impie sans pitié, le bouffe curé sans cure dents, un dieu s’adresse à bibi pour me prévenir aimablement de ma mort, énorme, il n’existe pas ce mec, c’est du bluff mais là il y un fait … Je suis toujours vivant !!!

             

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