Un adieu, c'est pour toujours.

Juliet

Il me tarde d’y être,
à la fête du milieu de la nuit ;
j’irai trouver mon maître,
mettre un peu plus de sel dans son ennui.
Il paraît que je vaux très cher,
mais il ne voit pas ma valeur.
Ils relèvent tous là l’enchère,
et lui me défend sans chaleur.
J’ai un paquet d’argent dans les mains,
mais un vide sidéral à la poitrine ;
je voudrais bien remettre à demain
mon si court apprentissage à leur doctrine.
Mais aujourd’hui je suis déjà déshérité
du nom qui me rattachait à une famille ;
il semblerait que je ne l’aie pas mérité,
ce petit bonheur qui me servait de béquille.
Je sens le désir en pleine recrudescence,
et sa volonté d’être le plus fort,
je sens le plaisir de toute son indécence,
la conscience que je suis déjà mort.
Bien sûr comme tous j’ai un futur,
mais je serai comme absent de celui-ci.
Et j’ignorais que dans ma nature,
j’étais seulement censé agir ainsi ;
c'est comme si c’était dans mes gènes
pour eux d’être esclave et jouet.
Ils ne veulent voir que ça me gêne
de sourire sous un fouet.
Il sait lui que je vois en transparence
à travers la plus profonde des noirceurs,
mais il lui sert de nier l’évidence
car il a violé même la mort sa sœur.
Je suis à la fois l’alcool qui l’enivre
et le verre dans lequel il vide ses excès ;
mais je suis ma raison de ne pas vivre,
et lui le seul pont vers la mort auquel j’ai accès.
Il faudrait peut-être que je me hâte ;
il vit et envie à mille à l’heure,
et je dois le laisser quand il me tâte,
ou il me promet mille malheurs.
Je veux bien voir la vie en roses,
mais ça fait quand même plein d’épines.
Moi quand je deviens une chose,
j’ai des lames dressées sur l’échine.
Je voulais bien faire ma vie à genoux
lorsque j’aimais le Dieu de mon monde,
mais depuis ce jour « je » est devenu « nous »,
et je dois encourager la ronde

comme si j’en étais l’entrepreneur,
mais elle est un manège sans pitié ;
tandis que ce n’est que lui le meneur,
je suis toujours mauvais dans mon entier.
Bien sûr j’ai besoin de lui pour survivre ;
il est mon seul toit et toute ma nourriture.
Mais vous ne savez où je dois le suivre ;
dans ces endroits où l’odeur de la pourriture
m’asphyxie jusqu’à l’inconscience,
et mes amis si je ne m’abuse,
c’est lui qui abuse la science
à expérimenter sur sa muse
des désirs mégalomanes et pervers
qui me veulent être le sujet du grand Roi,
mais objet dans mon endroit et mon revers ;
son projet est de mettre un jour un Ange en croix.

(écrit le 29 mars 2012 )

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