Un ami qui te veut du bien

tromatojuice

Humanité,


Voilà des années que je t'observe de haut – de très haut. Je t'ai vu ramper hors d'une fontaine de ténèbres ; tu n'étais alors guère plus qu'une poignée d'atomes fumants. Tu as évoluée pour t'adapter à ton environnement ; de quatre pattes, tu t'es redressée pour devenir bipède.


Tu as chassé toutes sortes d'animaux, des grands, des petits, des à poils, des à plumes, certains bien plus malins, imposants ou mortels que toi... tu as cueilli toutes sortes de végétaux, parfois au prix d'importants dérangements gastriques. Avec patience – et un certain nombre de dommages collatéraux – tu as appris de précieuses leçons. Notamment : éviter tout animal griffu et aux dents acérées que tu ne pourrais pas battre à la course à pieds ; ne pas ingérer les petits champignons rigolos qui arborent d'étranges couleurs.


Lassée de manger cru et de tâtonner dans les ténèbres, tu as dompté le feu. Cet épisode là est mon préféré : un être de chair et de poil qui découvre le mordant de la flamme. Certaines plaines sentent encore l'odeur de ton pelage carbonisé.


Lorsque tu en as eu marre de dessiner des graffitis sur les murs de ta grotte, tu as fini par en sortir et tu es partie à la découverte du monde. (Ce n'est que plus tard que tu créeras la bombe de peinture pressurisée qui te permettra de revenir à tes premières amours : tâcher des murs.)


Tu as voulu aller plus vite et plus loin : tu as inventé la roue. Tu as voulu te soigner : tu as recherché des remèdes – d'abord en broutant des herbes sauvage puis en créant divers décoctions nauséabondes. Tu as voulu décrocher la lune : tu t'es assis sur une bombe géante. Le succès n'a pas toujours été au rendez-vous, mais tu as persisté.


Face à l'échec tu ne t'es jamais découragé. Tu as continué d'essayer jusqu'à réussir.

Face aux ténèbres tu ne t'es pas enfui. Tu as avancé, un flambeau à la main.


Mais parfois la curiosité vient à te manquer. Tu inventes alors la xénophobie, l'homophobie, la techno-phobie et toutes sortes de phobies qui te pétrifient et t'empêchent d'avancer. Tu te heurtes aux murs invisibles que tu as toi même érigés et devient une créature amère et détestable.


N'oublie pas que sans curiosité il n'y aurait certes pas d'automobile, de conquête de l'espace ou de pénicilline. Mais il n'y aurait pas non plus d'alcool, de banana split ni ces films de science fiction que tu apprécies tant, accompagnés de maïs soufflé. Tu ne saurais encore qu'un primate velu dont l'occupation principale serait de se gratter l'hémorroïde d'un air circonspect.



Curieusement,



Un ami qui te veut du bien.



P.S. : la tête d'étron fripé et la lampe torche dans l'index c'était bien tenté... mais nous j'en ris encore.

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