Un arbre de vie dans les Cornouailles

nahlota

Jonathan, mon hôte, me croyait seule dans sa maison dans les arbres, ce qui n'était pas tout à fait vrai. J'étais accompagnée, inutile de le dire, de cette petite voix dans la tête qui ne me quitte jamais ou que trop rarement, mais surtout, j'étais là avec toi. D'aucuns t'auraient hâtivement qualifié de ‘tuile' ou ‘d'accident', mais je ne pouvais m'y résoudre, ces mots étaient laids. Tu étais plutôt mon cil dans l'œil, un petit bout de nous égaré dans les méandres de mon moi.

J'avais besoin de calme et de solitude et le cocon qu'avait construit Jonathan m'offrait tout ce que j'étais venue chercher. Car, vois-tu, je devais prendre une décision impossible, et j'avais cru que la réponse viendrait plus facilement en m'isolant du vacarme de la ville et de mes contemporains. Quelle naïveté.

Qu'allais-je bien pouvoir faire de toi?

Je sortais peu, si ce n'est pour quelques longues balades le long de la côte. L'espace était restreint dans la cabane mais je n'en demandais pas plus. Nous étions là, tels des poupées gigognes, moi dans cette bulle miniature, toi dans la tienne. La maison dans les arbres rassemblait tous les contraires : l'automne anglais faisait le fier, sa brise était vive, ses averses cinglantes et glaciales, mais ta présence me réchauffait ; je n'avais jamais été aussi vulnérable de toute ma vie et pourtant, les racines entremêlées du sol au plafond me rendaient forte, solide comme jamais.

Je m'en voulais parfois, de t'avoir mené ici. Tu allais croire que la vie était si belle, faite de chants d'oiseaux au réveil et de paysages sauvages balayés par les vents marins. C'était cela parfois, la vie. Mais pas seulement. Pas toujours. Il fallait aussi savoir faire face au bruit de la rue, à la laideur des hommes, à la tristesse des jours de départ.

J'aurais aimé parler de tout cela avec Jonathan. C'était un artiste, et sans le connaître, sa présence me rassurait. Il passait son temps à imaginer des habitations originales, des lieux de vie rêvés ; je passais le mien à rêver ta vie. Nous discutions parfois, autour d'une tasse de thé, ou lorsque je sortais un peu dans le jardin. Peut-être serait-il de bon conseil ? Mais je n'osais pas…

J'avais si peur: tu n'aurais que moi, me le reprocherais-tu un jour ?

Mes rares escapades me conduisaient parfois dans le petit village de pêcheurs. J'aimais alors prendre place parmi les habitués au pub local, sans toutefois boire d'alcool, ce qui devait passer pour une excentricité de touriste. Certains d'entre eux étaient indifférents à ma présence, d'autres semblaient compatissants, comme s'ils savaient. Etrangement, j'aimais l'odeur du pub, l'un des rares endroits à m'épargner cet état nauséeux constant dans lequel je vivais ces derniers temps.

Au fil des jours, bien que toujours réservés, Jonathan et moi avions eu des discussions plus personnelles. Je finis par comprendre, à demi-mot, que son grand regret, et la raison même peut-être de son obsession à construire des cabanes dans les arbres, était de ne pas avoir eu d'enfant. Douce ironie…

Je ne saurais dire si ce sont les paroles de mon hôte qui m'ont influencée, la douceur de vivre dans ce coin de verdure, ou bien encore la chaleureuse ambiance d'un pub de Cornouailles. En quittant les lieux, je savais simplement que je reviendrais un jour dans la cabane dans les arbres, pour que tu puisses y jouer. Jusqu'à l'ivresse.

 

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