Un arrière-goût de nos secousses mutines (2/2)
camille-de-vaulx
Bras dans le dos, menottes aux poignets, ils me traîneront au tribunal des enfants parenticides, me jetteront des pierres et des ouh de honte et de colère. Ils me jugeront.
Homicides involontaires. Meurtres sans préméditation. Violences morales ayant entraîné la mort sans intention de la donner. Génocide familial. Suicide domestique. Non-assistance à parents éplorés. Désertion. Des chefs d'accusation par-dessus la tête, mon avocat commis d'office, un excentrique à bouclettes, petit et pansu, ne pourra pas lutter. Il branlera du gras, à droite et à gauche, face aux jurés, face aux magistrats, au juge. Touillera du vent. Il bringuebalera sa carne avarié, puante, d'un bout à l'autre du prétoire, et plaidera mollement ; sans aplomb, sans audace, sans espoir.
L'auditoire, ivre et rigolard, sera blindé des soutiens à l'avortement des fœtus et des déjà-nés. En liesse à l'annonce du verdict, ils frotteront l'une contre l'autre des mains pleines de poques et du sang de leurs mioches. Alors, ils me pendront, assis, pour plus de sûreté, sur une chaise électrique.
Tu vois, Papa, ce qui s'annonce. Ce qui s'amoncèle au-dessus de mon crâne. A mes trousses, le monde anxieux. Condamné à courir sans cesse, pour fuir les insultes de la horde. Dans les rues, je croise mes adversaires. Sur mon passage, les mères hargneuses me jettent, à la manière d'un poids, leurs poussettes à la figure ; espérant certainement faire d'une pierre deux coups.
Les pères eux, préfèrent les poings.
Tu le sais bien.
J'ai conservé, en souvenir des années, l'empreinte que les tiens ont laissée dans ma chair. Comme un tatouage, comme un trophée. Je porte, aujourd'hui, sur les peaux molles de mes bras et de mes cuisses, les nervures violacées que m'ont values les caresses de tes mains de fer. Je les arbore avec fierté, elles sont ma croix, mon chapelet, pour me rappeler ma vie d'avant. Et mes erreurs, et mes folies.
Je sais mon Père, parfois je pars loin. Je m'évade et force la porte des futurs et des conditionnels qui dorment, poussiéreux, dans mes tiroirs. Plutôt que de badauder dans les centres-villes, je préfère divaguer au chaud, me terrer et te boire. Pour t'oublier.
"Plutôt que de badauder dans les centres-villes, je préfère divaguer au chaud, me terrer et te boire. Pour t'oublier."
· Il y a plus de 10 ans ·Vous écrivez tellement bien!
Marion B
Merci. Je suis touché. Vraiment beaucoup :)
· Il y a plus de 10 ans ·camille-de-vaulx
"génocide familial" "non assistance à parents éplorés' l angle est très original, et pour une fois, les mères ne sont pas épargnées, j aime beaucoup, vraiment...quand pourra t on lire le roman? ;)
· Il y a plus de 10 ans ·marjo-laine
Je sais que ce texte peut paraître déplacé. Un peu trop gros, comme je le disais en réponse à ton précédent commentaire. J'espère, en tous les cas, qu'il s'insère bien dans le roman. Cet extrait intervient assez tard dans le roman (chapitre 15) ainsi on a eu le temps d'appréhender la personnalité déviante du narrateur.
· Il y a plus de 10 ans ·Le premier chapitre du roman est disponible ici. Dans mes textes : Novac Brejnic'. J'espère qu'il te plaira :)
Merci encore!
camille-de-vaulx
déplacé, non puisqu on voit bien que c est exagéré, il s en dégage même une certaine jouissance...je vais regarder Novac Brejnic' alors, à bientôt :-)
· Il y a plus de 10 ans ·marjo-laine
Oui, le curseur est poussé est maximum. Parce que c'est pour lui la seule manière de dire. Même si elle est fausse, peut-être. Qu'importe en fait :)
· Il y a plus de 10 ans ·camille-de-vaulx
Un pavé dans la marre !
· Il y a plus de 10 ans ·Marre de tout !
J'aime ce texte écorché vif pendu à des crocs de boucher.
lyselotte
Merci, merci beaucoup.
· Il y a plus de 10 ans ·Il s'agit là d'un extrait de roman, converti en micro-nouvelle pour l'occasion.
- "écorché vif pendu à des crocs de boucher" : je trouve que ça lui correspond bien. Merci encore :)
camille-de-vaulx