UN CIEL SANS VÉNUS
suemai
Un soir, je marchais le long du ponton préoccupée par une cruelle histoire d'amour, qui n'en finissait plus de me ronger. Je contemplais la lune se reflétant, avec fidélité, sur cette eau mi-chaude, mi-froide, suite à un été tardif. Machinalement, je levai les yeux et, à mon grand émoi, Vénus n'y était plus.
Je questionnai tous les astres, personne ne savait quoique ce soit. Voilà, Vénus venait de déserter. Mon cœur égrené ne pouvait que pratiquement s'en réjouir, mais je songeai aux autres. Tous ces gens, en quête d'amour, qui ne pouvaient plus rêver que le cupidon, amie espiègle de Vénus, accomplissent ses miracles et ses envoutements.
—Possiblement que Lilith pourrait répondre à ta question, s'écria Saturne, fortement occupée à gérer son système planétaire. Par contre, termina-t-elle, tu connais, tout comme moi, son caractère fourbe et menteur.
Oui, en effet, Lilith appelée. Lune maudite, s'amusait à jeter, de temps à autres, quelques sorts néfastes à de pauvres humains innocents.
—Mais où puis-je trouver Lilith, elle vit constamment dans l'ombre de sa blanche moitié?
—Interroge la Lune, me suggéra Mercure.
Mais la Lune demeurait prétentieuse. Telle une enfant, elle s'amusait à inonder la terre et parfois à la dessécher. Elle adorait jouer les croissants. Il s'agissait d'une petite inconséquente, aux manières friponnes. Parfois, elle tentait de jouer les Vénus, mais les planètes la remettaient vite à sa place.
—Comment puis-je discuter avec la Lune demandais-je tout haut?
—Patiente quelques minutes, me répondit Mars, elle me doit quelques faveurs. Tout comme toi, je déplore la disparition de Vénus. Il s'agit d'un drame pour nous tous. Sans Vénus, nos amours se perdent lentement. Nous devons la retrouver.
Je conservais tout de même espoir, le ciel ne m'abandonnait pas.
—Voilà, me dit Mars toute essoufflée. Je t'envoie Snwy, Snswy et Smng, les trois anges de la création qui pourront t'être d'un immense secours. Ne les provoque pas. Fais preuve d'humilité et de respect et je conserve espoir qu'ils t'aideront.
Snwy, Snswy et Smng m'apparurent. Ils me dévisagèrent un certain temps et, Snwy, le plus sage d'entre eux, m'adressa la parole.
—Tu désires rencontrer la Lune noire, me demanda-t-il?
Qu'à entendre le mot noir, associé au mot lune, j'en frissonnai. Je baissai, tout de même, la tête en signe de respect.
—J'imagine que tu désires sauver l'univers entier de la perte de Vénus?
—Oui, répondis-je, impressionnée, et avec humilité.
—Alors soit, nous t'accordons une audience de dix minutes terrestres. Passé ce temps, il te sera à jamais impossible, ni aux tiens, de revoir briller cet astre de l'amour au firmament. Acceptes-tu nos conditions ?
Les trois anges quittèrent. Après quelques secondes, je vis apparaître, tout au bout du ponton, une forme qui s'approchait. Il s'agissait de Lilith. Une étrange et fort jolie femme, au regard incisif et au corps parfait. Elle s'avançait lentement. Je la distinguais de mieux en mieux, dans son habit saillant, d'un mauve-noir, marchant pieds nus, ses ongles de doigts de pieds peints d'un rouge vif.
—Tu es une belle terrienne Sophie, me dit-elle
—Je te remercie Lilith. J'imagine qu'il devient inutile de te demander...
—Oui, je connais ton prénom depuis toujours Sophie, tel était ton destin. Assied-toi près de moi.
Lilith laissait valser ses pieds sur cette eau incertaine, j'en fis autant.
—Donc, Vénus se serait, disons, fait la malle me dit-on?
—Tu empruntes notre dialecte Lilith?
—Évidemment, si je veux accomplir mon travail correctement.
—Mais pourquoi Lilith... pourquoi te conduis-tu aussi sournoisement ?
—Il faudrait demander à ton Dieu, à Adam et à ces anges de malheur. Ils m'ont enseigné le mal. Aujourd'hui, j'en éprouve un grand plaisir et je le pratique.
—Alors, pourquoi est-ce que je n'éprouve aucunes craintes?
—Sophie, tu possèdes ce que je n'ai pas et je désire que tu sois mienne.
—Tu es lesbienne, lui demandais-je ?
—Ah les humains, vous compliquez tout. Je suis ce que je suis.
—Mais non, je ne voulais pas t'in…
Elle me coupa et m'embrassa d'une manière telle, que l'univers du rêve s'effaça.
—Rappelle-toi, Sophie, tu ne disposes que de dix minutes. Je ne gérerai pas le temps pour toi.
—Alors, où en suis-je, m'enquérais-je?
— Environ trois minutes, je dirais... pas de Chronos ce soir, il roupille.
—Ok, Ok d'accord Lilith, on s'aime bien et tout le tralala, mais tu ne nous rendras pas Vénus, comme ça, comme une offrande à tes victimes!
—Intelligente de plus, c'est que tu me plaies vraiment, Sophie.
—Alors... tu nous la crèches où, la Vénus?
—À un endroit que tu ne pourrais soupçonner.
—La galère... Ben là, Lilith, la galaxie, ce n'est pas vraiment mon rayon.
—Tu connais les supernovas, Sophie?
—Oui, comme ça, le genre grosse étoile, qui brille plus que les autres.
—Description sommaire, mais ça fera l'affaire. Maintenant Sophie, je vais devoir te révéler quelque chose que tu ne voudras pas entendre, mais qui n'est que la stricte vérité, dans la mesure où ma vérité prend un sens pour toi.
—Là tu me pers Lili, de quoi parles-tu?
—Lilith Sophie... pas Lili. C'est d'un commun...
Voilà ce que j'appris des dires de Lilith, l'astéroïde le plus fielleux de l'univers connu. Lors de mon dernier grand amour, j'ai tout sacrifié. J'ai tout donné. Totalement épuisée et au bord du gouffre, Vénus eut pitié de moi. Elle s'approcha, afin de me rendre quelques énergies. Involontairement, je la gobai telle une huître. Je tenais Vénus prisonnière en moi et il n'y avait qu'une seule possibilité de la délivrer... celle de ma mort. Lilith n'était qu'une messagère. On lui confia la tâche de libérer Vénus. Mais Lilith valait son pesant d'or en tant que mercenaire. Il me fallait devenir cette supernova et ainsi libérer Vénus. Puis, Lilith se nourrirait de toute l'énergie de cette explosion, lui permettant de combattre sa sœur blanche, des milliards et milliards d'année à venir. Telle était l'entente.
Le temps s'écoulait. Le silence régnait. L'eau du lac prenait des formes étranges. Je levai les yeux au ciel et toutes mes amies détournèrent le regard. Oui voilà à quoi ressemble vraiment la solitude, pensais-je. J'acceptai. Pouvais-je refuser. Lilith me saisit la main et me transporta là où tout devait se dérouler. Je devins cette supernova et j'explosai. Vénus s'expulsa de moi. Elle retourna reprendre sa place dans le grand carrousel du soleil levant. Je devins alors une petite partie de Lilith. Parfois j'entends sa voix en moi, car, malheureusement, j'existe toujours.
Le lendemain, on lança des avis de recherche. Jamais on ne me retrouva.
Sophie cosmonaute. Faire gaffe, car demander l'aide des Anges et de Lilith, ça peut se payer cher.
· Il y a presque 6 ans ·Eh, Lilith ! J'ai aussi célébré cette garce dans un sonnet à son nom, dans mon dossier "sonnets violents"
astrov
Original et bien tourné !
· Il y a presque 9 ans ·Ana Lisa Sorano
alô Ana Lisa, soit dit joli prénom, si pseudo, joli tout autant. Heureuse de te lire. Ton commentaire me fait du bien. J,espère te lire bientôt. bise, Sue+++
· Il y a presque 9 ans ·suemai