Un connu
june
Sourire et cigarette fichée au coin des lèvres, attirail moderne du jeune homme sympathique et branché. Il en aurait tapé, des pages et des pages de ses joies ou de ses peines s'il avait été dans un film. T-shirt blanc, yeux rieurs, installé sur une table en train d'utiliser la machine à écrire avec un air vaguement concentré. Il en aurait vu, des filles défiler dans son lit pour l'éclat double de son visage et de son corps.Sous le soleil infranchissable il aurait trouvé la vie magnifique, il aurait même aimé que les piétons rayonnent et portent un halo lumineux autour de leurs têtes. Couronne ou pétales de fleurs.
Il est toujours là. Il lui semble qu'il revient d'une longue marche à travers le monde, où le couperet de l'inconnu s'est abattu sur des millions de têtes. Il a vu la mort, les vieillards implorants, les enfants qui vous dépouillent du regard. On lui aurait dit « je vous trouve très beau », que cette beauté aurait sonné comme une négation. Et il y aurait eu tant d'accents venus d'ailleurs dans sa voix, qu'on l'aurait pris pour un homme de partout. Il aurait voulu ouvrir les yeux un beau matin et s'incarner, à la manière d'un arbre qui aurait pris racine dans une terre fertile.
Elles l' auraient embrassé les yeux fermés, sur la pointe des pieds comme pour sceller ce qui n'existe pas. Elles lui auraient offert leurs existences sur un plateau, leurs têtes à couper et auraient vendu leurs sourires. Qu'importe. Il ne leur aurait pas rendu. Il serait resté en attente, dans le temps. Et elles, suspendues à ces lèvres anonymes jusqu'à trembler pour ne plus revenir. Elles auraient été ces femmes aux rouges à lèvres chatoyants, que l'on envie parfois, que l'on regarde souvent, et leurs cheveux détachés comme des étendards.
Il serait resté de marbre, perdu dans l'étendue de ce qu'il aura pu voir, dans la marée humaine qui l'aura embarqué tout ce temps. Il dirait « je demeure dans toutes les maisons du monde », comme si l'Univers avait décidé de l'inclure dans une spirale qui dépasserait tous les autres.
Il aurait affirmé « pas le moins du monde » aux questionnements sur sa tristesse, aurait séché des larmes imaginaires. Il se serait levé le matin avec l'arrogance caractéristique de ceux qui se sentent bénis des dieux.
Vous êtes doué (e)
· Il y a plus de 6 ans ·unrienlabime
La conclusion est soudain optimiste. Une écriture toujours frémissante, qui m'a demandé un certain effort, tant l'écriture est dense, et le propos mature.
· Il y a plus de 8 ans ·elisabetha
Merci ! Effectivement j'essaie souvent d'écrire comme je ressens, d'où cette écriture " frémissante " ...
· Il y a plus de 8 ans ·june