Un doudou ?

mistermaster

( Les faits sont réels ; les noms sont changés ; cela aurait pu arriver dans n'importe quelle banlieue de n'importe quelle grande ville ; mais c'est sur moi que c'est tombé ! )

Il y avait cette famille, les Dacosta, dont chacun dans notre école avait un gamin en classe, sans compter les deux aînés dans l'école primaire d'à coté. Pas des mauvais bougres, mais j'avais parfois l'impression qu'enseigner à des chèvres donnerait certainement de meilleurs résultats.

Tous les après-midis, les plus jeunes de mes élèves se rendaient directement au dortoir de l'école, accompagnés d'un parent ou de la nounou. Parfois, ils y allaient seul et étaient accueillis par les ATSEM qui les mettaient en tenue et les berçaient tendrement.

Ce jour-là, la jolie Betty entrouvre la porte de ma classe en me faisant signe d'approcher discrètement : c'est pas à toi ça par hasard ?... Et là, éclatant de rire, à l'abri des regards des autres élèves, elle me montre un godemiché de bonne taille avec lequel je ne pouvais rivaliser. De peur d'entendre la réponse, je n'osai lui demander d'où elle sortait cet… objet.

- C'est ton p'tit Dacosta… il est allé directement se coucher et, au moment de le border, on a vu ça dans sa main… il allait dormir avec comme avec son doudou ! On lui a échangé contre un autre, disons, plus classique et puis je suis venue te voir. Qu'est-ce qu'on fait ?

J'ai pris le gode dans la main, j'ai regardé Betty, et à ses yeux qui brillaient je voyais bien que jouer tous les deux avec l'engin était une option tout à fait envisageable. Mais ce n'était ni le moment ni l'endroit. Restait à agir en professionnel, aller voir la directrice et interroger l'enfant quand il sortirait des brumes de son sommeil. En sortait-il à un moment d'ailleurs, je me posais souvent la question.

Après interrogatoire en présence de la chef d'établissement, il s'avérait que le gamin avait pris l'objet en question chez sa nourrice. C'était avec les cassettes de tonton… avait-il répondu en souriant bêtement. Il trouvait certainement que ça avait une bonne tête pour dormir avec. Oh Innocence de l'enfance ! Il fut toutefois décidé de ne rien décider et d'attendre que j'aie rencontré la mère quand elle viendrait le chercher, pour prévenir ou non les services sociaux.

L'heure venue, je laissai Betty gérer la sortie des élèves tandis que j'interpellai la dame. Faut le reconnaître, c'est beaucoup plus facile de s'entretenir avec des parents dont les enfants ont été pris en train de se battre ou de fumer. Leur demander des explications sur le choix d'un sex-toy comme objet transitionnel pour leur gamin de 4 ans est plutôt délicat.

- Mme Dacosta !… C'est possible de vous voir un instant ?

- Oui… Qu'est-qu'il a fait encore ?…

Rien de dramatique j'espère, lui expliquai-je alors en la conduisant à mon bureau.

- Voilà, nous avons surpris votre fils au dortoir avec ceci, dis-je en ouvrant mon tiroir.

Un instant déstabilisée en découvrant l'objet du délit, la maman se ressaisit tout de suite :

- Tu vas voir ton père ! aboya-t-elle en secouant son môme par le bras.

- Attendez, apparemment il ne sait ni ce que c'est, ni à quoi ça sert... alors avant de le punir…

- Non mais ch'sais pas où il a ramassé ça ! On trouve de tout dans le quartier… des bouteilles, des seringues…

Je sentais que j'allais garder ce truc dans mon bureau avec les billes et autres jouets confisqués.

- Bon, et bien restons-en là pour cette fois, si ce n'est pas à vous…

- Attendez ! dit-elle en tendant soudain son bras vers le tiroir que j'allais refermer. Donnez-moi le, j' vais voir à qui ça peut être...

Était-ce écrit «GROS CON» sur mon front ? Toujours est-il que, sidéré par tant d'aplomb, le cul comme scotché à ma chaise, je la regardai sortir de la classe essayant de dissimuler du mieux qu'elle pouvait la bite en plastique qui sortait de sa poche.

Doudou ou pas, en voilà une qui allait bien dormir le soir !


Épilogue :

Quelques semaines plus tard, lors d'une réunion d'enseignants de la circonscription, un conseiller pédagogique nous fit part de ses regrets de ne plus voir dans nos écoles, comme dans les écoles d'autrefois, d'espace dédié aux nids d'hirondelles, couleuvres dans le formol, animaux empaillés… et autres divers objets rapportés par les enfants.

- euh… comment vous dire, m'sieur… il y a peu de temps, un de mes élèves a rapporté un godemiché à l'école… Je le mets en vitrine à l'accueil ?...


Les centres d'intérêt ont changé. Pour le respect de la nature, les industriels et les politiques ont demandé aux citoyens de leur faire confiance et de s'occuper de leur cul. Finalement, je crois que c'est ce que les gens ont fait.

  • Hilarant ! Une sacrée histoire dont vous vous souviendrez toujours !

    · Il y a plus de 8 ans ·
    Louve blanche

    Louve

    • Merci Martine... mais je dois avouer qu'en repensant à ce "doudou", je complexe un peu !...

      · Il y a plus de 8 ans ·
      Sleeping fox by krankeloon small2

      mistermaster

    • Faut pas, il n'y a vraiment aucune raison !

      · Il y a plus de 8 ans ·
      Louve blanche

      Louve

  • Merci, mais elle sonne vrai parce qu'elle l'est ! je n'ai pas l'esprit assez tordu pour inventer ça ! et les faits remontent à une vingtaine d'années...

    · Il y a plus de 8 ans ·
    Sleeping fox by krankeloon small2

    mistermaster

    • Je pensais qu'elle était vraie, mais les histoires vraies ne sont pas les plus faciles à raconter et donc le texte est fort bien écrit !
      PS : je pense que les réponses se placent au-dessous des commentaires ( petite case "répondre" ). Bien qu'assez récente ici, j'essaie d'aider les nouveaux...
      A bientôt.

      · Il y a plus de 8 ans ·
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      Ana Lisa Sorano

    • Merci pour le compliment et merci pour le conseil... à bientôt.

      · Il y a plus de 8 ans ·
      Sleeping fox by krankeloon small2

      mistermaster

  • Excellent ! L'histoire sonne vrai !

    · Il y a plus de 8 ans ·
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    Ana Lisa Sorano

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