Un gardénia

M'acheter demain un gardénia, sentir la nature dans ma maison, l'hiver va chasser ce printemps de début d'année, il va même neiger. Envie de primevères, j'ai déjà des bulbes de narcisse dans ma cuisine, et puis une plante dont j'ignore le nom mais qui donne à l'occasion de jolies fleurs roses. Aller me promener dans le parc avant que la neige m'en chasse, respirer les arbres, les buissons, oui j'ai sûrement déjà écrit ces mots qui me font du bien. Qu'est-ce que j'attends? Marcher, marcher, doucement, lentement, sans canne, sans béquille, laisser l'air me pincer les joues, les mains, fouler le gravier des chemins dorés, longer les arbustes aux petits fruits rouges, joli décor hivernal, que j'ai envie de cueillir. Mais je les laisse dans les doux rayons de soleil, personne ne cueille les belles grappes rouges et c'est très bien ainsi. Plic, ploc, il va pleuvoir ce week-end, il va venter, souffler, couverte de mon bonnet, à l'abri sous mon parapluie je me requinquerai. Le vent me bousculera, la vie sera bousculée, mes pensées, mes idées, ça changera de ce printemps serein de début d'année. Les bourgeons vont geler, je souhaite tant que les magnolias fleuriront en mars. Au sol, des feuilles humides semblent se désoler, le parvis de la mairie me semble toujours glissant, même les handicapés moteur me dépassent. Je les laisse filer devant moi, je ne suis pas pressée. Les cris des jeunes qui courent vers le tramway, leurs rires qui s'envolent me font doucement sourire, dire qu'ils me disent "Madame"... J'ai quel âge à leurs yeux?

M'acheter demain de quoi respirer, cet air vif et frais du matin quand la rosée se pose en gouttelettes sur les feuilles des bacs et la chaussée glissante. Combien de jeunes ont senti cet air en sortant de discothèque pour aller s'acheter des croissants? Combien de jeunes sont rentrés entassés dans des petites voitures pour les dix-huit ans du bon pote? Entendre leurs rires et leurs cris dans le matin glacé, et les portières qui claquent sous mes fenêtres tandis que la nuit me retient encore sous les draps. Et puis se lever sans un mot d'excuse pour vivre, sans justification ni rien, juste l'envie de se lever comme si on allait tout conquérir.