Un olivier sur le sol irlandais

petisaintleu

Patrick commença sa carrière comme cénobite.  Mais comme un moine inverti en vaut deux , il préféra quitter son abbaye et prendre le large pour errer sur les chemins. Il n'était qu'un homme. Et, ce qui devait arriver arriva.

L'ancien trappiste fit la connaissance de sainte Bièretnice, une Provençale originaire de Monaco. Elle aurait pu mettre de l'eau dans son vin mais elle avait une aversion pour la limonade, manquait de panache et s'interdisait tout espèce de mélange.

La rousse manœuvra pour le faire mousser. Ce niais ignorait tout d'elle. Elle était loin d'être une cruche, connue dans toute la région sous le sobriquet de Chérie-Bibine. Elle ne brassait pas que de l'air et parvint à le défroquer après lui avoir mis la pression. La gueuse ne se montra guère alambiquée pour le choper dans l'arrière-cour d'une taverne. C'était une sacrée tireuse.

Elle lui laissa un arrière-goût d'amertume. Troublé d'avoir perdu le sage équilibre qui jusqu'alors rythmait sa vie, il eut un coup de moût. Il se porta pale et décida de s'exiler en Ireland pour partager sa colère dans une contrée réputée pour y abriter un peuple sanguin. Il aurait pu se rendre à Rome mais y renonça n'étant plus en odeur de sainteté.

Ce galopin qui avait fait vœu de pauvreté était dans la drêche. Fort opportunément, une kermesse avait lieu dans le premier village qu'il traversa. Il était temps, l'inanition le menaçant d'une mort subite. Ça sentait le sapin et il craignait d'être mis en bière sans qu'il n'ait reçu les derniers sacrements. On l'accueillit avec hospitalité pour le régaler d'une canette et d'autres victuailles. À tel point qu'il devint bientôt plein comme une outre.

Le lendemain, il n'eut guère le choix que de rester dans la bourgade. Un confinement avait été décrété à cause d'une pandémie de corona importée du Mexique. Les habitants auraient pu le chasser à coups de « T'es qui, là ? ».  Ils se firent plus lagers (légers en gaélique) et devinrent amis donc.

Jour après jour, il gagna en autorité. Il reprit ses prêches juché en haut d'un baril. Il les saoulait jusqu'à plus soif de ses sermons. Il les abreuvait des textes sacrés, en particulier ceux des épeautres : saint Chimay, saint Jenlain et saint Kronenbourg.

Mais le mal s'abattit sur lui. Une mauvaise fermentation intestinale liée à un excès de bouillie d'orge déclencha des crises d'asthme. L'orge asthme fut suivi d'un delirium tremens et des pensées les plus impures. Quand il reprit ses esprits, il se jura que plus jamais on ne le reprendrait d'avoir la moindre pensée frelatée par le démon. Il consacra alors pleinement le reste de son existence pour le bien de ses ouailles.

À l'épidémie s'ensuivit une maladie bien étrange. L'ensemble des mâles en âge de procréer connurent une soudaine chute de rigidité mettant en carafe leur virilité. Ce fut comme un coup de bambou, comme quand on se réveille avec un foutu mal de crâne après avoir cuvé. Les historiens penchent pour une levure qui aurait muté, laissant présager un destin des plus caverneux pour la population de la petite cité.

On procéda à l'érection de calvaires, sans succès. Dans sa jeunesse, Patrick avait été initié par un chevalier de l'ordre de Malt, un personnage au demeurant fort spiritueux. Pour seul ouvrage, il avait apporté dans ses pérégrinations son grimoire. Ce qu'il prenait pour des textes oubliés de l'Ancien Testament et des recettes sacrées étaient en réalité rien de moins que des méthodes de pasteurisation mille ans avant la découverte du savant jurassien. Jamais on ne connut un tel pic de natalité.

C'est grâce à ces miracles qu'il fut canonisé et que saint Pastrique est désormais devenu le patron des hommes atteints de problèmes de turgescence. On le fête quelques jours avant le printemps, période où Dame nature retrouve toute sa vigueur pour redonner de la bouteille.

Signaler ce texte