Un parfum nommé toujours
Jade Tigana
J'ai retrouvé ton odeur dans les recoins sinueux de ma mémoire. Ma mémoire, c'est un tunnel de verre, un gouffre glacé dans lequel se figent mes souvenirs, privés de leur présent, murés à jamais dans le passé. Ils se sont noués ici, les uns après les autres, accroupis en silence dans les replis obscurs de mon être, prisonniers de mon empire, ils sont les esclaves de ma conscience. Dissimulés, mes chers nœuds du passé, quelquefois se délacent, se dénouent, afin de vivre un peu, errant dans cet étroit corridor, à la recherche d'une frêle éclaircie. Je les sens se délier, s'animer, se dégager de l'inertie, de cet engourdissement morbide. Peut être éprouvent ils de nouveau cet élan de vie, ce déploiement des sens, peut être ont il découvert ce trésor qu'ils soupirent, qu'ils murmurent faiblement : une étincelle. Oui.. Tu avais furtivement déposé une petite lanterne, là, au bout de ce sinistre tunnel qui, s'étant aussitôt fondue dans les méandres de mon âme, y avait ancré à jamais, une lueur d'espoir. Cette lueur soudaine, je la nomme crépuscule, je la chante parfois, elle a le pouvoir unique d'atténuer cette obscurité atemporelle, elle insuffle un brin de clarté dans cette nuit atrophique de l'esprit. En somme, elle me permet de te penser. Je m'immerge alors dans une rêverie profonde, et lorsque je te pense, je goûte à nos vies l'espace d'un instant, je bois ces paroles mielleuses aux couleurs de nos sentiments, je nous respire, pensivement. Je compris alors que ton parfum ne pouvait se ternir, il est une émanation spirituelle, il vit au creux de moi, nuit et jour, dans les tissus de ma conscience. Un souvenir n'est jamais mort, songeais-je, il s'endort paisiblement, il sommeille sous les draps, dans le coin de l'oreiller, au cœur d'une parole, au travers la force d'un mot, il s'assoupit, jusqu'au moment où nous le ravivons afin qu'il se manifeste, plus intense encore, plus enivrant que jamais.
Confronté à l'image d'une odeur malgré le temps qui passe, qui prend le visage d'un réconfort et parfois le corps d'une torture… Je trouve que ton texte retranscrit parfaitement un ressenti sur lequel, il n'est pas facile de mettre des mots… C'est très joli et vrai…
· Il y a presque 9 ans ·Eric
Exactement, le souvenir prend plusieurs formes, il est hybride. Merci beaucoup
· Il y a presque 9 ans ·Jade Tigana
Merveilleux texte ! Et l'on ne peut rien contre les souvenirs qui hantent parfois le tréfonds de notre mémoire, et qui ressurgissent sans crier gare. Bravo, c'est tellement bien écrit !
· Il y a presque 9 ans ·Louve
Il est vrai que certains s'ancrent de façon irréversible, ils ont le mérite de donner encore à penser. Merci beaucoup !
· Il y a presque 9 ans ·Jade Tigana