Un peu de peinture dans le monde #2

Le casque vissé sur les oreilles, je sifflotai, regardant les vitrines des magasins qui commençaient à ouvrir. Belle, colorée, décorée de guirlandes de lampions en papier rose ou bleu, je les dévorais du retard. Le monde était trop gris, trop triste, et seules ces vitrines ramenaient un peu de couleurs dans mon coeur.

J'admirais les dessinateurs, graphistes, écrivains ou artistes en général, qui pouvaient faire entendre leurs avis à leur guise en faisant leur art. Malheureusement, personne ne prenait la peine de les écouter un tant soit peu. Triste monde.

Les peintres étaient ceux que je veinerais le plus. Un pinceau qui glisse sur la toile, une image qui prend forme, et puis l'odeur qui emplissait l'air pendant plusieurs jours, moi, j'aimais ça. Je ne savais pas tenir un crayon pour une esquisse, et les seuls projets de dessin que je faisais, c'était pour les cours, et encore. Mes arbres ressemblait à des fourchettes, mes nuages à des pommes, et mes personnages à des aliens non identifiés. Et puis, à l'école, peu d'élèves étaient passionnés vraiment. La peinture n'était pas ce qui les maintenait en vie.

Et moi, c'était ces rares perles que je cherchais.

On peut dire que beaucoup de filles me tournaient autour. Des blondes, des brunes, des rousses, qu'importe. Mes amis m'enviaient énormément, et me demandaient avec qui, de Vanessa ou de Charlène, j'allais sortir. Comment leur répondre que non, moi, Léo, j'en avais rien à foutre de ces filles superficielles et bimbos qui ne se couvraient que très peu pour sortir et faire voir quelques bouts de chair fraîche? Non, ces filles là n'était pas pour moi. Moi, j'étais rêveur, et j'adorais lire. Alors, des nénettes qui passaient des heures devant leur miroir à passer du rouge à lèvre sur leurs lèvres excessivement pulpeuses, c'était pas fait pour moi.

Mais il y avait une fille qui m'intriguait. Discrète, timide, toujours accompagnée de sa besace verdâtre, qui s'éclipsait dès la fin des cours sur la route qui ne menait pas à chez elle -j'avais enquêté un peu il faut le dire-, oui elle m'intriguait. Camille. C'était mignon. Mes potes la charriaient de loin, disant qu'avec son look de plouc, elle ne méritait même pas d'être regardée. Je les détestais, et je leur avais dit. On ne pouvait pas juger quelqu'un sur son apparence.

Je tournai la tête devant moi, l'apercevant. Oui, je l'avais suivis. Son écharpe volait au gré du vent derrière sa silhouette toute fine, et ses cheveux rebondissaient dans son dos.  Quand elle ralentissait, je faisais de même, et quand elle courrait, j'accélérais.

Elle avança vers les quais, où travaillait mon père, et s'engouffra dans un hangar abandonné. Je l'avais déjà vu, ce hangar, mais personne n'y allait. On disait qu'il était hanté. Sottises.

Je l'avais trouvé, le petit fantôme qui venait tous les soirs flâner à l'intérieur. Un fantôme très mignon.

J'ouvris la porte doucement. De dos, elle ne m'avait pas entendu, et peignait. Elle peignait même très bien. Des tableaux tapissaient les murs, tous comportant sa signature, et des tubes de peintures reposaient sur des étagères en bois.

Je souris. Je l'avais trouvé, ma perle rare.

-Salut! dis-je, la faisant sursauter.