Un peu de prose

aile68

C'est comme le cri, le vent, cette voix cent fois étouffée, coupée tel un mot défendu, une parole inhumaine qui fait reculer les hommes même les plus courageux dans la grande plaine dispersée. Des hommes, on ne sait plus lesquels, la gorge serrée par mille légendes, et partis depuis des lunes à la recherche de leurs morts, se traînent et se traînent sur leur monture assoiffée jusqu'à un puits profond où miaulent mille courants d'air qui lézardent le temps caché. Un enfant a dit un jour : "La poésie c'est quand on ne comprend rien", il n'a pas tout à fait tort ce petit, la vérité sort de la bouche des enfants. C'est comme la colère qui se confond avec la nuit noircie d'un café réconfortant, reste le marc au fond de la tasse tel un avenir qu'on anticipe, un futur qu'on espère bon et paisible. Passer la frontière, surmonter les montagnes, les rites d'une vie réglée comme du papier à musique, y a un chien dans le jeu de quilles. Doucement s'éloigner, voir ce que l'on fait, par prudence, voir ce qui importe, hésiter entre le rêve et le pragmatique, l'utile et l'inutile. Dans la forêt, dans les méandres de la mémoire, faire la part des choses, discuter s'il le faut, achever les mauvais esprits, cesser ce casse-tête qui tourne et tourne dans ce marasme indicible.

C'est comme le cri, le vent, cette voix cent étouffée, coupée tel un mot défendu, on ne se verra pas comme avant. Des hommes ont plongé dans le grand bassin glauque, ont nagé en eaux troubles et ont émergé une bonne fois pour toutes comme on émerge d'une histoire bancale, boiteuse. 

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