Un tour en Italie -6-

aile68

"Je te laisse la vie sauve mais tu me dois des explications. Nous allons parler toi et moi mais d'abord rentrons."

Arrivée à bon port, l'équipée resta dans un silence grave. La jeune Valeria se jeta dans les bras de sa mère qui accueillit son fille avec une froideur feinte eu égard au patriarche qui restait coi. La servante Maria se signa trois fois de suite.

Le père s'adressa aux femmes sur un ton ferme qui indiquait qu'il ne tolérerait aucune réplique:

"Sortez. Nous avons à causer."

Les femmes s'exécutèrent sur le champ. Le patriarche,  qui portait le titre honorifique de don Stefano, s'assit lentement sur sa chaise attitrée et considéra le ravisseur de sa fille toujours en silence. L'atmosphère en devenait pesante finalement il se mit à parler:

"Alors ma fille et toi vous vous aimez.

Diego ne savait comment se comporter. Il gardait les yeux baissés, sa casquette dans les mains.

- Allons! Je ne saurais supporter que celui qui a enlevé mon unique fille se comporte comme un gamin pris sur le fait. Réponds!

- Oui don Stefano! Nous nous aimons.

- Et où l'emmenais-tu?

- Chez mon cousin Ignazio à San Domenico... Valeria n'était pas au courant de l'enlèvement. J'y ai pensé toute la nuit, je n'ai pu dormir tant l'idée me travaillait.

Diego parlait avec beaucoup d'hésitation.

- Pourquoi cette idée t'a-t-elle travaillé?

- Je ne savais pas si Valeria aurait été d'accord. Partir comme ça sans qu'elle emporte des affaires...

- Donc ma fille n'y est pour rien dans cette affaire.

- Non, don Stefano... répondit le jeune homme en baissant de nouveau les yeux.

- Voilà qui la disculpe, la situation est moins grave que je ne le croyait.

Don Stefano marqua une pause. Il semblait réfléchir à la suite des événements. Devait-il se montrer sévère voire dur? Son honneur, l'honneur de la famille en fait était en jeu.

Nous sommes dans un pays et à une époque ancienne où l'honneur est plus fort que la dignité, où l'on a tué pour moins que ça, au nom de ce sacro-saint honneur. Dans la montagne où se situe cette histoire il est de bon ton de discuter avant de prendre une décision, la décision qui dénouerait la situation. Il est plutôt rare que le fautif assiste au conseil de famille mais ça s'est passé de la sorte pour Diego car Don Stefano, riche propriétaire des terres que les agriculteurs  du village travaillaient, n'était pas l'homme si arrogant et si dur qu'on croyait. Il avait le sens de la famille, il était de son devoir de la protéger et de subvenir à ses besoins. Il avait aussi le devoir moral de protéger les siens du scandale et de la honte. Don Stefano avait eu une fille avant Valeria malheureusement elle est morte noyée dans le lac derrière la maison du garde-champêtre. A la naissance de sa seconde fille il se jura de faire son bonheur. Le patriarche n'avait qu'une parole.

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