Un voyage innatendu et prometteur.

sarahm27

C’était irrémédiable. Le bar était atypique, le moment était impromptu, la soirée était improbable, sa venue était inattendue. Rien ne convergeait vers une relation mais pourtant...

S. & S. se sont rencontrés le 27 janvier 2009, dans une petite ruelle de Paris. Leurs chemins se sont croisés Chez Georges, l'un des vingt bars les plus insolites du monde. Il existe depuis 1952 et semble avoir conservé toutes les marques du passé. Elle était né le "2", lui le "7", une rencontre le "27", cela ne pouvait faire que des étincelles. Au premier regard ils ont su qu'ils étaient sur le point de s'embarquer dans une folle aventure. Depuis, le train a démarré et ils ne se sont plus jamais quittés.

Les années ont passé, ils vont bientôt célébrer quatre années de vie commune et ont décidé de marquer le coup : ils veulent partir faire le tour de la Californie. L'année précédente ils avaient tous deux fait leur baptême Américain en sillonnant la côte Est du nord au sud. Tombés amoureux du territoire, ils ont décidé de continuer ce qu'ils avaient commencé ensemble, dans le but de trouver l'endroit parfait où il pourraient définitivement s'installer. Parmi les dizaines de choses qu'ils avaient en commun, ils voulaient respectivement quitter la France.

Tous Deux, passionnés de voyage, emblème de leur relation, la curiosité les anime, et la gastronomie les rassemble.

L'idée de cet anniversaire était de sillonner la Californie, comme on le voit dans les films Américains à bord d'une Cadillac. Ils oublièrent rapidement la Cadillac et se tournèrent vers une voiture banale avec l'option "air conditioning" indispensable sous la chaleur californienne.

S. avait un boulot on ne peut plus sérieux : consultant en l'énergie et stratégie, il conseillait les grandes entreprises sur les sujets du futur. Il n'était donc pas rare de l'entendre parler des villes intelligentes qui allaient fleurir d'ici vingt à trente ans, ou des nouveaux biocarburants à base d'algues qui venaient d'être découverts. Ils avaient quatre années d'écart, et s'étaient rencontrés jeunes mais cela n'était pas un problème car ils avaient profiter pleinement de leur jeunesse.

S. quant à elle, était encore étudiante. Elle se destinait à devenir commissaire priseur, ce métier si difficile à exercer en France.

Motivés et passionnés, les Deux étaient littéralement animés par leur métier. Les voyages auraient pu être pour eux des moments de répit, en réalité c'était une excuse de plus pour être suractifs. Les journées étaient généralement trop remplies et ils finissaient plus fatigués à la fin de leurs vacances que lorsqu'elles commençaient.

Ils discutèrent longuement de l'itinéraire a adopter : ils finirent par se mettre d'accord sur un départ de Las Vegas, pour passer ensuite par Mammoth Lake. Traversée de Death Valley, stop à Mariposa, découverte de la ville de San Francisco et évidemment de la Silicon Valley si chère à S. Rassasiés de la ville ils iraient à Monterey, Morro Bay, et Santa Barbara. Ils conduiraient jusqu'a Los Angeles pour finalement terminer leur voyage à San Diego.

Ces quelques lignes résument un voyage de quasiment quatre semaine, incarné sur papier par un "Doc google drive" partagé sur leur deux adresses gmail, intitulé California Dream.

Les billets Paris-Las Vegas achetés, vint le problème du logement. Problème, car les Deux extrêmement pointilleux, voulaient toujours avoir le meilleur de ce qui se faisait mais à moindre cout. La planification d'un voyage de quelques semaines prenait quatre weekends non-stop pour voir enfin se dessiner un semblant d'organisation.

S. très exigeante recherchait avant tout une alliance de modernité tout en conservant l'authenticité. S., quant à lui, voulait de la luminosité, si possible une vue et de la tranquillité, tout en gardant une certaine proximité avec le centre ville. Bref une alliance de critères qui plaçait la barre très haute.

Leur ténacité finit par payer : après avoir utilisé chaque minute de leur temps libre et avoir prospectés pendant plusieurs jours et plusieurs weekends, ils finirent par trouver les lieux les plus appropriés à ce qu'ils cherchaient. Les réservations furent faîtes après comparaison des prix entre les sites concurrentiels. C'était drôle de les voir agir ainsi, aucun des deux ne manquaient d'argent : en effet S. était issue d'une famille  aisée. L'autre S. gagnait bien sa vie et avait aussi une famille dont les moyens ne manquaient pas. La raison de leur agissement était simple : ils voulaient payer le juste prix, sans se sentir abusés.

Jeunes et modernes, ils optèrent pour un combo airbnb-hôtels-motels-chambre d'hôtes. Ils se firent très plaisir à Las Vegas, en réservant une suite dans un des plus fameux hôtels du Strip (quitte à aller à Las Vegas autant vivre l'expérience à fond se dirent-ils). Cependant tout le voyage n'avait pas été organisé de la même façon, de manière stratégique ils avaient opté pour des motels cheap lorsqu'ils ne faisaient que passer à un endroit. Inutile de dépenser plus d'argent qu'il n'en fallait...

Ils s'en fichaient de se retrouver dans des motels peu avenants, ce qui importait c'était d'être ensemble, de partager et de profiter. Il existait entre les Deux une sorte de fusion passionnelle, comme si ils étaient tout naturellement faits pour être ensemble.

Outre les voyages, la deuxième passion qu'ils partageaient c'était la gastronomie. Il faut dire qu'a Paris ils étaient gâtés : ils habitaient le 6ème arrondissement, parfois désigné comme le Quartier Latin. Ce n'était pas le plus à la mode, mais ils étaient tombés amoureux de l'atmosphère que celui-ci dégageait. C'était en effet le premier quartier dans lequel S. vécu, elle venait alors du sud de la France pour faire ses études. Sa mère lui avait pris un appartement en face du Bon Marché. Cependant à l'époque de son arrivée S. se fichait quelque peu d'être ici ou ailleurs puisqu'elle n'avait rien connu d'autre, elle ne pouvait pas comparer.

Cependant avec le temps elle su apprécier ce quartier à sa juste valeur et transmis son amour à Sidney. Les Deux l'appréciaient tellement, qu'ils décidèrent de créer un site internet dédié à celui-ci pour partager leurs découvertes.

Résultat, dès qu'ils partaient en voyage, le même manège s'opérait pour le choix des restaurants que celui des hôtels : ils voulaient gouter le meilleur de ce qu'il se faisait à l'endroit où ils étaient. Les recherches étaient longues, semées d'embuches car les Deux n'avaient pas envie des mêmes choses au même moment... S. avait souvent envie d'asiatique, alors que S. préférait l'italien. Ils finissaient toujours par se mettre d'accord, en rivalisant d'arguments. 

C'est ainsi qu'ils arrivaient à trouver des perles, même au fin fond d'une ville. A Mariposa par exemple, S. ouvrit la porte de son Motel de façon nonchalante. Elle savait à quoi s'attendre : moquette à l'ancienne, mur en crépis, poussière en couche épaisse. Elle n'avait aucun espoir de "bonne surprise" pour cet hôtel. Après avoir poussé la porte, elle découvrit l'intérieur sans même prendre la peine de râler.

Les deux se mirent d'accord sur le fait qu'il fallait "au moins" réussir à trouver un endroit sympathique pour dîner. Après des recherches grâce à une connexion wifi très capricieuse, ils réservèrent tant bien que mal une table à 20h30 au Savoury's. Ce restaurant semblait être ce qu'il y avait de meilleur dans les alentours.

Telle ne fut pas leur surprise lorsqu'ils découvrirent cet endroit charmant, fort bien décoré. La carte des vins était recherchée, le menu était ni trop long ni trop court : pour eux une carte trop longue était un gage de médiocrité. "Mieux vaut exceller dans quelque chose, que d'être moyen partout" disaient-ils.

Ici tout était parfait, les mets furent très savoureux, la viande était bien cuite, les serveurs se montrait à l'écoute. Bref, une soirée réussie à Mariposa.  

Ouverts, ils partageaient ce même besoin de rencontrer les habitants des villes qu'ils visitaient. Le meilleur moyen qu'ils avaient trouvé pour être au plus près de la population locale, était de marcher. En effet ils avaient tendance à vouloir se déplacer partout à pieds, ils marchaient l'équivalent de vingt kilomètres par jour lorsqu'ils étaient en voyage. C'est là et au restaurant qu'ils faisaient le plus de rencontres intéressantes. Souriants, les gens les abordaient facilement dans la rue, et eux se montraient curieux envers eux, ce qui créait tout naturellement une complicité.

C'est d'ailleurs en marchant qu'ils faisaient le plus de trouvailles. Toujours dans cette quête de découverte, après une longue journée de marche à San Francisco ils rencontrèrent un jeune chef asiatique au détour d'un bar de quartier. Celui-ci tout juste arrivé en Californie, touchait enfin du doigt son rêve d'enfant : être chef aux États Unis. Il venait d'ouvrir son petit restaurant, non loin de SOMA, le quartier de South of Market qui commençait tout juste à devenir à la mode. Ils discutèrent des heures avec lui, embrumés par les effluves de l'alcool. Ils se laissèrent aller à philosopher sur la vie et la possibilité d'un monde meilleur, sur le fait que la vie semble toujours plus facile ailleurs et sur leurs envies respectives de partir de leur pays.

Cette soirée fut la meilleure qu'ils eurent à San Francisco : soit ils étaient passés à côté de cette ville, soit celle-ci n'avait pas su les séduire.

Leurs proches amis les avaient pourtant prévenu: "vous ne reviendrez jamais tellement vous allez adorer San Francisco" disaient-ils avec entrain. C'est donc tout naturellement que les Deux étaient partis, pleins d'attentes et d'excitation pour découvrir Frisco. Ils avaient traversé le Pont Rouge en se disant que cette ville allait leur offrir tout ce qu'il y avait de meilleur. Hors les Deux furent déçus de leur expérience. Ayant beaucoup voyagé en Europe, San Francisco était pour eux une condensation de ce qu'ils avaient pu connaitre avec un climat somme toute peu différent de ce qu'ils avaient à Paris (18°C en plein été c'était loin d'être assez pour Mlle S.).

A leur grand étonnement, c'est finalement Los Angeles qui réussit le plus à les séduire. Il faut dire que S. avait rencontré lors de ses nombreux voyages linguistiques, un ami natif de cette ville, qu'elle avait conservé depuis huit années. Il leurs fit découvrir son immense ville, avec un plaisir certain. Il les emmena dans des endroits complétement atypiques qu'ils n'auraient jamais pu trouver seuls, même en faisant les plus longues recherches de la terre. C'est ainsi qu'ils se retrouvèrent à entrer dans un bar par une armoire à la façon Monde de Narnia : l'hôtesse d'accueil tirait un rideau qui laissait entrevoir une armoire. Celle-ci lorsqu'elle s'ouvrait laissait voir une immense scène sur laquelle des dizaines de couples se déchainaient au rythme d'une musique latino ultra entrainante. Autant dire que cette scène que S. & S. vécurent ensemble grâce à Garrett, pouvait largement constituer l'ouverture d'une scène de film américain.

Ils profitèrent donc le plus possible de cette ville qui semblait vouloir faire partie de leur avenir.

Parfois, ils étaient d'humeur dépensière. C'est ainsi qu'ils se retrouvaient dans des endroits fancy et huppés. Cela arriva souvent à Los Angeles qui semblait être pour eux la ville de tous les plaisir. Ils se trouvèrent propulsés au célèbre restaurant asiatique Katana. L'endroit était stupéfiant par sa grandiloquence, les propriétaires de lieux n'avaient pas lésiné sur le décor qui semblait être aussi important que ce qu'ils mettaient dans les assiettes.

Toujours à Los Angeles, le Skybar leur offrit un moment fort agréable : ils dégustèrent une sorte de dessert alliant diverses saveurs que seuls les américains peuvent vous faire déguster, allongés sur les transats autour de la piscine qui surplombait l'immense ville de Los Angeles. Autant dire que dans ces moments là, ils se sentaient pousser des ailes et avaient l'impression de vivre le rêve américain tel qu'il est décrit dans les livres. C'était d'ailleurs drôle de penser que si ce dessert était servi dans un restaurant de Paris, les Deux se seraient empressés de le critiquer. Mais ici, avec le cadre, la gentillesse des serveurs, et le léger effet de l'alcool, ce dessert était digne des plus grandes tables de Paris.

Le soleil, la ville, la nature, l'espace, les gens, tout leur plaisait à Los Angeles. Les deux nouèrent des contacts professionnels, chacun dans son domaine respectif. Les américains les reçurent avec plaisir et s'intéressèrent à eux, ce qui laissa entrevoir des possibilités de collaboration pour le futur. Ils se sentaient exister, bien plus que ce que la vie routinière qu'ils menaient à Paris leur apportait.

C'est cette vie là qu'ils voulaient; ils voyaient sans cesse au J.T ces histoires d'expatriés français qui avaient réussi en Californie. Même les boulangers voulaient y aller.

S. & S. se demandèrent pourquoi pas eux ? 

Ils s'étaient  alors jurés que la prochaine fois qu'ils reviendraient, ce serait pour s'installer définitivement dans cette ville qui réussit a éveiller leurs esprits et à les faire rêver pour les prochaines années de leur vie.

Cette expérience de quatre semaines fut sans appel la plus belle qu'ils avaient vécu jusqu'alors. Trépidante, elle fut aussi inattendue en terme de rencontres et de découvertes, que séduisante d'un point de vue gustatif. Depuis dès qu'ils sont au restaurant à Paris, assis à côté d'américains, ils se sourissent discrètement, un sourire que seuls les Deux peuvent comprendre qui témoigne de leur complicité. Après quelques minutes de silence ils arrivent toujours a entamer une discussion avec eux. Rien ne les ravie plus que ce sentiment de comprendre un pays qui a été si généreux avec eux.

Depuis S. & S. ont cette idée, bien rangée au fond de leur tête mais qui ne les quitte jamais, de venir poser leurs bagages définitivement aux États-Unis.

Conscients de la difficulté d'obtention des visas de travail, nous verrons si dans quelques années, vous entendrez parler au J.T de ce jeune couple talentueux, en soif de connaissance et de découvertes.

Ils rêvent de conquérir Los Angeles, et nourrissent l'espoir d'y arriver un jour.



  • j'ai beaucoup aimé cette nouvelle, seul bémol (mais c'est peut-être le style qui veut ça) il n'y a pas d' "accidents" tout roule parfaitement bien... c'est pourquoi le 4/5 :)

    · Il y a presque 10 ans ·
    Plume 259779377b

    Hélène Mayet

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