Une bourse bien pendue

La Louve Et Le Sphinx



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   Connaissez-vous beaucoup de comptables rigolos ? J'en ai croisé quelques-uns. Et encore, j'ai pu les comprendre dans la mesure où j'ai quelques compétences en analyse bilancielle et pour décortiquer un compte de résultats. Imaginez le summum, un comptable qui travaille aux pompes funèbres !

   Toutefois, il ne faut jamais se fier aux apparences, l'habit ne fait pas le moine. Pour vous en convaincre, je vous propose de vous apporter quelques éclaircissements confondants.

   Le bilan se décompose en deux parties, l'actif et le passif. Rien qu'à ces deux mots, mon imagination s'enflamme. J'imagine de sordides cravatés en d'improbables costumes pied-de-poule s'engouffrer dès la sortie du bureau dans des clubs interlopes. Ainsi, dès dix-huit heures trente, ils se font un plaisir de clôturer leur journée. Je suis certain que, forts de leur expérience en consolidation, ils ne s'en laissent pas compter.

   Il est également à noter que ces sainte nitouche du boulier sont bien moins innocentes et bien plus imaginatives qu'il n'y paraît. Pour les non-initiés, sachez que l'on parle de comptabilité créative. Elle consiste à modifier un peu les comptes dans un sens plus favorable à ses attentes. En d'autres termes, on pourrait en conclure qu'il s'agit d'une opération qui n'est pas dénuée d'arrière-pensées…

   Pourtant, nous n'avons pas encore atteint le fond de roulement, c'est vous dire. Comment expliquer l'actif circulant si ce n'est qu'à penser à des troupeaux d'esclaves soumis et crapahutés d'une cave à l'autre pour satisfaire la caste dirigeante de cette profession, j'ai nommé les commissaires aux comptes ?

   Quant à l'actif immobilisé, j'avoue que je suis plus dubitatif. N'eut-t-il pas été plus logique de parler de passif immobilisé, entravé par des chaînes pour faciliter un meilleur passage vers les fonds propres ? Comme quoi, les pratiques peuvent être sordides, le comptable n'en est pas moins précautionneux. Sans doute s'attache-t-il également à préserver ses liquidités.

   Allez également comprendre pourquoi en comptabilité analytique (compta anal pour les experts), on parle de charges courantes. Comme si l'acte contre nature était leur quotidien. Ca frise l'écœurement, non ? Et qu'advient-t-il des charges indirectes qu'il est possible d'affecter immédiatement ?

   Mais ce n'est pas tout ! Je vous assure que l'on frôle la théorie du complot. Je dois avouer que je crains pour ma vie au regard de ces révélations mais il y va du salut de l'humanité qui se fait manipuler. Sachez également que la finance est dans le coup, par l'intermédiaire de concours bancaires. On ne me retirera pas de l'esprit que Marc Dutrou était le centre de gravité d'un trafic où tous ces messieurs bien-pensants s'adonnaient le week-end à des chasses à l'homme en leur réserve de chasse. Cela a pris d'ailleurs de telles proportions qu'ils n'hésitent même plus à parler de flux d'exploitation.

   Quand ils sont fatigués de leurs bacchanales, ils se montrent prudents pour préserver l'avenir en constituant des provisions. Certaines sont même réglementées, laissant sous-entendre qu'ils ont également su entraîner dans leur vice des membres du parlement.

    À votre avis, où se trouve la plaque tournante de tout ce honteux commerce ? En Suisse, bien évidemment. À la lecture de ces découvertes, vous conviendrez avec moi qu'il était logique que pour masquer ces scandaleuses pratiques, la solution était toute trouvée que de créer de toutes pièces une confédération aux apparences trompeuses derrière la façade bien lisse d'Helvètes luthériens.

   La prochaine fois, je vous invite à vous éclairer sur une autre profession, elle aussi dénuée à priori de tout soupçon. Nous aborderons les notaires qui, comme vous le savez certainement, sont adeptes de la cravate.

PetiSaintLeu

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