Une brève histoire de que

petisaintleu

La cinquantaine bien avancée, il est grand temps que je vous l'avoue. J'ai toujours eu des problèmes avec les que.

Avant que je n'atteignisse cet âge canonique, j'étais plongé dans la candeur. Je me moquais que mes déclinaisons se conjuguassent de manière imparfaite. Dans mon esprit, tout n'était que supputation. Après avoir atteint la sagesse, je me mis à douter. Quelle était donc cette logique qui m'obligeait à prendre une tournure indicative ? J'avais abandonné les temps impérieux. J'avais passé le cap de penser que j'avais raison sur tout. J'étais plus serein et, à vrai dire, j'avais gagné une certaine forme de liberté en occultant les railleurs. J'étais devenu plus spirituel : qui étais-je pour me permettre de critiquer autrui ? Je regardais désormais dans le rétroviseur, à tel point que je m'exprimais souvent dans un futur antérieur où je refaisais le monde sur mes exploits passés.

Je suis désormais à la queue de la comète. Je suis moins lunaire sans me prétendre pour autant solaire. J'aurais trop peur de me brûler les ailes qui m'aident, tant bien que mal, à survoler l'existence. Mes souvenirs d'enfance s'éloignent telle Bételgeuse dans la profondeur d'un univers dont la compréhension devient aussi mystérieuse que le Big Bang. Ce sont pourtant ces premiers instants qui firent de moi ce que je suis. Par la plus mystérieuse des alchimies, mes doutes, mes peurs, mes espoirs ou mes joies furent transcendés en un être qui dut composer. Avant de me rabougrir telle une naine blanche et de disparaître dans les profondeurs intersidérales, je n'ai plus qu'un objectif : que le peu de lumière qu'il me reste serve à montrer que je n'ai pas été aussi sombre que ce que j'ai bien voulu le montrer.

A y réfléchir, qu'importe ma place dans ce macrocosme ? Demain, dans des millions d'années, je ne serai qu'un infime souvenir où des myriades de kyrielles ne sont rien. Alors oui : je m'en tape le que. En quoi une histoire de q changera la face du monde ?

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