Une histoire de cœur

J'avais un rendez-vous avec mon cardiologue que je partage cependant avec d'autres patients. Que voulez-vous, je ne suis pas jaloux de nature, je le suis devenu que par expériences malencontreuses. J'arrivais à l'heure à son cabinet et je me présentais à l'accueil.

-         Bonjour, mademoiselle…

-         Madame !

-         Pardon ! Hervé Lénervé, j'ai rendez-vous avec le docteur Petiot.

-         Le docteur Piot !

-         Pardon ! Il y a beaucoup de monde en attente.

-         Pas du tout ! Toutes les personnes, avant vous, ne sont pas venues, vous pouvez y aller ! 5^ème étage, l'ascenseur est en panne.

-         Ok ! Merci, mademoiselle.

-         Madame !

-         Pardon !

Je prends donc l'escalier, satisfait de ne pas avoir à attendre une heure minimum dans la salle des heures perdues.

Arrivé au palier du deuxième, je trouve un quidam assis sur une marche.

-         Vous venez pour le docteur Petiot ?

-         Non, moi, c'est avec le docteur Piot !

-         Oui ! C'est le même.

-         Ecoutez, je suis en retard, mais je me repose un peu. Allez-y, vous lui direz que j'arrive, bientôt.

-         Pas de soucis !

Je continue l'ascension en soufflant comme un phoque asthmatique. Au troisième étage, rebelote, un gus carrément allongé sur le palier, cette fois-ci.

-         Ça va, monsieur ?

-         Je reprends mon souffle, je suis crevé ! Dites au docteur que j'arrive. Putain, j'ai une putain de barre sur la poitrine !

-         Quel est votre nom que je le dise au docteur Petiot.

-         Piot ! Putain, je me sens mal !

-         Oui c'est pareil ! Votre nom ?

-         Harfleur…feu…eu..e. a !

-         Epelez ! Merde, ils sont chiants à bouffer toutes les voyelles. Ah ! Ces banlieues, pas foutues d'articuler correctement. Mais ce n'est pas vrai ! Il s'est endormi, maintenant, l'autre con ! Bon, j'm'en fous, j'continue, je n'ai pas que cela à faire.

Quatrième étage. RAS ! Comme il  n'y a personne, j'en profite pour me griller une clope.

Cinquième. Curieuse la décoration. Ils ont assis un squelette sur les marches, je trouve cela de très mauvais goût. Maintenant, je ne suis pas au fait des dernières tendances de déco. Je m'assois un peu, à côté du squelette pour me reposer et comme cela ne semble pas l'indisposer le tas d'os, nous discutons un peu, de tout et de rien, des banalités, somme toute. C'est bon, je n'ai plus qu'un étage à gravir, une rigolade ! Un parcours de santé !

J'arrive enfin ! Complètement essoufflé et en nage, nonobstant. Le clinicien semble heureux de me voir.

-         Monsieur Demeuré, entrez, s'il vous plait !

-         Lénervé, si cela ne vous fait rien.

J'ai horreur des gens qui écorchent les noms.

-         Oui ! Bien sûr ! Monsieur Lénervé, excusez-moi. Allez, installez- vous sur le vélo, on va faire votre test d'effort.

-         Non ! Impossible, je suis mort !

-         Non ! Croyez-moi, si vous étiez mort, monsieur Ledeumerédelaclasse, je le verrais sur mes écrans. Regardez, votre cœur bat, de guingois, certes, mais il bat un peu, quand même.

-         Bon, juste un petit tour de vélo, alors et vous ne me mettez pas des côtes, style col du Galibier.

Allez y pédalez, monsieur Letombédeléchellesurlatête ! Ah ! Attendez ! Arrêtez tout ! Trop tard ! Au temps pour moi ! Vous aviez raison, vous êtes effectivement bien mort, tout à fait mort. Merde ! Encore un patient qui me pette dans les doigts, avant de payer.