une histoire vraie
Christian Gagnon
J'enseignais l'anglais à un groupe d'enseignement individualisé. Ils étaient 10 ou 12, tous de niveaux différents, qui surfaient entre le deuxième et le quatrième secondaire. Mais ils avaient tous le même âge, soit entre 16 et 17 ans. J'appelais ça ma cour des miracles; je les ai aimés immédiatement et d'un coup sec. Ils étaient convaincus et m'avaient convaincu que l'anglais c'était du chinois et qu'ils n'avaient pas besoin de ça. Alors ils finissaient à peu près tous par s'empiler autour de mon bureau et à me raconter des trucs qui avaient bien du bon sens.
Ils travaillaient tous, soit le soir après l'école, soit le matin tôt avant l'école, soit les fins de semaine, soit même la nuit. Et ce n'était pas pour s'acheter un char, mais pour survivre ou aider leur famille à survivre. J'en avais même deux qui travaillaient la nuit dans une vraie chambre à gaz, un poulailler. Ces étudiants voulaient tous faire quelque chose de leurs 5 sens; une fille voulait être chef cuisinier, un gars voulait être soudeur, un autre électricien. Mais pas un quelconque électricien : il voulait grimper au plus haut des tours d'Hydro Québec. Il ne voulait pas que gagner sa vie, il voulait ne pas la perdre, faire ce qu'il aime. Il voulait escalader, il serait monteur de ligne.
Le hic, c'est que ça leur prenait un DES(diplôme d'études secondaires) ou DEP (diplôme d'études professionnelles) pour prendre ces chemins de traverse. Et l'anglais était une matière de base. Bof, simple technicité : je les entraînais avec des examens ministériels des années précédentes et ils arrivaient tous à passer, tous sauf Jean-Daniel (nom fictif). C'était le plus grand et le moins olé du groupe. Il voulait conduire des camions, de gros, de très gros camions avec beaucoup de roues. J'avais beau scruter sa copie recto verso, Jean-Daniel ne passait pas. Mais il n'était pas question que j'empêche un petit gars de jouer avec ses camions. Et puis, si j'entrais dans ma classe pour y gagner ma vie, Jean-Daniel et tous les autres, ils étaient là pour ne pas que je la perde. Et ils réussissaient très bien avec ce petit accent louche mais si touchant quand ils m'appelaient Mystère Gagnon. J'ai triché, j'ai mal compté, ce qui, chez moi, est tout naturel. Jean-Daniel a passé.
J'ai revu Jean-Daniel quelques années plus tard, le lendemain d'une tempête de neige. Je déneigeais l'entrée pour ma voiture avec le petit Vincent, à la dure, avec pelle et gratte. Et puis il y a cette chenille, ou plutôt ce dragon de métal hurlant qui s'arrête devant l'entrée avec Jean-Daniel au volant.
−Hey mystère Gagnon c'est à vous la maison.
−Hey Vincent, c'est Jean-Daniel, un de mes anciens étudiants…euhhhh en quelque sorte Jean-Daniel.
Et Jean-Daniel fait hurler le dragon; un coup de langue, tout est déneigé. Vincent, tétanisé, tâte avec les mains de ses yeux le camion tonka grandeur nature. C'est qu'il a un convoi de ces camions jaunes dans sa chambre qu'il s'amuse à faire rouler le long des murs. Même que la nuit, il en garde un dans son lit pour le conduire pendant qu'il rêve. Et Jean-Daniel se reconnaît dans Vincent.
−Grimpe Vincent, on va faire un tour.
Et Jean-Daniel a fait faire un tour de magie à Vincent et lui a conté un tas de beaux mensonges sur le meilleur prof d'anglais qu'il ait connu. Jean-Daniel a triché, il m'en devait une.
Un rêve s'est réalisé, une chance a été donnée...un bien joli conte !
· Il y a environ 6 ans ·Louve
Joli conte !
· Il y a environ 6 ans ·J'aime beaucoup la photo du camion avec le nounours et l'humain, si vous connaissez l'auteur, je serai très intéressée, merci d'avance.
Bonne journée.
Lady Etaine Eire
L'auteur est un ami d'enfance, Jean Chamberland Il a une page Facebook. Il fume sur sa photo profil, enfin je crois. En fait il fume tout le temps. Retracez-le sur Messenger en metionnant que c'est pas moi que vous prenez contact. merci pour le commentaire
· Il y a environ 6 ans ·Cehristian Gagnon
Christian Gagnon
Je n'ai pas Facebook.
· Il y a environ 6 ans ·Je vais voir si je trouves son travail sur Google.
Merci pour la réponse.
Lady Etaine Eire