Une journée comme d'habitude

Faire son pain dès le matin, se dire que la journée va être belle, se réjouir de la pensée du jour, c'est comme la douceur de la farine sur les mains, le souvenir d'une nuit de délice. Se laisser mener par la barque sur la rivière de mon coeur, ce mot est celui que j'emploie le plus souvent dans mes textes quel qu'en soit le type ou le thème. Faire de son foyer un lieu où la violence est hors jeu, hors concours, où l'ambiance paisible fait croire aux histoires surannées des veillées d'autrefois quand le poêle brûlait au milieu de la grande pièce à vivre dans les maisons à la campagne. Aller chercher le courrier dehors, l'hiver est doux comme la peau d'une amande, sucré comme le parfum des magnolias précoces.Les nouvelles sont bonnes, c'est une carte de Mamie Zilda qui pense bien à nous dans son petit coin de Provence. Mamie Zilda est un peu excentrique, elle a les cheveux roux et les yeux noisette, elle a un air à la grande Colette avec ses grands yeux qui vous scrute jusqu'à vous rendre mal à l'aise mais elle n'est pas méchante, elle a pris de sa mère qui repose en paix au cimetière du Grau du Roi. Mamie Zilda n'a pas d'ordinateur ni de portable, elle refuse la nouvelle technologie, elle dit que c'est un piège à cons, elle n'a pas tout à fait tort, c'est pour ça qu'on s'entend bien elle et moi, pardon pour les adeptes des smartphones ou autres i phones, ordi et compagnie.

10h15: le pain cuit dans le four, la cuisine sent bon, comme d'habitude je n'arrive pas à terminer mon ménage, il y aura toujours de la poussière sur la table basse du salon et la télévision! Manon, ma fille, 19 ans est comme moi, elle est artiste et privilégie le contact avec les gens,  sa chambre est un vrai capharnaüm, un jour des visiteurs indésirables ont visité la maison ils n'ont pas réussi à mettre la main sur ses bijoux de baptême tant c'était le bazar, le gros de mes bijoux non plus d'ailleurs, ils dorment paisiblement dans un endroit insoupçonné. Ce jour-là on nous a dérobé deux ordinateurs, sans les clés USB heureusement, l'amphore de mon arrière-grand-père je l'ai retrouvée cassée en deux, elle avait deux siècles! Je passe sur ce malheureux épisode où j'ai "perdu" aussi la bague que Manon adorait, j'envisageais de lui offrir pour ses 20 ans, et d'autres petits biens qui font mal au coeur quand on y pense...

10h45: je termine la cuisson du pain à 190° pour que la mie continue de cuire sans que la croûte ne brûle. Il est temps d'éplucher les légumes, aujourd'hui je veux faire un pot-au-feu, on le dégustera ce soir, Eric sort à 11 heures, je le verrai arriver sur son vélo bleu, "tout pourri" comme il dit, pour pas attirer les voleurs. Il se préparera son repas comme d'habitude, il veut devenir chef d'un grand restaurant à l'entrée de la commune. Il a de l'ambition comme son père et sa soeur aînée, Marielle, qui elle vise l'école de management pour travailler en Angleterre. Reste le petit dernier René,  qui mange à la cantine, mais juste pour ce trimestre parce que je prends mon travail à 14 heures, après j'irai pointer à Pôle Emploi pour Dieu sait combien de temps. Je suis animatrice culturelle au musée, je reçois des classes et des adultes et leur fait faire le tour des trésors de la petite ville où je vis. René a cinq ans, il découvre les joies de la peinture avec les doigts, il aime la lecture et les jeux d'éveil. Voilà je vous ai présenté ma famille, mine de rien, mine de crayon, le temps passe, j'éteins le four, en sort le pain. Les légumes m'attendent patiemment, je commence par une pomme de terre, puis une autre, ce sera bon, on se régalera ce soir. Demain c'est vendredi, le meilleur jour de la semaine, le jour où l'on respire, le friday wear, on s'habille cool, au printemps je mettrai mes sabots jaunes pour aller travailler. 

13h30: je m'apprête pour aller au travail, un vrai plaisir à vrai dire. Je suis à pied, le musée n'est pas bien loin, déjà j'entends les élèves qui passent près de la maison. Le travail a déjà commencé, je souris et les accompagne gracieusement en discutant avec l'institutrice. Comme ma fille Manon, je privilégie le contact, je l'ai dit, quand on conquiert son public, les choses se font plus facilement après.

14h: que le spectacle commence!