Une journée ordinaire en 2030

Daniel Macaud

Une journée ordinaire en 2030.

Le petit réveil matin me fait sursauter. je l’attrape et l’envoi contre le mur de colère. Pas grave, il est prévu pour ça. Je l’ai acheté exprès sur internet, un modèle de réveil en forme de ballon qui est étudié pour s’éteindre contre les murs. Ça m’amuse. En bougonnant, j’attrape mes lunettes, la télécommande de la chaîne Hi-Fi et mets de la radio, avant finalement de me lever, pour aller prendre une douche. La chaleur va encore être forte aujourd’hui.

La radio diffuse un bulletin d’information nationale. Les élections présidentielles sont prévues pour la semaine prochaine, et les polémiques, les petites phrases des cravatés n’en finissent pas. Je soupire. Mieux vaut ça qu’une guerre !

Je sors de la douche et m’habille rapidement. Je trouve pas ma chemise des grands jours. Elle n’est pas dans le lave-linge, c’est bizarre, j’étais certain de l’avoir mise à laver. En fouillant mon appartement, je la découvre finalement au fond du sèche linge, elle n’est pas repassée, tant pis. Je prends un jeans au hasard, une paire de Converses. Ça fait classe et décontracté, parfait pour ce matin ! En passant devant mon Nabaztag, le truc le plus inutile du monde, j’apprends que j’ai des courriels. J’allume mon ordinateur. Celui-ci est relié à ma box HADSL, de l’ultra haut débit, par fibre optique, et envoi l’image sur mon écran de télévision. Un superbe écran plat OLED full HD 3D autostéréoscopique de 112 cm avec TNT intégrée, que je suis offert à crédit le mois dernier. J’en suis très fier ! Je lis rapidement mes emails, j’ai une quinzaine de pourriels, qui me vendent à rabais le dernier Pentium, le dernier Apple. En arrière plan, les informations boursières d’une chaine info me donnent presque le tournis. Et toujours des pubs pour les dernières technologies. Moi je m’en fiche, j’ai construit ma machine moi-même, pièce après pièce, et c’est la meilleure du monde, avec la dernière distribution open source en accès libre sur le net. j’ai pas besoin de plus. J’ai encore un peu de temps avant de partir au bureau, j’en profite pour comater un peu aux toilettes, ma tablet PC sur les genoux. Je lis la presse, regarde deux ou trois vidéos sur Youtube. Je sors enfin, pour me prendre un café. Il en reste dans la cafetière, je vais le faire réchauffer dans le micro-onde. j’attrape une tasse et enfourne le tout, je démarre le micro-onde. Je profite de cette petite minute pour détailler ma garçonnière: Il faudrait vraiment que je range un peu, surtout si je veux faire la faire venir ce soir chez moi. Un coup d’oeil sur le réveil au sol : je suis en retard au travail.

J’attrape un fruit dans le frigo et un verre d’eau, je mangerais mieux ce midi, tant pis, et je fonce au travail. Heureusement, j’ai une bonne voiture. Elle a beau être diesel, je n’ai pas encore les moyens de m’offrir une électrique, elle est tendance, et ne consomme pas trop.

En roulant, j’appelle mon bureau depuis mon PDA, je serais en retard pour la présentation de la refonte du SI, je suis désolé. Les bouchons sont toujours présent tôt le matin, heureusement, mon GPS m’indique la bonne route, utilisant la réalité augmentée pour me donner les informations en plein écran, sur le parebrise. c’est simple et sécure. La radio chante un air qui me plaît, mon ordinateur de bord l’identifie, sur un ordre vocal de ma part, et me télécharge le morceau sur mon PDA. Alors je souris, et je branche mon PDA en Bluetooth sur mon autoradio. La musique envahit l’habitacle, pour mon plus grand plaisir. Je sifflote et respire le grand air. Il ne fait pas encore trop chaud. La route est avalée, je me gare et prend l’ascenseur qui mène à mon bureau. je ne suis en retard que de 5 minutes, une chance. Je lance mon ordinateur portable, et fonce en salle de réunion. Heureusement, j’avais tout préparé hier soir. Ma présentation commence, j’ai même des investisseurs en ligne via la vidéo-conférence. J’en profite, et nous mets en valeurs, moi, ma boite, et notre système informatique dernier cri. Ma petite manette qui pilote la réalité augmentée fait son effet, nos futurs clients sont ébahis. Mon patron me regarde d’un bon oeil, ça sent bon tout ça !

En sortant de la réunion, j’ai faim, je vais donc m’acheter un sandwich avec des collègues, à la terrasse de la cafétéria du boulot. Il fait bon. Un petit vent frais balaye la place de la cafétéria, nous sommes installé sous un parasol, des crèmes glacées à la main. On discute élections, changements climatiques, et résolution de l’ONU, contre une décharge nucléaire dans un pays défavorisé, la France je crois... Je pense à autre chose, enfin, à quelqu’un surtout. Je lui envoi un texto, elle me répond aussitôt. Ce soir, ce sera restaurant japonais, et petite bière au bar, en espérant bien sûr le dernier verre dans mon superbe lit IKEA !

J’ai trente ans, je suis jeune, beau et célibataire, j’ai une vie de rêve, je m’appelle...

-Diaouré ! Qu’est-ce que tu fais avec ton cahier ?

La voix est sèche, presque violente. Le petit garçon sursaute.
-Je ne pourrais pas t’en racheter un avant un mois ! Avant d’aller à l’école, va me chercher de l’eau !

Le petit garçon ne répond pas. Il tourne une nouvelle page, et écrit, avant d’obéir à sa mère. Puis, il se lève, enfile ses sandales déchirées, prend un vieux bidon qui sent l’eau croupie, et s’engage sur un petit sentier poussiéreux, sous un soleil de plomb. Ses petits bras maigres auront encore du mal à ramener les dix litres d’eau nécessaires à la survie de sa famille pour la journée. Sur la page de son cahier de brouillon, on peut lire:

7 décembre 2010, Yaoundé.
J’ai dix ans aujourd’hui, et rien n’a changé, toujours rien...

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