Vacances en famille -19-

Me replonger dans la vie quotidienne, mes devoirs et mes soucis, il y a un avant et un après la visite de Germain chez nous. La vie m'assaille de questions et de mauvaises résolutions, tout arrêter pour aller vivre à Troyes, changer de vie, de décor, devenir Mme Germain Poiret dans deux ou trois ans, faire des enfants. Ce n'est pas sérieux mais c'est mon rêve le plus secret. En attendant je vis comme un bateau en fuite, il n'y a qu'en français que je m'éclate, les maths m'ennuient et j'apprends mes leçons comme un robot. Il me faudrait une solide remontrance de mon père pour me remettre sur les rails, éviter de faire les choses en dépit du bon sens. Justement parlons-en du bon sens! Que deviennent mes projets d'études, mon envie d'exceptionnel? Germain m'a envoûté avec ses sourires et sa douceur, la nausée que j'éprouvais durant mes vacances d'été en pensant à lui est revenue. Quelque chose de trop sucré a envahi mon esprit, mon corps, il est temps que je me raccroche à quelque chose de solide, à la sévérité de mon père, impression que tout m'échappe. Comme je le craignais je paie la venue de Germain au prix fort, vite en parler  à quelqu'un, à Marie-Laure... Je la vois qui arrive toute pimpante avec son sac de cours kaki, la pauvre je vais la saouler avec mes problèmes...

Elle réagit très mal à ce que je lui dis, m'engueule, me remet à ma place d'adolescente, qu'est-ce que la place d'une ado? L'ado a le cul entre deux chaises, en situation instable, il se cherche,  d'autant plus lorsque c'est une fille.

"Tu ne peux pas tout gâcher pour un garçon, tout merveilleux qu'il soit! me lance Marie-Laure. Qu'est-ce que tu feras si ça ne dure pas avec lui? Tu iras cueillir des fraises, et ta vie sera galère et compagnie. Sois libre bon sang! Ne dépends de personne pour vivre. Choisis-toi un boulot et vis ta vis.

Marie-Laure a raison d'être remontée contre moi. C'est ce que j'attendais en fait. Envie de pleurer un bon coup et de repartir comme en quarante, quand ça allait bien dans ma vie avant Germain. Je recommence à le haïr celui-là, envie de le quitter, de tout casser. Je n'ai que quinze ans après tout! Des garçons je vais en rencontrer d'autres dans ma vie. Le plus tard possible, j'espère.

- Trouve toi un garçon plus près! exhorte Marie-Laure plus décidée que jamais à me sortir de ce mauvais pas.

- Mais je l'aime je commence à pleurnicher, tu ne sais pas ce que c'est toi d'aimer quelqu'un qui habite à l'autre bout de la France. Je hais Valence, je hais cette ville où je fais n'importe quoi, je hais ma vie. Je file un mauvais coton, je voudrais tout arrêter, recommencer tout à zéro!

- Ouhlàlà! Tu as besoin d'aide toi! Tu ne peux pas rester comme ça. Tu devrais aller chez le médecin.

- Oui, c'est ça je suis malade de ce type là, tu as raison! Mais je ne veux pas aller voir mon médecin de famille. Et puis je veux voir un médecin femme, c'est mieux.

- Ecoute, tu devrais aller voir une homéopathe. Elle te donnera des gélules à base de plantes pour te calmer.

- C'est efficace ça? je demande en reprenant un peu espoir.

- Il faut y croire. Et puis tu dois penser à tes études, c'est hyper important à ton âge. Tu es brillante, ne gâche pas tes possibilités. Mais une chose à la fois.

- Comment trouver une homéopathe? je m'inquiète.

- On va chercher ensemble dans le bottin m'encourage mon amie, ma soeur, ma confidente.

- Ok, on va faire ça. Mais vite alors!

Ensemble on décide d'aller à la poste, on cherche au petit bonheur la chance un nom qui nous plaise, quelqu'un qui soit pas trop loin, trop compliqué à trouver. On repère une certaine "Amélie Champin", avenue Jean Jaurès pas très loin de mon lycée. Téléphone, rendez-vous pour le mercredi 29 novembre, un peu loin mais c'est comme ça. Marie-Laure viendrait-elle avec moi? Qu'est-ce qui est le mieux? Je suis complètement perdue. Je lui demande comme une petite fille de six ans. Elle me répond on verra comment je me sens. L'amour est une drôle de maladie quand on y pense...