Vacances en famille -22-

aile68

"Chère Margaux,

Comment vas-tu? Ton silence au début m'a inquiété, et même étonné, puis je me suis fait une raison. Tu ne veux plus me parler, très bien, je respecte ton désir, mais je pense que j'ai le droit de savoir pourquoi. Dis-moi si j'ai fait quelque chose qui t'a déplu. Le week-end chez toi s'était si bien passé...

En attendant de tes nouvelles, je te souhaite de passer un bon Noël et de bonnes vacances. Moi je reste à Troyes et toi, tu vas partir? Salue bien tes parents pour moi.

                                                                  Germain"

Je dois répondre à cette lettre au plus vite mais je ne peux pas. Je n'en ai pas le courage. Marie-Laure s'est proposée d'écrire un mot avec moi, elle est chou mais c'est quelque chose que je dois faire seule. Autant le faire avant mon départ pour Gap, ce serait plus correct, je pense. Je ne lui raconterai pas tout. Je lui dirai que cette relation me perturbe dans ma vie et mes études, que cinq cents kilomètres nous séparent, que j'aurais préféré qu'il vive plus près de Valence. Voilà.

C'est dimanche les flocons tombent drus, Maman a fait un gâteau aux épices et au chocolat, Marielle joue du piano, Bruno et Papa jouent au rami. Impression de n'exister que par cette scène paisible, cette neige épaisse qui cache le spectacle de la rue. Envie de me faire porter pâle demain, de buller toute la journée. Encore une semaine de cours, puis les vacances. Nous irons à Gap en train, Papa ne veut pas rouler pendant cette période de Noël. Nous avons rempli toute une valise de cadeaux et de chocolats avec beaucoup de joie et d'excitation enfantine, j'ai tremblé quand Maman a voulu envoyer des truffes à la famille de Germain. C'est là que je lui ai dit que nous deux c'était fini, d'ailleurs tout le monde est au courant à la maison. Ma mère avait l'air de faire la tête, elle l'aimait bien Germain, l'enfant du pays. Elle m'a demandé des explications, je lui ai répondu qu'on s'était fâché ne désirant pas qu'elle soit au courant de tout ce que j'avais vécu. Point de vue moral ça va mieux, j'ai accroché une banderole sur un mur de ma chambre avec la citation de Gandhi: 

"Tout changement que tu espères voir en ce monde commence par toi-même."

J'en fais ma devise, mon hymne, un refrain que je me répète le soir quand je me couche. J'écoute aussi de la bossa nova pour chasser toute mélancolie, un remède de tante Gisèle qu'elle utilise en particulier le lundi matin avant d'aller au boulot. Je cache mes tubes de granules bleus dans ma trousse, mon sac de cours, ils m'accompagnent comme des grigris, des porte-bonheurs, me mettent du baume au coeur quand je mets les petites boules blanches sous la langue. Je n'ai presque plus la nausée quand je pense à Germain, je le vois à travers un nuage brumeux qui se dissipe, s'effiloche les jours où le soleil veut bien se montrer. Le baiser qu'il m'a donné cet été n'est plus qu'un souvenir de vacances que je relègue tendrement dans ma mémoire. Le premier baiser ne s'oublie jamais surtout quand c'est le seul qu'on ait échangé...

(à suivre)


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