Vacances en famille -43-

Depuis ma boum j'écoute du Bananarama en rentrant des cours. Le temps est aux giboulées de mars. J'ai fait des recherches pour mon futur métier de fleuriste et j'ai vu la conseillère d'orientation. J'ai trois possibilités pour l'instant dans ce que je recherche: Bourg-Lès-Valence, une formation et une école à Grenoble. Ma mère trouve que c'est peu, moi je trouve que c'est déjà pas mal, par mesure de précaution on a fait aussi une demande en horticulture à Bourg, quitte à bifurquer dans la filière fleuriste l'année prochaine. Moi je préférerais avoir une année sabbatique, partir en Angleterre ou en Italie, connaître d'autres cultures, ou encore garder des enfants, bref voir autre chose. L'année prochaine j'aurais 17 ans, je ne serai plus obligée d'aller  à l'école. Je peux même arrêter en avril si je veux. Mais je ne peux pas faire ça à mes parents. Alors je bosse comme m'a dit ma mère. ça fait une semaine que mon père me fait la tête, je sais de qui tient Marielle du coup! Il n'a pas encore avalé mon changement d'études, je n'ose lui parler même pour lui demander le sel. Etrangement j'ai trouvé en Marielle une alliée. Elle dit que l'école ça ne sert à rien, qu'il vaut mieux se plonger dans ce qu'on fait en autodidacte. Où a-t-elle appris ce mot d'ailleurs? Ma soeur de douze ans, prodige du piano, grandit, grandit. On sent la pianiste qui pousse qui pousse pour sortir du carcan d'une éducation un peu bête, fondée sur une tradition imbécile. Le bac, le bac! J'espère qu'elle va le remporter son concours d'entrée à Lyon! Elle devra passer son bac mais au moins ce sera dans son domaine. Elle a décidé de mieux travailler, elle a compris qu'un bon dossier ça fait toujours bonne impression comme dit ma mère. Mon père croit que je veux faire ma révolution, ce n'est pas du tout ça, je prépare mon avenir j'aimerais lui dire mais je ne veux pas avoir l'air de lui donner des leçons. Il connaît la vie mieux que moi.

Seize ans! Le mois prochain j'aurai seize ans. Un an de plus, ça compte à mon âge, chaque semaine, chaque jour, chaque minute de ma vie. Chaque jour je suis sur le fil du rasoir. Je n'ai pas osé dire ce que je voulais pour mon anniversaire. Germain, je veux Germain. Presque deux mois que je ne le vois pas, nos appels téléphoniques me portent, j'ai changé de cabine téléphonique par égard pour les gens. Je vais à la poste maintenant. Là-bas les cabines sont plus isolées du monde extérieur. Impression d'être dans une bulle de laquelle j'ai du mal à m'extraire ensuite. Avec l'ambiance qu'il y a à la maison, je ne pense pas que Germain pourra venir. Tant pis, la cabine téléphonique me sert d'exutoire. Je voudrais avoir le pep's des Banana rama, leur dynamisme, leur glamour. Je n'ai devant moi qu'une pauvre fille aux yeux cernés et au teint blême. Faire une cure de vitamines, me maquiller un peu pour donner des couleurs à ma vie, je voudrais.