Vers les montagnes

Wilou Riamh

Eté 1757, entre la Virginie et le Kentucky

L'herbe était verte à cet endroit. De vastes plaines s'étendaient devant lui. Derrière, il pouvait entendre les canons. Ils étaient loin. Il était hors de portée. Ce n'était pas lui qu'ils visaient, mais le fort anglais. Il avait seulement profité du désordre pour plier bagages.


Il courait à vive allure. Ses dix-huit ans lui donnaient encore toute la vigueur nécessaire, après ces semaines, ces mois passés à tirer au fusil, à marcher, à avancer, et à tuer des Anglais. Il était épuisé mais résolu à partir le plus loin possible. Ses yeux gris-vert reflétaient toute sa détermination. Des cernes soulignaient sa fatigue.


Il avait à son côté une sacoche de cuir dont il ne se séparait jamais, et sur son dos, un fusil retenu par une sangle. Tout ce qu'il possédait se résumait à une maigre liste. Une miche de pain un peu rassi, une gourde d'eau à moitié pleine, un couteau, un cahier de notes et un crayon. Il portait encore son pantalon d'uniforme de l'armée française, des bottes de cuir usées. Il avait abandonné sa veste, et n'avait plus que sa chemise. Il ne voulait pas être le manteau bleu et être pris pour cible par ceux qui portaient le manteau rouge.


Il arriva bientôt à un cours d'eau, et il en profita pour boire de longues gorgées et remplir sa gourde. A genoux sur la rive, il regardait au loin devant lui, derrière lui. Personne ne semblait l'avoir suivi ni remarqué. Pour le moment. Il savait qu'il y avait encore quelques Anglais quelque part au nord. Mais il allait à l'ouest, toujours tout droit. Il n'avait pas de but précis sinon de voir les montagnes, les majestueuses Appalaches. Il n'avait plus que ça en tête. Le passé ne valait plus rien, le présent lui paraissait bien misérable. Il avait signé pour éviter de se retrouver sans rien, pas pour tuer des gens, fussent-ils Anglais.


Il remarqua quelques plantes qu'il n'avait pas encore vues. Il sortit son carnet de notes et son crayon, en tailla la mine avec son couteau. Puis il dessina la plante. Sa tige délicate parsemée de courts poils blancs, ses feuilles en amande... Quelques minutes plus tard, c'était immortalisé et à l'abri dans sa sacoche.
Il se releva, il devait s'éloigner de cette zone le plus vite possible. Si seulement il avait un cheval... Il prit un morceau de pain qu'il mâchonna lentement pendant quelques minutes, en marchant le long de la rive. Il lui semblait qu'elle allait vers l'ouest.


Déserteur, tu l'es.

(C'est le début d'un projet de nouvelle, à propos d'un déserteur français et d'un soldat anglais passé pour mort durant la guerre de 7 ans.)

Signaler ce texte