Vertigo

Stéphan Mary

Elles descendent la rue des Lombards avec le plaisir évident de quatre femmes bien ensemble. Elles ont convaincue Kris, sans trop de difficultés, de venir prendre un dernier verre. L'ascenseur n'est prévu que pour trois personnes aussi s’enquièrent elles de savoir qui monterait avec qui. Un certain et perceptible trouble s'empare du groupe. Les sourires sont tendus du côté de Kris et Lara, plus décrispés en ce qui concerne Fred et Dom. Dominique est en contact quasi télépathique avec Lara et sait pertinemment à quoi elle pense

- J'ai très envie de monter avec Kris, de me serrer contre elle, de lui murmurer "je t'aime" dans un souffle, de l'entendre me susurrer en retour "je t'aime aussi". Je veux sentir son corps s'enrouler sur ma hanche, se tendre et se détendre en haletant, la vivre me comprimant le plexus avec son muscle cardiaque. Je soutiens à nouveau son regard. Je vois ses pupilles se dilater. Je trempe. Ne pas l'effrayer. Prendre le temps m'a dit Dom. : "Ok, on y va toutes les 4 et on verra bien qui est en surpoids ".

Mais Lara parle toujours avant de penser ! La particularité d'un ascenseur est d'être un espace réduit à trois faces, la quatrième étant occupée par les portes coulissantes. Elles se sont donc disposées de façon à ce que les jointures de leurs articulations respectives n'entrechoquent quelque organe délicat. Etant la plus grande, Dominique se trouve reléguée au fond de la boîte, au côté de Kris qui tente tant bien que mal de s'adapter dans un l'angle. Lara se glisse près d'elle tout en prenant appui sur l’épaule amie de Dom alors que Fred se faufile en blaguant entre elles. Dom sent le bras de Fred l'enlacer et sa main venir se poser doucement et sûrement sur ses reins. Elle sait que plus tard Lara racontera cette péripétie à sa façon

- Ton dos se décolle de la paroi au passage de cette main. Je sens ton buste sur moi. Je n’en peux plus. Toi tu fermes les yeux et Fred est lâchée contre toi. L'atmosphère est électrique, chargée de ions déchaînés, de lancés de phéromones enivrées. Je crois sincèrement qu'on va s'embrasser toutes les 4. Heureusement, il n'y a que 5 étages.

Le temps se déchire parfois en une infinité de particules transparentes et chatoyantes. Nous ne les voyons pas mais les décelons. Elles nous entraînent à la lisière du désir, infinitude de bulles de B.D., à la limite de la décence, aux frontières de la morale. Nos sens sont perceptiblement accordés les uns aux autres, encordés à l'assaut de l'expectative, enlacés dans la note finale du trompettiste. Un jazz aux confins de l'écho urbain qui nous porte vers la résonance de nos sens_sexes.

Dominique

Qui a bloqué l’ascenseur ? Je crois que nous ne le saurons jamais. La lumière s’éteint. Il ne reste plus que nos exhalaisons un peu égarées dans un désir commun quasi animal. Je sens Fred s’approcher de moi et pour la seconde fois, nos lèvres se retrouvent dans l’étreinte buccale des effluves du dernier verre bu dans le club de jazz. Kris et Lara nous avaient rejointes en fin de soirée et nous avions passés un moment on ne peut plus agréable. Je sais Lara, avec qui je partage un appartement, très éprise de Kristzen, jolie norvégienne plasticienne installée à Paris depuis peu. Les souffles sont courts, tant par l’oxygène qui se raréfie que par la frénésie qui s’empare de nous. Les mains de Fred ne s’affolent pas pour autant. Elle durcit sa pression dans mon dos en cherchant à descendre le long de la paroi. Je me détache lentement. Elle passe sa main sur mes fesses dans une caresse experte qui me propulse le bas ventre en avant. Le contact avec son pubis me déclenche un sursaut de jouissance. Elle le sait alors très lentement elle bouge en mini cercles quasiment parfaits. Son autorité naturelle joue en sa faveur. Sa main vient bloquer la mienne le long du corps. Je caresse ses doigts veloutés mais je sens une bague. Fred ne porte pas de bague. Kris ! Kris et ses magnifiques yeux verts dans lesquels Lara s’est perdue. Mais Kris est hétéro, maman de deux enfants et jusqu’à cet instant, n’a manifesté comme intérêt pour la gente féminine que celui que lui porte Lara. Lara, avec ses trente ans, est la benjamine de ce quatuor improvisé. Sa fougue, sa ténacité, son charisme sauvage et son caractère volcanique nous font vivre de grands instants de fraîcheur. Notre amitié est telle que je suis incapable de dire ce que je ressens réellement. Elle n’est pas ma petite sœur, elle n’est pas mon enfant, elle est plus que. Elle est Lara et tout le monde aime Lara. Kris y viendra.

Alors que Fred accélère adroitement sa danse à mille temps, la main de Kris toujours étroitement enlacée à la mienne vient se mettre entre le sexe de Fred et le mien. Je ne cherche pas à me dégager. Je sais que Lara vient de poser sa main dans mes cheveux parce que je connais cette caresse bien à elle. Puis elle descend sur mon visage et vient immiscer son doigt dans notre baiser. Je sens la langue de Fred jouer avec cet organe singulier. Je murmure Non Lara, on avait dit… » Fred me coupe en reprenant notre jeu buccal là où Lara nous a interrompu. Les mains s’étreignent, les caresses sont feux d’artifice de râles, bruit de succion, excitation à  son paroxysme alors que je sens plusieurs doigts se croiser sur mon clitoris tout en se frayant un passage dans ma cathédrale. Je suis l’objet de toutes les attentions. Je reconnais la bouche de Kris puis je ne reconnais plus rien. Je ne sais plus qui est qui. Je ne sais plus qui je suis. Je ne suis plus que plaisir intense et bouleversant jusqu’au cri ultime de l’orgasme. Je pars.     

Puis une voix dit : 5ème étage. Tout le monde descend.

 

 

 

 

 

Lara - Kriss

Lara : Je sentais battre son cœur à toute volée. Le mien n’était pas loin d’exploser aussi mais rien ne surpassait ce que je ressentais physiquement : j’avais envie d’elle comme jamais cela ne s’était manifesté.

Kris : Ivres de désir nous avons basculé sur le piano puis elle a commencé à me déshabiller. Je mouillais abondamment. Je suis arrivée à la limite supportable du désir dès qu’elle a caressé mes seins pendant que ses mains déboutonnaient mon pantalon.

- Je lui remonte son léger haut pour découvrir un corps splendide. Dans la pleine force de l’âge, musclée. Elle est dotée d’une magnifique poitrine qui se tient dans un impeccable garde à vous. Sa peau est douce comme la pêche, sent bon la rose et respire une grande indépendance. Mes mains la découvre, n’osent pas pénétrer l’intimité de son entrecuisse. Je suis très émue. Je ne sais pas ce qu‘est un corps de femme en dehors du mien et de celui de ma fille et je m’en fous. Je découvre. Elle me plaît.

- Nos bouches ne se quittent pas. Ca y est j’ai le vertige. Tout tourne. Je sens la sueur me couler sous les bras, mes jambes flageolent. Je vais m’évanouir.

- Je la sens fléchir alors au paroxysme de mon désir, je la pousse sur son grand lit. Elle semble reprendre connaissance. Puis j’ai un trou noir avant de revenir à moi dans sa douceur. Elle m’a complètement pénétrée, activant des sensations jusqu’au fond de mon utérus, tout au fond de mon ventre.

- Dans ces moments là je sais, je sens, mon regard changer et devenir différent, comme possédé car possédée je suis. Je la tiens dans son désir-plaisir mais c’est bien le seul contrôle que je m’autorise. Puis je bouge en elle. Doucement, près de l’utérus, lentement puis plus fort. Je ne sors pas de ses contractions. Elle m’entoure. Je sens chaque vaisseau, chaque pulsation de vie. Au plus fort de sa jouissance s’exprime l’univers étoilé de l’orgasme. Elle se libère d’un liquide chaud et transparent, abondant. Elle coule sur moi, femme fontaine inépuisable puis elle pleure. Elle bredouille « excuse moi, je suis désolée, j’ai l’impression d’avoir 15 ans ». Elle a l’air aussi gênée qu’une enfant qui aurait mal fait quand ce n’est plus l’âge. Moi je m’en fous, je suis en elle et j’y suis bien.

- Je me sens littéralement me vider à l’instant de l’orgasme. C’est si fort, si bon. Un liquide chaud et abondant me noie les cuisses. Je comprends que cela vient de moi quand je redescends de l’Eden de la jouissance, cette extraordinaire universalité du plaisir. L’émotion est si forte que je me mets à pleurer. Je regarde cette môme adorable me faire l’amour et oui j’ai envie que jamais elle ne s’en aille de moi, que jamais cela ne s’arrête. Je veux couler et couler encore jusqu’à la fin de mes jours. C’est si nouveau, si extraordinairement bon. Le liquide est descendu jusqu’à la raie des fesses, m’a fait jouir à nouveau. J’ai ouvert les yeux et je l’ai regardée m’observer. Elle a un regard un peu fou, animal, dominateur, exclusif. Un regard de louve.

J’ai besoin d’accéder à la salle de bain, attenante à la chambre de Dom. C’est le seul inconvénient de cette colocation. Je frappe. Rien. J’ouvre doucement la porte. Elles sont allongées côte à côte, magnifiquement nues dans leur désir. Je m’excuse et traverse sur la pointe des pieds. Malgré le bruit de l’eau dans le lavabo, j’entends gémir. Je leur demande deux minutes. Peine perdue. Seuls leurs râles de plaisir me parviennent à travers la mince cloison. Je n’ai pas le choix, Kriss m’attend dans la chambre voisine, sans doute intriguée par le temps qui passe sans que je revienne.

Sur la pointe des pieds je m’aventure dans la chambre mais ne peut m’empêcher de m’arrêter.  Je les regarde s’aimer dans la douceur pénétrante du soir. Je suis là dans mon coin à les observer se caresser, se lécher, se prendre et s’abandonner. Je vois Dom projeter violemment sa tête en arrière alors que son corps se tend comme un arc. Elle semble possédée. Fred est à genoux sur le lit, penchée sur le ventre de sa compagne, une main passée dans la cambrure des reins. Je ne vois pas son autre main ni même le mont de Vénus de Dom. Je ne vois que son plaisir qui jaillit ivre de couleurs et de sons. Elle bascule. Dans mon champ de vision très myope, je distingue Kris dans l’embrasure de la porte. Depuis combien de temps est-elle là ? Elle s’approche, m’enlace et m’entraîne sur le lit.

- J’ai fait comme Lara, j’ai regardé. Me laisser aller à mes pulsions et caresser Dominique dans l’ascenseur m’a violemment excitée. Faire l’amour avec Lara m’a transcendée et je ne suis plus la même. Tous mes points de repère ont basculé en l’espace de quelques minutes. Maintenant j’ai envie d’elles trois, sans distinction. Je veux être câlinée par ces femmes. Je veux sentir leurs mains sur tout mon corps. Je veux que leurs langues se croisent sur mes seins et entre mes cuisses. Je sais que ce ne sera pas vulgaire parce qu’elles ne sont pas vulgaires. Je croise le regard fou de Lara. Alors je m’approche et doucement je l’attire vers le lit. Dom et Fred nous accueillent à ciel ouvert. Le vertige s’empare de nous. Les corps se mêlent les uns aux autres, se croisent, se décroisent pour finir pantelant la tête en bas du lit, l’orgasme au bord des lèvres.

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