Vide abyssal

Mathilde En Soir

 

Le sol s'effondre sous mes pieds et je chute du quinzième étage du gratte-ciel. Je vais mourir dans peu de temps, et je ne pourrai pas lui dire combien je l'aime.

C'est tout ce dont je me rappelle. J'ai la sensation qu'il s'est passé quelque chose dans mon rêve, le même depuis une semaine. Toujours cette impression de chute libre. Mon psychiatre essaye d'en savoir plus, en m'interrogeant sur ma vie professionnelle, ma vie affective. Le problème vient de là, il en est sûr. Ce rêve m'angoisse de plus en plus. Plus j'avance, et plus je sens que quelqu'un m'empêche de tracer ma route. Peut-être qu'en me rendormant, je vais rêver à nouveau. Des détails vont survenir pour peaufiner le décor. Je dois fermer les yeux, et oublier …

La place ! C'est bien celle présente dans mon rêve. Une immense place, où se trouve un parterre entièrement recouvert de mosaïques. Elles représentent des sortes de lunes. Je lève les yeux. Deux lunes rousses se tiennent dans le ciel. Deux énormes globes qui émettent un rayon crépusculaire sur le sol couleur ocre. Suis-je sur une autre planète ? Mars ? Il n'y a personne, aucune maison. J'ai toujours rêvé de voyager dans l'espace. Je n'aperçois plus le gratte-ciel étrange. C'est une chance, il est annonciateur de ma chute. Je marche pieds nus, en direction de la forêt. Je ne sais plus si j'y suis déjà allée, elle n'est guère accueillante. Des saules pleureurs se tiennent près d'un chemin y menant. J'entends des cris de corbeaux provenant de la forêt. Moi qui aie une sainte horreur des oiseaux.

Ils s'envolent au loin, perçant le silence de la plaine avec leurs cris lugubres. Mon dieu … mais leurs têtes … ce sont des têtes d'hommes … Non … ils ont tous le même visage, le sien…

Il faut que je parte d'ici, ça ne présage rien de bon. Les corbeaux à tête d'homme me fusillent du regard et me pourchassent. Je cours jusqu'à la place, et cherche désespérément un endroit où ces rapaces ne me trouveront pas. Ah ! Une grotte, c'est là qu'il faut que je me cache. Je m'entasse au fond, me recroquevillant sur moi-même dans l'obscurité la plus totale, en espérant ne pas me faire repérer. Je commence à avoir froid. La grotte n'est pas des plus chaleureuses et rassurantes. Je n'entends plus les corbeaux hurleurs. Enfin, j'espère ne plus les revoir…

Un instant, je sens le sol crépité sous mes pieds. Il se fissure. Je commence à paniquer. Je vais faire une chute libre, je vois le vide à travers les fissures ! Je ne trouve aucun appui dans la grotte, rien auquel me tenir. Non, je ne vais pas tomber, je ne veux pas tomber ! Aidez-moi !! Je ne peux pas finir comme ça !

En me réveillant, j'ai toujours cette sensation de tomber dans le vide. Attendez … mais où suis-je ? Ce n'est pas mon bureau. Je suis dehors, en plein jour ! Tout est blanc et lumineux. Je me repose sur … un nuage ?

 

 

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